Elle devait être présente en Suisse, mais c’est à distance que l’ancienne garde des Sceaux a reçu son doctorat honoris causa.

La crise sanitaire qui paralyse les déplacements n’a pas réussi à gâcher la fête. Quel charisme! Quelle présence! Quelle intensité dans l’émotion qui a traversé la salle du Dies academicus de l’Université de Genève, au moment de la remise du doctorat honoris causa à Christiane Taubira! Sur grand écran, l’ancienne garde des Sceaux a littéralement électrisé le public de la manifestation, placée cette année si particulière, sous le signe de la solidarité et de la cohésion. «Nous avons à nous battre pour transmettre un monde habitable. En face des injustices de la mondialisation, de sa brutalité, de ses progrès inégaux, il n’y a qu’une réponse, la mondialité, qui ne doit ignorer aucun endroit au monde», a martelé l’ancienne ministre, femme de conviction, de combat et d’engagement, écrivaine aussi, amoureuse des belles lettres, bercée de littérature depuis sa tendre enfance.

Solidarité, cohésion, des thèmes qui sont chers à celle qui a donné son nom à la loi française qui reconnaît l’esclavage et la traite comme un crime contre l’humanité. A celle qui s’est battue, contre vents et marées, pour légaliser le mariage entre deux personnes du même sexe. A la femme politique, qui a marqué de son passage, la justice française. «Peu de ministres ont laissé leur nom à des lois qui font référence, seuls les plus grands, comme Robert Badinter, Simone Veil ou vous», a relevé la vice-rectrice de l’Université de Genève, Micheline Louis-Courvoisier. Christiane Taubira est titulaire d’un diplôme d’études approfondies en sciences économiques, d’une licence en sociologie et d’un certificat en ethnologie afro-américaine, elle a également suivi un troisième cycle en agroalimentaire au Centre français de la coopération agricole. Elle fait désormais partie de la communauté de l’Université de Genève. «J’ai pu y saisir un sens du doute, de l’éthique, de l’écoute, du partage, qui sont les conditions de son prestige», a déclaré Christiane Taubira, distinguée cette année aux côtés d’une autre grande dame, l’anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah, condamnée à cinq ans de prison à Téhéran pour «propagande contre le système» politique de la République islamique», qui vient d’obtenir une libération temporaire et est assignée à résidence sous le contrôle d’un bracelet électronique.

 Ces derniers mois, Christiane Taubira est revenue à ses premières amours, avec l’écriture d’un roman «Gran Balan», publié chez Plon, mais ses combats politiques ne sont jamais loin. Le livre nous plonge dans sa Guyane natale et avec le souci de raconter l’esclavage, de défendre les droits des marginalisés, de promouvoir les femmes qui construisent le monde. «Ne pas obéir, c’est réfléchir», recommande Christiane Taubira, qui demande aussi de «ne pas récuser le doute sans lui faire les poches». Convictions, sens de la formule et talent oratoire. A Genève, l’illustre politicienne a démontré une nouvelle fois, lors du Dies academicus, qu’elle avait fait sienne cette maxime de Cicéron: «Plaire, émouvoir, convaincre par la force de la parole.»

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