La critique est unanime à saluer sa performance dans «Cellule de crise», qu’elle porte littéralement à l’écran. L’actrice et comédienne genevoise semble en cristal, pure et éclatante
Elle avait déjà remporté le Quartz de la meilleure actrice suisse pour son rôle dans «All That Remains». Elle incarne Suzanne Fontana, présidente d’une grande organisation, qui pourrait bien être le CICR, dans la série de Jacob Berger, aux côtés d’André Dussollier. Et voilà que le grand public découvre cette comédienne, aux origines haïtiennes et genevoises, que l’on a surtout vue au théâtre. D’une sensibilité ardente, Isabelle Caillat est à la fois humble, discrète, sincère et lumineuse. Elle semble tracer son chemin, sans rien céder à la fureur du monde. Elle cherche ses mots, avec lenteur et précision, pour être au plus juste de ses émotions, lors de notre entretien.
Dans «Cellule de crise», on vous découvre en dirigeante de l’humanitaire, à la fois idéaliste et volontaire. Un scénario, qui semble écrit pour vous.
Idéaliste et volontaire, je crois que je le suis aussi, mais avec sans doute plus de discrétion, d’intimité, et d’ambivalence que Suzanne Fontana. C’est un rôle que j’ai beaucoup travaillé, je savais que je devais faire un long chemin pour «arriver à elle», mais en même temps il y a eu quelque chose de très fluide dans ce processus. C’est étonnant. Je me suis sentie à la fois très différente et très proche de Suzanne. Peut-être que ce rôle me faisait aller chercher quelque chose que j’avais en moi et qui ne se manifestait pas, ou pas de façon aussi affirmée.
Et la réaction de vos proches, de votre mari assistant-réalisateur?
Les retours sont bons et j’en suis heureuse. Mon mari m’a dit qu’il était impressionné, en me voyant, qu’il m’avait oubliée pour se laisser embarquer par Suzanne Fontana. De la part de quelqu’un qui me connaît si bien, ça m’a touchée! Ma fille n’a que 3 ans. Pour l’instant, elle n’a vu de la série que des photos des articles de journaux que j’ai gardés.
Présidente du CICR, c’est un poste qui vous fait rêver?
(Rire)…non, franchement ce n’est pas réaliste. En revanche, ce rôle a réveillé des élans, l’envie de participer plus activement aux changements du monde, même si je ne suis pas sûre d’en avoir les capacités, de pouvoir véritablement m’engager plus largement. En fait, Suzanne Fontana est quelqu’un que j’admirerais beaucoup, si je devais la croiser.
Dans le film vous affrontez les jeux de pouvoir, les trahisons, la jalousie. Vous devez vous salir les mains pour libérer des otages. Vous avez connu ces situations dans la vraie vie?
Je n’ai pas connu la jalousie à mon égard dans mon métier. Il m’arrive, au contraire, moi-même de me comparer et de me dire zut …. J’ai vécu en revanche des déceptions, des situations peu claires, des critiques qui m’ont touchée. L’expérience de l’abandon. Mais les jeux de pouvoir, non, je ne les connais pas personnellement, peut-être parce que je refuse, plus ou moins consciemment, de les laisser m’atteindre et d’y participer.
Qu’est-ce qui vous révolte?
Dure question… Il y a des choses que je trouve révoltantes, sans doute les mêmes que pour plein de gens. Mais je me qualifierais juste de sensible, pas de révoltée. J’essaie d’être cohérente par rapport à cette sensibilité, mais si j’étais vraiment révoltée, je m’imaginerais beaucoup plus engagée politiquement, et plus en colère peut-être.
Votre performance dans «Cellule de crise» a été unanimement saluée. Avez-vous eu de nouvelles propositions depuis?
Pas pour l’instant. J’ai eu beaucoup de chance au théâtre. J’en ai encore. Je répète en ce moment, «Hiver à Sokcho» d’Elisa Shua Dusapin mise en scène par Frank Semelet, au Reflet à Vevey. Au cinéma, j’ai aimé toutes les expériences que j’ai eues, mais c’est plus difficile de me faire un chemin. J’espère que les propositions viendront. C’est un peu aléatoire. Il serait avisé de ma part de ne pas trop attendre.
Avec qui aimeriez-vous tourner?
J’espère de belles rencontres, des collaborations stimulantes et enrichissantes, de bonnes ententes sur le plan artistique comme personnel. Par exemple, j’aimerais beaucoup retourner avec Jacob Berger; je suis heureuse et fière de la façon dont on a travaillé ensemble sur la série. Sinon avec Véronique Reymond et Stéphanie Chuat. Leur dernier film «Petite sœur», dans lequel j’ai un petit rôle, m’a bouleversée. Et d’autres…
Seriez-vous prête à tout tenter pour décrocher un grand rôle au cinéma ou attendez-vous plutôt que «les choses se fassent»?
Un peu les deux. Je suis prête à beaucoup travailler, à me remettre en question, à toquer aux portes. Mais je crois aussi au laisser-faire. Et je ne suis pas prête à laisser le travail et mes ambitions prendre toute la place. J’ai besoin et envie de la vie en dehors de ça aussi.
À la vie, vous semblez cultiver la discrétion. Le monde ne vous convient pas?
J’aime le monde! Par contre, il y a, dans le monde, des choses qui ne me conviennent pas, avec plus ou moins d’impact sur ma vie personnelle. Alors, j’essaie de trouver des arrangements: parfois c’est de la résistance, parfois c’est de l’adaptation, parfois c’est quelque part entre les deux, et parfois je ne trouve pas…
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