Tout savoir sur l’auteure des Tom Ripley, interprétés à l’écran par Alain Delon et Matt Damon, notamment. Le «Journal» et les «Carnets» de Patricia Highsmith viennent d’être édités. Elle s’y montre sans fard, telle qu’en elle-même.
De son vivant, Patricia Highsmith ne voulait pas d’une biographie. Ce n’est qu’en 2009, 14 ans après sa mort, que l’Américaine Joan Schenkar put publier «The Talented Miss Highsmith», clin d’œil au roman «Le Talentueux M. Ripley» dont le réalisateur René Clément tira «Plein Soleil», avec Alain Delon, Maurice Ronet et Marie Laforêt, et Anthony Minghella le film éponyme avec Matt Damon, Jude Law et Gwyneth Paltrow. C’est que la reine du suspense psychologique ne souhaitait pas lever le voile sur sa vie privée. Pourtant, se sachant malade, elle n’a pas détruit son journal intime et ses carnets de notes. Ils ont été retrouvés au fond d’une armoire à linge tessinoise. Et ils viennent de faire l’objet d’une remarquable publication sous les auspices de l’éditeur zurichois Diogenes.
Patrica Highsmith avait envisagé de prendre la nationalité suisse. Mais cette Texane était une voyageuse impénitente. Ses incessantes pérégrinations et ses histoires d’amour l’avaient menée aussi bien dans les métropoles que dans les villes de province, dans le Suffolk, en Île-de-France et au Tessin. Elle avait besoin de solitude pour travailler. Elle la trouva à Aurigeno, puis à Tegna où elle se fit construire une maison qui tourne le dos au village et que seules éclairent, côté rue, deux fenêtres étroites comme des meurtrières. L’auteur du «Journal d’Édith», d’«Eaux profondes» et du «Cri du hibou» était peu avenante. Ce qui ne l’empêchait pas de faire tourner bien des têtes, celles de quelques hommes et de beaucoup de femmes. Ces «Écrits intimes» en témoignent: bien que souvent dépressive, elle fut une grande amoureuse. Sur le tard, toutefois, elle se contenta de la compagnie de ses chats, de l’alcool et du tabac. Un cancer du poumon l’emporta, le 4 février 1995, à l’hôpital de Locarno. Ses cendres reposent dans une urne, à l’ombre de l’église de Tegna.
«Les six premières années de ma carrière ne furent pas véritablement couronnées de succès; puis la chance tourna». Elle tourna avec «L’Inconnu du Nord Express » (1950) que Hitchcock s’empressa de porter à l’écran. Son deuxième roman, «Carol», parut sous pseudonyme. Elle ne pouvait encore assumer la maternité d’un amour lesbien. La série Tom Ripley lui valut ensuite une grande popularité. Et pourtant son personnage, totalement amoral, ne suscite pas nécessairement la sympathie… «Pat», comme l’appellent ses intimes, y voyait néanmoins comme un alter ego littéraire. N’avait-elle pas le sentiment que «Ripley a écrit lui-même le roman»?
D’une grande productivité, en dépit de ses déprimes et de ses chagrins d’amour, elle rédigeait articles, nouvelles, romans, scénarios. Et même un «mode d’emploi» de «L’Art du suspense» où elle détailla sa manière de travailler. Sans le sou durant ses jeunes années, elle finit par connaître une certaine aisance grâce aux nombreuses traductions dont son œuvre a fait l’objet et aux différentes adaptations cinématographiques signées Claude Chabrol, Wim Wenders ou Liliana Cavani. Son fonds est conservé aux Archives littéraires suisses, à Berne. Quant à l’édition de ses «Écrits intimes», elle est placée sous la responsabilité d’Anna von Planta, l’interlocutrice de Highsmith chez Diogenes. Un travail remarquable poursuivi par Calmann-Lévy, pour l’édition française (1040 pages!)
«Les Écrits intimes de Patricia Highsmith 1941-1995», édités par Anna von Planta, postface de Joan Schenkar, traduit de l’anglais par Bernard Turle, éd. Calmann-Lévy, 1040 p., CHF 58.80.-
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