Patrick Lachaussée, consul de France, s’apprête à quitter Genève après un mandat de quatre ans. Féru de musique et d’écriture, il raconte ce séjour qu’il «a adoré».

Un diplomate, on l’imagine volontiers un peu lisse et langue de bois. Or, Patrick Lachaussée (56 ans), père de 4 enfants, consul de France depuis quatre ans à Genève, ne correspond nullement à cette image. Dans sa jeunesse, il a pas mal bourlingué comme pianiste de jazz et de rock. À un moment, il a mis de côté sa carrière pour partir seul sur les traces de sa grand-mère au Mali. Féru de littérature, romancier à ses heures, il se considère comme «un chef d’orchestre au service des autres. On est toujours plus fort ensemble que seul. C’est cela l’altérité», dit-il dans l’immeuble Belle Époque du consulat au pied de la Vieille-Ville.

En ce mois de septembre, le diplomate s’apprête à quitter Genève et sa quarantaine de collaborateurs pour rejoindre au Ministère des affaires étrangères à Paris la direction générale de la mondialisation. Il sera chargé, joli programme, du rayonnement culturel de la France à l’étranger. La Suisse romande est, au monde, la région comptant le plus grand nombre d’expatriés français, quelque 140 000; c’est dire si le consul n’a pas chômé. Son principal cahier des charges? «Accueillir et soutenir mes compatriotes, améliorer les services pour les transfrontaliers», résume-t-il.

Plus généralement, Patrick Lachaussée est tombé amoureux de notre coin de pays. «J’ai adoré mon séjour. J’ai fait des rencontres exceptionnelles dans les six cantons, noué des liens d’amitié et de confiance». Mauro Poggia, le conseiller d’État, «brillant leader durant le Covid», est devenu un ami. Parmi ses proches figurent aujourd’hui Bertrand Levrat, le patron des HUG qui ont accueilli de nombreux patients français durant cette sombre période ou Jean Liermier, le directeur du Théâtre de Carouge. Le consul a régulièrement goûté aux fêtes qui ponctuent la vie romande, l’Escalade, Paléo, les festivals de Verbier et de Cully.

De tout ce qu’il a accompli, Patrick Lachaussée est particulièrement fier d’avoir pu, grâce à une association qu’il a créée, rénover le monument, situé en face du consulat, commémorant les 883 Suisses et Français de Genève morts durant les deux guerres mondiales. À son initiative y a été ajoutée une plaque en hommage à Noëlla Rouget, héroïne de la Résistance, morte à Genève en 2020 à plus de 100 ans. «Internée à Ravensbrück, elle a obtenu en écrivant au général de Gaulle la grâce de son tortionnaire condamné à mort. Et quand des rumeurs niant l’existence des camps ont commencé à se répandre, elle, qui était restée silencieuse, a raconté dans les écoles ce qu’elle y avait vécu».

Selon un cliché toujours vivace, certains Français, Parisiens en tête, persiflent en réduisant la Suisse à un pays riche mais ennuyeux où tout fonctionne mais où rien ne se passe. Cette idée reçue, le consul lui tord le cou avec délectation. «Je n’ai jamais eu d’à priori. La quiétude apparente d’ici cache une forte détermination. Partout en Suisse romande, des gens innovent, prennent des risques. Cette région n’a pas un tel attrait économique par hasard». Il se souvient d’un moment de grâce vécu en voilier sur le Léman. «D’un côté, vous avez les montagnes françaises, de l’autre les vignes suisses, c’est comme un cocon d’amitié réunissant les deux pays». Son moment le plus douloureux remonte au premier jour de mandat: il avait dû aller apporter son soutien à une famille française dont la fillette avait été emportée par une coulée de boue à Chamoson, en Valais. «Une telle catastrophe vous rend humble. On ne peut rien faire contre la nature. Cette tragédie m’a profondément marqué».

Chargé de nombreuses années au Quai d’Orsay de la sécurité des Français à l’étranger, le diplomate a dû gérer des drames qui ont fait la une de l’actualité, le tsunami et ses nombreuses victimes françaises, des prises d’otage aussi, celle de ce couple en croisière dans le golfe d’Aden au large de la Somalie ou du journaliste Georges Malbrunot, retenu des mois par des djihadistes en Irak. «Parfois on annonce de bonnes nouvelles, parfois de très mauvaises», relève-t-il avec philosophie.

Resté huit mois dans un petit village du Mali, il y a lancé un projet d’irrigation. Le Mali, en proie au djihadisme, où se déroule aussi le dernier de ses trois romans «Bourama l’arbre et le sage», une fable où un homme échappe aux terroristes en s’agrippant à un baobab géant. «J’aime ce pays mais, devenu trop dangereux, je n’ai plus pu y retourner depuis 2013». Maire un temps du petit village de Fossoy près de Reims et ses 590 habitants, ce pianiste passionné y a créé un festival baptisé «Aux arts citoyens» accueillant un cocktail d’artistes africains et de stars du rock de Simple Minds à Jimmy Cliff.

Genève forcément va lui manquer et ce sera réciproque pour tous ceux qui, au bout du lac, ont côtoyé ce diplomate chaleureux.

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