Le designer Kévin Germanier présentera son premier défilé Haute Couture la semaine prochaine. Une première historique pour le prodige valaisan.
Le 30 janvier, Kévin Germanier clôturera, en tant que membre invité, la semaine de la Haute Couture à Paris. Fidèle à l’upcycling, il a promis un défilé célébrant l’innovation et la mode durable. Le natif de Granges deviendra alors le premier Valaisan et seulement le deuxième Suisse, après le Vaudois Robert Piguet, disparu en 1953, à accéder à cet événement prestigieux.
Depuis le lancement de la maison Germanier à Paris en 2018 et son entrée à la Fashion Week en mars 2022, Kevin Germanier enchaîne les succès: ses pièces hautes en couleur, sublimée de perles et sequins, ont déjà été portées par Taylor Swift, Lady Gaga, Björk ou Beyoncé. Lily Collins avait craqué pour un de ses tricots made in Valais dans la saison 3 de «Emily in Paris». En 2024, ses costumes pour la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris ont été applaudis aux quatre coins de la planète. Puis il a encore réalisé un rêve d’enfant en décorant les célèbres vitrines de Noël des Galeries Lafayette.
Bien qu’établi à Paris, le couturier reste très attaché à son Valais natal, où ses tricoteuses, dont sa mère, sa grand-mère et ses grandes-tantes, donnent vie à ses œuvres, et où son père gère l’administratif. Le 30 janvier, sa famille sera donc évidemment au premier rang, se réjouit le créateur au téléphone, entre deux rendez-vous.
Quand avez-vous commencé à préparer ce premier défilé Haute Couture?
Kévin Germanier: Le 14 novembre, date où les maisons participant à la Haute Couture sont validées. Mais pour être honnête, je n’y ai pas trop réfléchi au début parce que j’étais encore concentré sur les vitrines des Galeries Lafayette. En tant que créatif, on a évidemment toujours des idées en tête, mais comme dans l’upcycling, on part des matériaux, c’est toujours une surprise, car je ne sais jamais à l’avance ce que j’aurai sous la main. Cela dit, deux mois pour un défilé, ça va. On est prêts. J’ai connu pire: pour préparer mon défilé «Les Désastreuses» en septembre, j’ai eu un mois et dix jours! Je suis un workaholic, mes journées sont longues, mais je suis très content, car j’ai la chance de vivre de ma passion.
Vous semblez en effet serein à l’approche du jour J.
Être le premier Valaisan en Haute Couture, c’est beaucoup d’émotion pour moi, mais le stress n’aide à rien. Comme je dis souvent: «On ne fait que des robes à perles, on ne sauve pas le monde!» Donc cela ne sert à rien de stresser. (Rires).
Pensez-vous que vous ressentirez tout de même un peu de trac?
Oui, bien sûr, car j’aimerais que ce défilé reflète l’évolution de notre travail et notre souci du détail. On ne travaille pas, comme en prêt-à-porter, avec des tissus trouvés dans les dead stocks qui ont déjà des sequins. En Haute Couture, chaque sequin est posé à la main. Mon souhait pour le 30 janvier, c’est que les gens ressentent ce grand soin et l’évolution de mon travail et qu’ils voient où je veux aller.
Comment s’est déroulée votre entrée en Haute Couture?
C’est un processus long et rigoureux. Il faut présenter un dossier en béton. Tout est vérifié: comment et où les vêtements sont faits, si tout est réalisé à la main. Il y a des exigences strictes sur la production, le chiffre d’affaires… Il faut aussi obtenir une lettre de recommandation d’un des membres permanents de la Haute Couture. J’ai la chance d’être accompagné par le groupe LVMH, pas financièrement mais via un mentoring, ce qui m’a énormément aidé. Mon année 2024, très riche en projets avec notamment mes créations pour les Jeux Olympiques et les Galeries Lafayette, a aussi joué en ma faveur.
Quels ont été les autres moments forts de l’année qui vient de s’achever?
En janvier, la fanfare l’Ancienne Cécilia de Chermignon est venue à Paris pour jouer lors de mon défilé «Les Épineuses». C’était très important pour moi qui suis Valaisan d’avoir l’Ancienne Cécilia! La moitié de ma famille joue dedans, j’ai grandi avec cette fanfare. J’ai aussi habillé les personnages du jeu vidéo Just Dance sur la musique de Madonna. Madonna a elle-même validé les tenues, c’était génial! On a aussi retravaillé avec Heidi Klum sur son émission «Germany’s Next Topmodel», un projet qui nous ouvre des opportunités vers les pays alémaniques, mais également les États-Unis. Et puis, j’ai présenté la collection Prélude, réalisée à partir d’invendus de maisons du groupe LVMH. Bref, il n’y a pas de journée type dans mon travail. C’est pour ça que je l’aime autant.
Quels échanges avez-vous avec les autres couturiers parisiens?
L’ambiance est extrêmement cordiale, même si on ne se voit pas souvent, vu qu’on a beaucoup de travail. Il n’y a pas vraiment de rivalité parce qu’on est tous différents. La fédération favorise aussi cette bonne ambiance via des workshops, etc.
Avez-vous un rituel avant un défilé?
Pas vraiment, si ce n’est bien dormir la veille. Je ne suis pas partisan du travail à la dernière minute. Je pense que cela ne sert à rien de faire une nuit blanche. Je préfère être bien organisé en amont pour que tout soit prêt.
Quand vous avez créé Germanier, visiez-vous déjà à la Haute Couture?
Oui, parce que c’est un peu la Ligue A de la mode. Quitte à viser les étoiles, autant aller le plus haut possible! Mais sincèrement, je n’aurais jamais imaginé avoir un jour ma propre marque, ni défiler à la Fashion Week de Paris, alors la Haute Couture… La question, c’est qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire après? (Rires).
Comment voyez-vous l’avenir de Germanier?
Il y a plusieurs projets qui arrivent dont je ne peux pas encore parler. Mais mon objectif principal, c’est de faire vivre mon équipe. Il y a beaucoup de personnes qui reposent sur moi. Être éthique, ce n’est pas juste upcycler des matériaux, il faut aussi offrir de bonnes conditions de travail, rémunérer ses stagiaires, payer les gens correctement et à temps… Je me mets la pression pour être sûr de pouvoir continuer l’aventure jusqu’à ce qu’on ait épuisé tous les dead stocks de la Terre!
Comment se compose votre équipe aujourd’hui?
Quand il n’y a pas de collaborations, ce qui veut dire jamais (rires), on est 5 ou 6 à Paris pour la partie créative et administrative. Ce n’est pas beaucoup. À cela s’ajoutent nos 27 tricoteuses en Valais, les 12 personnes aux Philippines et les 37 brodeuses qui travaillent pour la Haute Couture dans notre nouvel atelier à Mumbai. Germanier grandit bien, mais je tiens à garder le cœur de l’entreprise petit pour pouvoir bien déléguer.
Quels termes qualifient le mieux vos créations?
Audacieuse, dynamique, présent, passé, futur. Le passé, parce que j’ai beaucoup de respect pour ce qui a été fait avant. On ne peut pas créer des vêtements sans apprendre des maîtres couturiers qui nous ont précédés. Le présent, parce que je suis conscient de la surconsommation et de l’importance du travail éthique. Le futur, parce qu’on habille déjà la femme du futur. Femme, homme ou non binaire, évidemment.
Quel lien entretenez-vous avec votre clientèle?
J’envoie un mot de remerciement écrit à la main avec chaque commande. Je trouve essentiel de remercier les personnes qui investissent dans une pièce, parce que c’est grâce à elles que je peux continuer à vivre de ma passion. Je profite d’ailleurs de cet entretien pour dire ma gratitude face au fort soutien que j’ai en Suisse depuis le début. Se savoir soutenu permet aussi d’aller toujours plus loin. Donc merci!

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