Auteurs, éditeurs, lecteurs… le roman noir séduit tous azimuts. Avec l’abondante rentrée littéraire, le frisson est garanti.

La Suisse romande scène de crime? En tout cas, bassin d’auteurs de romans à suspense. La rentrée littéraire en témoigne comme le montre aussi le Prix du polar romand. Dix titres étaient en lice, au printemps dernier, sous huit labels: Favre, Slatkine, Plaisir de lire, L’Age d’homme, Gore des Alpes, BSN Press, Ed. 180° et Romann. Décerné dans le cadre du festival Lausan’noir, ce Prix est allé cette année à Laurence Voïta pour «Au Point 1230». Un cadavre est retrouvé sur le sable d’une plage lémanique. Voilà ce qu’il en coûte lorsque l’on renonce à encaisser les 3 millions gagnés à la loterie… Pour se déterminer, le jury n’a certainement pas eu la tâche facile: parmi les sélectionnés figuraient Marc Voltenauer («Les Protégés de Sainte Kinga») et Fabio Benoit («L’Ivresse des flammes»).

«Le Dragon du Muveran», le premier roman de Marc Voltenauer, s’est vendu à 30 000 exemplaires. Un record si l’on fait abstraction des best-sellers du Genevois Joël Dicker (et les 5 millions d’exemplaires de «La Vérité sur l’affaire Harry Québert») Quant à Fabio Benoit, ex-commissaire, aujourd’hui chef de la formation de la police judiciaire fédérale, il est déjà l’heureux auteur de deux beaux succès: «Mauvaise personne» et «Mauvaise conscience». Bien que non-candidat cette année, Nicolas Feuz figure aussi parmi les auteurs de polars romands les plus en vue. Comme les précédents, «Heresix», le quatorzième roman de ce procureur neuchâtelois multiplie les sensations fortes. Non-candidat, lui non plus, Joseph Incardona, Grand Prix de littérature policière 2015, évoque magistralement la Genève des banques dans «La Soustraction des possibles».

A priori, situer l’action d’un roman à suspense dans un pays lointain porte plus au rêve que la développer dans un environnement proche. Pourtant, après avoir fait évoluer ses personnages entre le Maine, l’Alabama et le New Jersey, Joël Dicker a opté pour Genève et Verbier dans «L’Enigme de la chambre 622». La relocalisation des romans noirs prend de l’ampleur. Les premières pages de «Backstage» de Pascal Parrone (Slatkine) se passent au Venoge Festival… L’intrigue de «La Page» (Slatkine), le nouveau polar de Christophe Meyer, a le Jura pour décor. «Angoisse mortifère» (Montsalvens), le thriller psychologique d’Anne Bornand, fait frissonner du côté de Morges. Le point de départ de «Malatraix – trail mortel» (Slatkine), première publication d’Emmanuelle Robert est une course à pied Montreux – Les Rochers-de-Naye. En prédécesseur, Michel Bory, situait dès 1995 déjà les treize enquêtes de son inspecteur Perrin entre Grandson, Evolène et Lausanne (BSN Press vient de les regrouper en un volume de 1300 pages!).

Propriétaire d’un chalet à Wengen, John Le Carré («L’Espion qui venait du froid») connaissait bien la Suisse. Le Bellevue Palace, à Berne, occupe une place de choix dans « Un traître à notre goût ». Et Patricia Highsmith («L’Inconnu du Nord Express») a planté le décor de «Small g – une idylle d’été» autour d’un bar gay zurichois. Si Georges Simenon n’a jamais conduit Maigret dans la région, Christian Jacq, autre «Vaudois» d’adoption et, lui aussi, auteur d’innombrables livres à succès, a publié un «Crime sur le Léman». Mais habituellement son inspecteur Higgins traque les assassins entre Londres, Nice et la vallée des rois… Pour les écrivains étrangers, la Suisse est un ailleurs, support de tous les possibles. Pour les autochtones, un espace familier dont les crimes viennent heureusement bouleverser la quiétude. Entre les pages d’un livre, avoir peur est un délicat plaisir.

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