Nous retrouvons Alain Borle, à une heure matinale, sur la terrasse du Carlton à Cannes. «Je me suis couché à 4 heures du matin, ce n’est pas idéal pour une interview» annonce-t-il d’emblée. Il faut dire que la veille, le patron de Pac Team fêtait sur la plage, dans le restaurant Vegaluna, en face de ce mythique hôtel cannois, les 70 ans de son entreprise.    

 

Cela n’empêche pas l’homme, à l’allure sportive, crâne méticuleusement rasé et chemise noire, de dévoiler un sourire d’enfant lorsque, par mégarde, il lui échappe. Le professionnalisme n’est-il pas lié à un sérieux sous contrôle? Pas question d’oser afficher un grand sourire.

A 56 ans, Alain Borle, père d’un fils de 32 ans, avocat aux Etats-Unis, peut se féliciter d’avoir boosté son Groupe d’une façon spectaculaire. «Les marques sont devenues internationales» s’enthousiasme le patron. C’est en 1984 que le jeune homme rejoint l’entreprise familiale, créée par son oncle en 1949. A cette époque, ce n’était qu’une enseigne artisanale «Atelier Borle» gérée par son oncle et son père. «Ils créaient des mobiliers de vitrines, des décors de vitrines et des plateaux de présentations pour des produits de luxe. Un savoir-faire reconnu par les plus grandes marques horlogères». Ils étaient pionniers dans le domaine.

En 1990, alors qu’il faisait ses gammes au sein de l’entreprise, Alain Borle a dû faire face à une faillite «annoncée». Loin de se démonter, le jeune homme a fait preuve de courage et d’audace! Il a pu, grâce à ses qualités d’entrepreneur et au soutien de sa banque, la BCV (qu’il a plaisir à citer comme un partenaire indéfectible), racheter les actions de la société. «Auprès de nos fournisseurs italiens, mon oncle et père étaient les stars! Mais côté compétitivité, ils étaient loin d’être au top» Les deux méthodes de management s’opposeront mais celle d’Alain Borle, efficace, réactive et généreuse remportera une adhésion de tous les camps. Grâce à lui, la société a pris son envol en 1999. Son père décède en 2006. «Ce sont des choses dures à dire et à admettre mais quand j’ai habillé mon père, tout beau, pour le mettre dans le cercueil, j’ai ressenti une forme de soulagement. Je venais de couper le cordon, pour exister. Enfin.»

Et c’est à partir de là que l’homme d’affaires fait décoller l’entreprise. «Nous n’avions plus de dettes. Tout avait été remboursé.» Sur sa lancée et son franc succès, en 2003, Alain Borle prendra un associé aux Etats-Unis. Presque un pas sur la Lune…

Aujourd’hui, son Groupe ne se contente pas d’être implanté aux Etats-Unis, il est aussi présent en Chine et en Italie. «Nous faisons un chiffre d’affaires de 80 millions de francs et on devrait atteindre les 100 millions en 2020. Le Groupe emploie 450 personnes. J’ai 14 millions de salaires annuels à payer, vous imaginez?»

Alain Borle est à la tête de Pac Team Group qui détient 11 filiales dont il est l’actionnaire unique (à part les Etats-Unis 35% et l’Asie 50% suisse et italienne). Le CEO a choisi deux femmes d’envergure (Sarah Bonneau pour Pac Team Suisse et Tiziana Porro pour Pac Team Europa). Pour la petite histoire, l’homme semble avoir plus de discernement pour la gent féminine sur le plan professionnel que privé. Et ne manque pas de le faire remarquer lui-même avec humour! Une preuve d’intelligence, non? 

Alain évoque certaines situations qui auraient pu lui donner des cheveux blancs, si cheveux il avait eus. «En Chine, alors que Jaeger-LeCoultre avait investi 3 millions pour un programme de PLV / présentoirs de vitrines, la jeune femme en charge du projet a constaté un mois avant la date fatidique que rien n’était encore fait. Les Chinois avaient décidé de faire grève suite à quelques agissements d’intervenants aux méthodes de voyous. Ils m’ont bloqué deux jours dans mon bureau. J’ai payé les fournisseurs et j’ai dit au client: votre marchandise sera là le 15 octobre. Pour tenir parole, je n’ai pas hésité à payer 550 000 francs de frais d’avion pour le transport de nos présentoirs. Depuis, ma réputation d’homme de parole me précède. Je possède deux usines sur place. Mes 350 ouvriers chinois font partie de la famille. L’être humain reste au cœur de mon entreprise.»

Mais Alain Borle a d’autres anecdotes à son actif. Il a dû gérer une crise de nerfs mémorable d’un de ses clients. Un show-room en Chine que Pac Team s’était engagé à climatiser et où le sol devait être nettoyé – comme pour y manger – car le client voulait marcher pieds nus. «Dans ces cas-là, je reste très calme. Un autre de mes clients, une star du design américain ne voulait rouler qu’en Audi A8 (il fallait impérativement en trouver une) et exigeait de l’eau mais uniquement du Perrier et servi avec des gants blancs. Il avait peur des microbes. Il exigeait aussi du café, uniquement du Nespresso. Finalement, on a sympathisé; il a oublié les gants blancs, on est passé aux accolades et il a même bu de l’eau du robinet, c’est peu dire. Il faut avouer que dans le secteur de l’horlogerie de luxe, il y a une pression d’enfer. Les leaders de ce monde se déchargent sans complexe sur les gens. Je reste l’élément qui calme et détend l’atmosphère.»

Alain Borle, qui se définit lui-même comme un lion fonceur, éternellement insatisfait et exigeant, entretient une relation particulière avec l’argent. Pour lui, l’argent doit se redistribuer «c’est une merveilleuse énergie, ce n’est en aucun cas une finalité. Et il est clair que je ne travaille pas pour l’argent».

Quand on parle de ses peurs, l’homme annonce d’emblée: la mort! Puis se rétracte: «Non, plutôt la maladie. Je suis hypocondriaque, trois fois par année, je fais un bilan de santé.»

Les projets, il en a bien sûr plein la tête, surtout des restaurants de plage, une spécialité dans laquelle le Groupe Pac Team s’est jeté à corps perdu. «Quand on aime ce que l’on fait, c’est merveilleux.» Alain aime encourager et stimuler les jeunes gens. «C’est un bonheur de transmettre le rayonnement d’une entreprise privée. Même si l’expérience n’est pas un manteau qui se prête, je tiens à transmettre les valeurs du travail. Jeune, j’ai connu toutes les difficultés. Il m’est arrivé, lorsque la société était au bord de la faillite, de manger des pâtes tous les jours».

L’homme se plaît aussi à parler de ses passions. Il projette d’être instructeur de combat Krav Maga. Il va faire des stages en Israël l’année prochaine. « Cette technique correspond en tout point à une forme de sérénité et de calme, avec pour seul horizon: aller droit au but.»

Ses rêves avoués sont principalement liés à sa vie professionnelle: une continuité et une belle évolution de son entreprise avec un désir, se retrouver pour fêter les 140 ans d’existence! De là-haut, du côté des étoiles…

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