Nouvel épisode-clé dans la relance sans fin de Leclanché, très ancienne entreprise industrielle d’Yverdon-les-Bains (1909). Tenue pour l’instant à bout de bras par un manager indien de haute volée.
La nouvelle a fait aujourd’hui la une de 24Heures, avant d’être officiellement confirmée : le groupe franco-polonais Eneris va investir 95 millions de francs dans Leclanché à Yverdon-les-Bains. Leclanché, référence européenne relativement modeste dans les systèmes de stockage d’énergie pour transporteurs lourds : maritimes, ferroviaires, routiers.
Une grande partie de l’activité de développement et de production de batteries, en Suisse et surtout en Allemagne, sera reprise par la filiale d’Eneris basée à Varsovie. Elle exploitera aussi des technologies de Leclanché sous licence.
Domicilié à Luxembourg sans être coté, Eneris est actif depuis plus de vingt ans dans le durable au sens large: traitement de l’eau et des déchets, énergie, cleantech en général. Des domaines très porteurs et souvent liés à des marchés publics. Le nouveau partenaire participe à de grands projets européens.
Est-ce une bonne nouvelle pour le site d’Yverdon, qui emploie une centaine de personnes ? A court terme certainement. A long terme, nul n’en sait rien. A plus forte raison dans un domaine très évolutif, fait de paris technologiques et financiers toujours un peu hasardeux.
La question pourrait d’ailleurs être posée différemment : comment expliquer que Leclanché, longtemps leader dans la production de bonnes vieilles piles électriques en Suisse, existe encore aujourd’hui ?
L’entreprise a en fait bénéficié de deux aubaines dans son histoire récente. La valeur (pourtant toute relative) de son important parc immobilier a d’abord permis de financer une première réorientation dans les années 2000. Dans les piles lilliputiennes pour microtechnologies en premier lieu. Ce qui paraissait assez naturel au pied de l’Arc jurassien. Avant de se tourner vers le stockage d’électricité en bien plus lourd, entrant dans la course effrénée et périlleuse aux énergies renouvelables.
Autant de développements longs et voraces en capitaux. Les nombreux petits actionnaires locaux ont à peu près tout perdu dans leur foi industrielle. Alors que les terrains et immeubles historiques, une friche aujourd’hui réaffectée en « village Leclanché » (artisanat et projets d’habitat), aurait suffi à sauver la mise s’ils s’en étaient contentés.
Le second miracle, ce fut en quelque sorte Anil Srivastava il y a six ans. Un manager indien de haute volée, avec expérience américaine et allemande. En poste chez un partenaire de Leclanché, il se laisse convaincre de reprendre la direction de ce qui était redevenu une sorte de start-up délocalisée de l’autre côté de la ville.
Dans un entretien sur le portail entreprises du site web de la Confédération en 2018, Srivastava avoue que la déception avait été cruelle. « Les chasseurs de têtes m’avaient dressé un portrait enjolivé de l’entreprise. J’ai ensuite découvert une société morose, sans stratégie claire, sans investissement et sans direction sur le marché. (…) Deux solutions s’offraient à moi: fermer ou relancer. La première semblait la plus facile, car il suffisait de contracter des avocats et de dire au revoir à tout le monde. »
S’ensuit un nouveau parcours du combattant fait d’annonces de contrats obtenus, souvent prestigieux, et de reports de rentabilité. On s’incline devant les fonds d’investissment et les privés, romands dans leur quasi-totalité, qui continuent de croire envers et contre tout que Leclanché a un vrai avenir industriel dans le très disputé stockage d’énergie.
Là, ce n’était toutefois plus possible. Le partenariat franco-polonais apporte de nouveaux moyens en échange d’une perte partielle de contrôle. Si l’activité industrielle à l’avenue des Sports, avec la cotation sur le marché suisse des actions existent encore dans dix ans, il sera temps de louer le génie persévérant d’Anil Srivastava. S’il n’en reste rien, on ne pourra pas dire que tout n’avait pas été tenté. Jusqu’à l’obstination parfois.
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