Les archives sont de terribles mouchards. Désolée pour vous, Monsieur Koch. Vous qui avez renoncé à une retraite bien méritée, après 13 ans passés à la tête de la division Maladies transmissibles, de l’Office fédéral de la santé publique, pour continuer à gérer au mieux cette crise du coronavirus, qui nous a tous pris par surprise.

Car nous avons été surpris! Nous, citoyens de ce pays, qui croyions, à tort, vivre dans un monde de sécurité. Et vous peut-être aussi, Monsieur Koch?

Les archives sont de terribles mouchards. En 2007, le 16 mai précisément, elles vous montrent en photo dans Le Nouvelliste. Vous y évoquez la possibilité d’une pandémie meurtrière, «qui reste d’actualité», précisant que la Confédération recommande assez tôt l’achat de masques de protection. Vous en portez un d’ailleurs sur le cliché. Tout le scénario vécu aujourd’hui est prévu et décrit par vous: écoles fermées, employés confinés, hôpitaux chargés. La Suisse s’y prépare, dit l’article, conformément aux directives de l’OMS, qui elle-même estime qu’une pandémie est inéluctable, sans pouvoir la situer dans le temps. On évoque la grippe espagnole. L’Office fédéral de la santé publique recommande donc, par votre voix, en 2007, une réserve de 50 masques pour chaque ménage suisse.

Deux ans plus tard, en pleine grippe aviaire, l’organe cantonal de conduite, l’OCC, tient le même discours. «Si vous ne l’avez pas encore fait, courez acheter des masques de protection», dit-on dans La Liberté. La démarche est simple et peu coûteuse.

Printemps 2020, nous y sommes. La pandémie est là. Un petit virus, parti de Chine, a paralysé nos vies et fait des victimes. Les plans sont réalisés. Le scénario prévu se déroule. Tout va bien, sauf qu’il n’y a pas de masques!

On a voulu nous faire croire, en mars, qu’ils ne servaient à rien. Certains le disent encore. Peut-être. Mais alors pourquoi les porte-on en Corée du Sud, à Hong Kong, en Chine et ailleurs? Une connaissance qui rentre de Pékin, tout étonné du laxisme ambiant, me dit que là-bas, dans cet immense pays confiné qui s’est pratiquement coupé du monde, la police est impitoyable contre tout contrevenant dans les lieux publics.

Imaginons donc, comme vous le disiez à l’époque, Monsieur Koch, que ces masques soient vraiment utiles. Qu’ils permettent de sortir en sécurité. Qu’ils préservent les plus fragiles. Qu’ils limitent le confinement des salariés et indépendants, leur permettent de retourner au travail. Imaginez.

En début de semaine, un Boeing a atterri à Genève, en provenance de Shanghai, avec deux millions de masques qui iront, et c’est bien normal, en priorité au personnel médical.

Pour les autres, c’est la débrouille. Des lots, commandés sur Wish, arrivent au compte-gouttes. De gentilles couturières en confectionnent, lavables à 60 degrés. Une épicerie de campagne les vend à 12 francs l’unité!

Permettez tout de même une question, Monsieur Koch, à vous et à tous vos supérieurs, à Berne, qui étaient chargés de prévoir. Tout était dit il y a 10 ans. Pourquoi cette pénurie?

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