En ces jours de peste et de réclusion, disserter sur la fin du monde ici et maintenant est d’un parfait à-propos. Personnalité de l’économie romande passé aux Lettres (Siemens, GE, Airesis), Philippe Erard n’en manque pas. Paru à l’instant, son deuxième roman s’intitule « Les trois fous et la fin du monde ».

Ça se déroule dans le Gros-de-Vaud, à Bollens plus précisément, hameau à peine imaginaire entre La Sarraz et Eclépens: une auberge en fin de trajectoire, une école désaffectée, une chapelle érosive, une maison vaguement vigneronne, un reste de ferme et quelques ruraux embroussaillés. Rien ne manque. Les descriptions ont la saveur d’un terroir auquel on ne la fait pas.        

D’improbables cabossés s’y accrochent: l’aubergiste et sa Portugaise, l’ancien régent ambivalent, un paysan bio bien décroissant, auxquels s’est adjoint sans demander un citadin banqueroutier devenu autiste. Entre mélancolie et deux passages de motards égarés, ils décident d’institutionnaliser un authentique Stammtisch. La table réservée autour de laquelle se retrouvent les habitués pour dézinguer le voisinage et refaire le monde. Tradition héritée des Bernois, à même pourquoi pas de relancer l’endroit sur de nouvelles bases de bienséance.     

Il s’agissait pourtant d’un traquenard. Le thème de la première semaine ne sera-t-il pas la fin du monde? Pas au sens biblique, mais bien dans l’acception météorologique moderne de cette expression vieille comme l’objet qu’elle désigne. Son effondrement semble si proche et exhaustif qu’aucune autre discussion n’a déjà plus aucun sens. Dans une espèce de hâte soudaine et irrépressible, les gars décident alors d’anticiper la chose.

La suite paraît tellement incongrue qu’on la croirait sortie d’une audience de tribunal de district. Le compte à rebours surmonte les imprévus les uns après les autres. L’étau se resserre à toute vitesse. On se dit alors qu’un cauchemar finit toujours par s’éteindre au moment de passer à l’acte. A l’instant crucial du non-retour, peut-être?… Mais rien n’y fait. La fin du monde a bien eu lieu. Et sa moralité vient rappeler aux survivants ce qu’ils oublient parfois: dans la tragi-comédie, c’est toujours le tragique que l’on ne veut pas voir.            

Philippe Erard: Les trois fous et la fin du monde. Editions de l’Aire, Vevey.

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