En pleine catharsis des enfances abusées, Philippe Erard publie un troisième roman s’ouvrant sur un drame de la vie familiale infamante, dans une campagne de Suisse romande.

Du côté de Fribourg au hasard. Glaçant, et d’autant plus valeureux que l’auteur n’a de prime abord aucune légitimité pour se lancer dans pareil récit. Sur un mode naturaliste de surcroît, heureusement maîtrisé au-delà des attentes. Il s’est entouré de relectrices et relecteurs.

La victime des crimes répétés ne s’en remettra pas, menant pourtant une vie pleine de succès sur le plan dit «professionnel». On la suit dans son calvaire et son bonheur à Lausanne, Genève, ou encore Paris et New York. Tout le Golden Age de l’après-guerre passe dans le décor, jusque bien plus tard, après la crise de 2008. Comme dans un mélo. «Berthe Ruffieux» – c’est le personnage-titre  – a d’ailleurs les attributs du tire-larmes efficace, entre misère personnelle séculaire et ascenseur social. Le rythme est endiablé et le suspens tient jusqu’au bout.

Le sens du détail en fait un ouvrage de terroir et d’époque plutôt convaincant. Même si les mots et tournures sont ceux du narrateur rétrospectif d’aujourd’hui. Philippe Erard adore parler des lieux qui parlent aux gens d’ici. Et de milieux modestes qu’il a de toute évidence bien connus. Il ne cherche pourtant pas davantage à faire du Ramuz que dans ses précédentes (et récentes) livraisons. Cette distanciation donne un style étrangement subjectif, de plus en plus personnel sous ses airs détachés.

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