La comédienne suisse de Paris, à l’affiche de «Divorce Club», dénonce la rivalité féminine dans «Déjeuner en paix», un subtil et malicieux premier roman.
On l’adore, notre Charlotte Gabris nationale! La belle plante lausannoise, installée à Paris depuis 2006, prouve au monde que nous savons rire, faire rire et ne pas se prendre au sérieux, le tout avec un talent et une classe folle. Elle est sur tous les tableaux: dans «Divorce Club», la comédie de Michaël Youn sortie fin mars, elle incarne la meilleure amie de l’héroïne, une fille qui pratique le combat rapproché et protège ses copines des mâles qui s’approchent de – trop – près. «J’ai pris de cours de MMA pendant deux mois. Je sais casser la figure à quelqu’un, maintenant!»
Après huit ans de one-woman-show et de chroniques dans diverses émissions, elle vient d’écrire deux longs-métrages et s’apprête à co-réaliser l’un deux avec Sarah Lelouch, amie et partenaire de jeu dans «Lola et ses frères». «Notre film parle des réseaux sociaux, des relations hommes-femmes, des tromperies sur internet…»
Et puis, grande première, elle publie un roman. «Déjeuner en paix» met en scène Sophie et Stéphanie, deux femmes installées seules à la terrasse d’un café, et passant l’entier de leur repas à jauger et juger l’autre. L’occasion de deux monologues intérieurs décapants et jubilatoires. «Déjeuner en paix» s’inspire évidemment de la chanson éponyme de Stephan Eicher. «J’adore cette chanson. J’ai été ravie qu’Eicher m’autorise à reprendre son titre. Cette fille qui veut se donner un moment pour soi, avant de replonger dans les problèmes du monde, me parle beaucoup.» Elle se reconnaît autant dans Sophie la fraîche provinciale que dans Stéphanie, la Parisienne aguerrie mais cynique. «Les deux personnages vivent des choses que j’ai pu vivre. Elles sont un mélange de la fille que j’ai été, de femmes que je déteste et d’autres que j’aurais voulu être.» Comme Sophie, elle a connu la solitude à son arrivée à Paris à l’âge de 19 ans. «Les déjeuners seuls, j’en ai connu… Quand c’est par choix, c’est parfait. Mais la solitude peut être pesante. Les nouvelles technologies sont censées faciliter le contact, mais au final, les gens sont souvent très seuls.» Comme Sophie, elle dut se battre pour percer dans le monde du spectacle. «J’ai dû apprendre la patience, croire en moi lorsque rien ne venait. On me dit que les choses sont allées vite, mais il m’a fallu neuf ans pour percer.»
Au cœur du roman, la compétition entre femmes. «Les femmes se comparent plus que les hommes, se font vite la guerre. Or nous vivons des moments de libération de la parole qui demandent que nous soyons ensemble! Même si la société fait peser tant de pressions sur les femmes: il faut être souriantes, disponibles, efficaces, ne pas vieillir… On ne nous fiche jamais la paix!» Publier son premier roman est une expérience qui la comble. «C’est si différent du reste de mon travail! Une pièce de théâtre, on peut la changer chaque soir. Mon roman appartient aux lecteurs.» Elle projette de l’adapter pour la scène, et d’interpréter elle-même les deux personnages. Restée proche de la Suisse, elle y revient «régulièrement». «A chaque fois, je découvre à quel point c’est tout simplement un beau pays!»
«Déjeuner en paix», de Charlotte Gabris, éd. Cherche-Midi, 163 pages.
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