La nouvelle présidente du gouvernement vaudois rayonne et son aura déborde des frontières de son canton. Le corps électoral ne s’y est pas trompé, qui l’a élue triomphalement ce printemps.  

Elle dégage des accents de sincérité, qui inspirent la confiance. Si elle était un élément, elle serait le feu, qu’attise la passion de la chose publique. Si elle était une saison, elle serait l’été, qu’illumine un grand soleil. Au jeu du portrait chinois, Christelle Luisier Brodard dégage de la lumière. Quel parcours, depuis son enfance passée au Café de la Poste de Payerne, entourée de ses parents, qu’elle cite souvent en exemple. Des études de droit à Fribourg, un brevet d’avocate, la Constituante, la syndicature de Payerne, le Conseil d’État depuis 2020 et, désormais, la présidence de ce gouvernement vaudois précurseur, qui compte 5 femmes sur 7 membres. La parole de Madame la présidente est claire et ses idées bien en place. On la croit lorsqu’elle dit: «J’aime rencontrer les gens.»

J’espère que vous avez passé un été reposant, avec les défis qui vous attendent…

J’ai eu des vacances par intermittence et suis restée en Suisse. J’aime marcher en montagne, ce doit être mes racines valaisannes qui ressortent!

On vous reconnaît un vrai charisme et une sorte de plaisir à l’exercice du pouvoir…

C’est gentil de dire cela! C’est vrai que je n’ai aucune vocation pour le pouvoir sacrificiel! Pour moi le pouvoir sans la joie, sans le plaisir de rencontrer des gens et de réaliser des projets, ça n’existe pas. Il faut une petite flamme. Ces valeurs sont au cœur de mon engagement

C’est nouveau qu’une femme ose dire: «J’aime le pouvoir»

Vous avez raison, c’est encore un peu tabou. Je dis que le pouvoir existe, qu’il serait hypocrite de dire le contraire, et qu’il peut y avoir une satisfaction à l’exercer, mais toujours au service des gens.

Pourtant vos semaines sont interminables. 

Très bien remplies en effet, d’autant que j’habite Payerne! Je me réveille vers 5 h 30 et ai une heure de trajet tous les matins. Mes journées commencent tôt et finissent tard. Il y a toutes les séances du Conseil d’État, de mon département, les différentes sollicitations du week-end. Je suis aussi en charge des relations avec les communes et aime bien me déplacer pour rencontrer les élus. Pour moi, il y a deux valeurs importantes: la cohésion et la proximité. Est-ce parce que je viens d’une région périphérique? En tout cas, je veux entretenir ce lien avec la population. C’est essentiel.

Vous présidez une nouvelle équipe, avec un changement de majorité. Comment allez-vous assurer la continuité de la «formule magique à la vaudoise».

On ne nous a pas élus pour que nous nous «tirions dans les pattes». Nous avons le devoir de nous entendre. J’ai souhaité que nous nous retrouvions, lors de journées au vert, pour mettre au point le programme de législature. J’ai envie de créer une dynamique d’équipe. C’est un peu ce que j’ai pu vivre, au sein de l’exécutif de Payerne. Cela semble d’autant plus important que la cohésion, qui est une des forces de notre pays, est mise à mal. Cela m’inquiète.

Vous expliquez cela comment?

J’ai été frappée par la virulence du débat durant la période Covid. Dans le débat public, nous avons eu du mal à nous parler de manière sereine. Les réseaux sociaux sont sans doute un catalyseur. Dans mon discours de présidente, à la cathédrale, j’ai insisté sur la capacité qu’a eue ce pays à trouver des compromis, sans compromission. Nous devons, nous élus, entretenir cette cohésion.

Vous avez eu un modèle pour vous lancer en politique?

Mes parents qui m’ont appris les valeurs de travail et d’engagement.

La période est assez anxiogène avec la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie, pour ne pas parler du réchauffement climatique. Quelles raisons ont les jeunes de croire en l’avenir?

On ne va pas nier les crises, que l’on doit prendre à bras-le-corps, en mettant en place des politiques publiques. Mais nous ne devons pas être des moteurs d’anxiété. Après tout, la maison suisse a tenu le coup face au Covid par exemple. Nous pourrons faire face aux autres crises.

Mais si vous aviez 20 ans de moins, vous aurait-on vu défiler dans les rues de Lausanne aux côtés de Greta Thunberg?

Je comprends les jeunes qui expriment leur impatience. J’ai 20 ans d’activités politiques derrière moi et ai toujours privilégié l’engagement institutionnel plutôt que la rue. À Payerne, avec l’équipe en charge de l’exécutif nous avons créé le plus grand parc solaire de Suisse. En matière d’environnement, on ne peut pas simplement décréter, il faut convaincre. C’est le principe même de la démocratie. Le défi climatique est massif, car les impératifs sont énormes et les processus institutionnels parfois lents. Nous devons faire en sorte d’avancer plus rapidement.

Quelles devraient être les priorités?

Nous devons absolument mettre l’accent sur l’assainissement des bâtiments, responsables du 40% des émissions de CO2. Ce qui m’inquiète, ce n’est pas l’argent, mais la pénurie de main-d’œuvre dans la filière de l’assainissement énergétique. Il faut aussi pousser le solaire. Il y a beaucoup trop de barrières administratives. Je suis en charge de l’aménagement du territoire et l’une des questions centrales est celle de la convergence entre les différents intérêts.

Où vous situez-vous dans le débat sur la relance du nucléaire?

Si l’on parle de créer de nouvelles centrales, identiques à celles d’aujourd’hui, je dis non. En revanche, je ne suis pas opposée à prolonger la vie des centrales existantes, en cas de besoin et si la sécurité est assurée. Je pense que nous ne devons toutefois pas nous interdire d’étudier les nouvelles technologies de production d’énergie quelles qu’elles soient.

Le 1er Août, vous avez allumé votre lampion?

Je suis patriote, attachée à la Suisse et à sa culture politique, avec son respect des minorités. J’ai fêté le 1er Août à Lausanne avec le président Ignazio Cassis. 

A-t-il eu raison de prendre des sanctions contre la Russie, quitte à compromettre la capacité de la Suisse à exercer ses bons offices?

C’est une question compliquée, mais peut-on rester les bras croisés face à une violation massive des droits des Ukrainiens à disposer de leur territoire? La neutralité n’est pas une notion figée. Elle ne doit pas être un prétexte à l’inaction.

Le 15 septembre, il y a la votation fédérale sur l’AVS. Êtes-vous favorable au relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans?

Je soutiens Alain Berset. Même si la décision est difficile, nous devons penser aux générations futures et assurer le financement de l’AVS.

Le rôle des femmes n’est pourtant pas simple… Comment faites-vous pour tout concilier, femme engagée, mère, épouse…

Si vous me demandez si l’on peut tout réussir, je vous dis non. C’est une chimère. J’ai un divorce derrière moi. Heureusement, mon ex-conjoint s’est beaucoup investi dans l’éducation de nos enfants. Il m’arrive de douter, mais ce qui l’emporte au final c’est la conviction que je fais ce en quoi je crois. Il faut dire une bonne fois pour toutes que, même si le monde politique est dur, qu’il y a des coups bas, l’engagement au service de la population est une tâche noble.

Vous vous imaginez des ambitions fédérales? Après tout, les radicaux vaudois ont marqué la politique suisse. Il y a eu des Chevallaz, Delamuraz…

Je préside le gouvernement vaudois depuis le 1er juillet, laissez-moi un peu souffler! … et puis je n’ai pas planifié ma carrière et c’est bien ainsi.

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