A la tête du groupe de presse CMI France, Claire Léost confirme ses talents littéraires avec «Le passage de l’été»: une saga familiale bretonne irrésistible.
Prenez trois femmes aux destins bouleversés par la violence des hommes et la maladie; situez l’action lors d’un été où la chaleur grimpe et exacerbe les sentiments; ajoutez-y une pincée de magie; placez le tout au cœur de la Bretagne profonde; agitez bien et vous obtiendrez le deuxième roman très réussi de Claire Léost. Après avoir arpenté les bancs des hautes écoles parisiennes dans un premier livre «Le monde à nos pieds», c’est dans la commune au doux nom de Bois d’En Haut que l’auteure situe l’intrigue du «Passage de l’été» et explore les méandres de secrets de famille longtemps enfouis aux répercussions terribles.
La vie est bien paisible dans ce coin reculé du Centre-Bretagne. Les habitants y coulent des jours tranquilles, rythmés par les messes du dimanche, les commérages de l’épicière – la veuve Tanguy – les mariages celtes organisés par Alexine, la druidesse du village, les enterrements… Se suffire à soi-même, ne surtout pas s’éloigner au-delà de quelques kilomètres, au risque de s’exclure de la communauté, y construire sa maison, épouser l’un des siens et surtout, se méfier des Parisiens! Hélène s’inscrit clairement dans cette ligne de vie. A 16 ans, elle se destine à devenir l’institutrice du village, tout comme sa mère. Elle grandit auprès d’un père aimant qui a fait le choix de renoncer à sa carrière pour s’occuper de ses filles, de sa grand-mère Alexine et de son ami Yannick, fervent défenseur d’une Bretagne libre. Une jeune fille rangée, jusqu’à l’apparition d’une femme qui va faire vaciller ce bel équilibre: débarquant de la capitale pour enseigner le français au lycée, Marguerite, femme à l’aura impressionnante, s’installe avec sa fille et son mari, un écrivain célèbre. Et c’est à partir de ce moment que tout déraille. Initiant Hélène aux plaisirs littéraires, cette professeure lui fait entrevoir un champ des possibles jusqu’alors insoupçonné de la jeune fille. Par une habile construction bâtie à partir des années quarante jusqu’en 2015, l’auteure instaure une tension certaine tout au long du roman puisque le ton est donné dès le départ: Hélène revient en Bretagne vingt ans après l’avoir quittée à la suite de deux décès tragiques et simultanés, ceux de son père et de Marguerite… Il faudra attendre de tourner les dernières pages du roman pour comprendre les raisons de ces disparitions survenues le temps d’un été.
Un récit qui donne l’occasion à l’auteure d’aborder certains thèmes, à commencer par celui de l’identité. De quoi est-elle constituée? Si les lieux et les croyances apparaissent fondamentaux, les liens familiaux et a fortiori leur faiblesse ou leur absence se révèlent ici primordiaux. Chacun des protagonistes de l’histoire est en effet marqué par des histoires familiales fortes aux traces d’autant plus indélébiles qu’elles n’ont pas forcément été verbalisées. Claire Léost donne vie dans son roman à des personnages hauts en couleur, parmi lesquels un ressort particulièrement et donne lieu aux passages les plus touchants du livre, celui du père d’Hélène. Un homme discret, croyant, confronté à une mort prématurée. Un roman empreint de sensualité, à découvrir!
Claire Léost, «Le passage de l’été», éd. JC Lattès, mai 2021, CHF 33.60.-.
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