Ce printemps devait marquer pour Fanny Leeb, 33 ans, une renaissance. Son album «The Awakening», composé alors qu’elle se battait contre un cancer du sein triple négatif agressif en 2019, est sorti le 28 février dernier chez Universal. 

Un opus de qualité, fort et émouvant, mais que la pandémie a privé de promotion et de tournée. Toutefois, la fille de Michel Leeb n’a rien perdu de sa bonne humeur. A Montreux, dans l’appartement qu’elle partage avec son compagnon Olivier, pilote de ligne sur avions privés, la chanteuse française affronte ce confinement avec la même résilience et le même optimisme qui l’ont guidée tout au long de son combat contre le cancer. Et met également ce temps à profit pour la bonne cause: sur le modèle lancé par l’actrice Gal Gadot aux Etats-Unis, elle a fait chanter «Imagine» à 24 personnalités françaises, dont Patrick Bruel, Michel Fugain et Zazie, afin de récolter de l’argent pour les hôpitaux de son pays d’origine. Coup de fil. 

Pourquoi avoir repris l’initiative lancée aux Etats-Unis par Gal Gadot?

J’ai trouvé son idée absolument géniale et j’adore John Lennon. D’ailleurs, mon chien s’appelle Lennon! J’ai décidé de continuer son mouvement de solidarité, mais pour les hôpitaux français. Je suis Française, toute ma famille est en France et je sais que la situation y est dramatique. J’espère que des artistes suisses et belges reprendront ce mouvement pour leur pays. 

Comment avez-vous choisi les personnes qui apparaissent dans le clip?

Ces noms me sont venus assez naturellement. Certains sont des amis, d’autres des connaissances comme Zazie et Patrick Bruel (qui a depuis révélé sur France Info avoir été touché par le Covid-19 et s’en être remis après avoir «passé un sale moment», ndlr). Il m’a répondu immédiatement: «Avec plaisir, compte sur moi! Je te soutiens et je soutiens les hôpitaux français bien sûr.» Dans la vidéo, il y a aussi mon père, mon frère (le chanteur Tom Leeb, ndlr) et une infirmière que je connais. Je tenais à ce que le monde médical soit représenté. Chacun a enregistré une phrase de «Imagine» seulement. Je ne voulais pas leur faire perdre trop de temps non plus. 

Cette initiative vous a-t-elle donné envie de chanter pour la bonne cause? Pourriez-vous rejoindre les Enfoirés par exemple?

Pourquoi pas? Je suis assez tournée vers les autres, je m’engage déjà pour des causes et je trouve que l’union d’artistes, c’est merveilleux. L’art, quel qu’il soit, permet déjà de transmettre des messages forts. Mais à plusieurs, on est encore plus forts.

Les membres de votre famille, dont vous êtes extrêmement proche, sont tous confinés ensemble en France. Avez-vous hésité à les rejoindre au début de la crise?

Oui, mais comme je ne savais pas combien de temps les frontières seraient ensuite fermées, j’ai finalement choisi de rester à Montreux, où je vis depuis dix ans. Et puis mes parents, mon frère et ma sœur sont ensemble depuis le début. Je ne voulais pas arriver après et faire courir un risque à mes parents qui ont quand même un certain âge. Mais on s’appelle tous les jours.  

Vous avez suivi une chimiothérapie l’an dernier. Devez-vous prendre des précautions particulières face au Covid-19? 

Je dois faire attention comme tout le monde. Même un jeune en parfaite santé peut être gravement touché par le coronavirus. Mes défenses immunitaires, mises à mal par la chimio, sont revenues à la normale même si mon corps reste encore un peu fragile. Je fais mes courses avec un masque, des gants et je désinfecte tout. Mais c’est important qu’on fasse tous très attention, qu’on reste un maximum à la maison, pour ceux qui sont vulnérables, comme ceux qui se battent contre un cancer justement.

Que faites-vous de vos journées? 

Je profite de ce temps pour faire du sport quotidiennement, écrire des chansons et chanter. J’avais commencé un livre quand j’étais malade, mais je l’ai mis de côté. C’est un projet pour lequel il faut que je laisse passer du temps. Je fais aussi des vidéos pour la communauté qui me suit. Je reçois tous les jours des messages qui me font super plaisir. Je regarde aussi Netflix à mort: «Casa de Papel», «Peacky Blinders», etc. Et je promène évidemment mon chien, en montagne, au-dessus de Montreux. 

Avez-vous des programmes sportifs à nous recommander?

Oui. Je suis deux formations sur les réseaux que j’aime beaucoup: TBC Coaching qui fait tous les matins un live différent à 8:30 qu’on peut regarder pendant 24 heures. Et les cours de Laury Thilleman, l’ex-Miss France. C’est une amie et ses séances de sport sont géniales. 

Et des recettes à partager?

Je n’ai jamais été une cuisinière. Je ne suis vraiment pas douée. Même si j’adore regarder les émissions culinaires. Je trouve aussi génial de voir ces grands chefs comme Cyril Lignac proposer des émissions durant le confinement.

Le confinement est-il une épreuve pour votre couple?

Non, de ce côté-là, tout se passe bien. Nous n’avons aucun problème. Mais bon comme je chante sans arrêt, je lui casse peut-être un peu les oreilles. (Rires.)

Qu’est-ce qui vous manque le plus?

Il y a vraiment de quoi s’occuper à la maison. La seule chose qui me manque, ce sont mes proches et le fait de chanter avec mes musiciens. Heureusement entre Facetime et Houseparty pour les apéros, on trouve une autre manière de fonctionner. Il faut rentrer dans une dynamique positive pour que ce confinement passe vite. Car cette situation est angoissante, on ne va pas se mentir. C’est un vrai ascenseur émotionnel.

Qu’est-ce qui vous donne du courage?

Je me dis qu’on ne peut rien y faire. Le monde entier est à l’arrêt. L’acceptation est primordiale. Elle permet de vivre une situation délicate de manière plus facile, de réussir à embellir ses journées, d’en faire quelque chose d’utile. Je suis sûre que nous sortirons tous plus forts de cette épreuve complètement surréaliste.

Cette attitude positive transparaît aussi dans votre album «The Awakening», enregistré durant votre chimiothérapie. 

Oui. Il s’appelle «The Awakening», l’éveil, car à mesure que j’avançais dans cette épreuve, je sentais que je gagnais quelque chose. Cela m’a fait grandir et j’avais envie de transmettre ce message positif aux gens. Cet album ne traite pas du cancer, c’est un hommage à la vie en général. C’est de la positive attitude, une renaissance. Les textes, écrits par mon frère Tom, sont magnifiques. C’est un excellent parolier. Il me connaît mieux que personne et a parfaitement retranscrit ce que je ressentais.

Comment faire vivre «The Awakening» en pleine pandémie?

L’album est disponible sur toutes les plateformes de téléchargement, mais malheureusement, il n’a bénéficié d’aucune promotion. Il ne me reste que les réseaux sociaux pour le faire vivre et ils sont saturés. J’avoue que je suis triste de ne pas être sur scène pour défendre mon disque. J’avais un programme de promo super, avec plein d’émissions télé, un projet de tournée. Puis tout s’est arrêté. C’est assez violent. Mon album est en stand-by et j’ignore s’il sera encore d’actualité après le confinement. 

Financièrement, comment faites-vous?

Je ne vais pas le cacher: il n’y a rien qui rentre! Les artistes ne gagnent de l’argent que grâce aux concerts. Donc là, ce sont des mois et des mois d’investissement sans aucun revenu au final. J’ignore ce qui va m’arriver. 

Vous avez demandé une aide financière? 

Oui, j’ai fait les démarches. Je sais que beaucoup vont me critiquer en disant que je suis «la fille de», mais je suis indépendante financièrement et me retrouve dans une situation délicate. Mon compagnon travaille dans l’aviation et tout est à l’arrêt aussi. Il touche encore son salaire, mais pour combien de temps? Malgré tout, je relativise car il y a plein de gens malades, de gens qui sont au front et des indépendants dont la situation est bien pire que la mienne. Et surtout, je pense sans arrêt que je suis guérie du cancer. Je suis en vie donc je ne regarde que le positif.

Fanny Leeb chante ce samedi 18 avril dans le cadre du festival virtuel « The Curve », créé par des étudiants de l’EPFL.
En direct sur : thecurvefestival.org

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