L’animateur de la célèbre émission littéraire la plus prescriptrice du PAF vient en Suisse et lira sur scène des textes d’auteurs américains.

 

Paris Match. Comment l’idée de cette visite en Suisse est-elle née?

François Busnel. J’y ai été invité par la Société de lecture et le Livre sur les Quais: c’est une première bonne raison! En réalité, nous en parlions depuis longtemps. J’y étais déjà venu il y a plusieurs années, sur les recommandations de l’un de mes très chers amis – Bernard Giraudeau – que j’avais en commun avec Delphine de Candolle. Je suis ravi de pouvoir revenir en Suisse, pays que j’avais arpenté dans ma jeunesse sur les traces de Lord Byron, Mary Shelley, et tous ces poètes vagabonds.

 «La Grande Librairie» est-elle beaucoup suivie en Suisse?

Oui, assidument! J’en reçois un courrier fourni, de haute facture, et ai besoin de prendre le pouls des téléspectateurs, de les entendre. Cela me permet de savoir ce qu’ils attendent de l’émission. Certains me font part de leur envie de découvrir des auteurs qu’ils ont appréciés et d’autres, de l’inspiration suscitée. Nous verrons ce que sera l’inspiration suisse !

 A la hauteur de votre attente, sans aucun doute! De quoi nous parlerez-vous?

De «La Grande Librairie» et d’«America», bien sûr, mais ce sera aussi la première d’un spectacle que je vais y créer! Je me réjouis de cette nouvelle expérience à côté des interviews que je donnerai. Répondre aux questions n’est pas forcément l’exercice où je suis le plus à l’aise.

 Notre entretien s’annonce donc périlleux!

(Rires). Vous imaginez: mon métier, c’est d’en poser. Je ne suis pas très à l’aise dans cette position et ai toujours refusé de me plier à la logique de la «starification» de l’animateur. Je trouve en effet bien plus intéressant d’entendre les écrivains et restaurer la parole de l’auteur dans une société où s’expriment aujourd’hui davantage les experts. Ce qui m’intéresse n’est pas le débat ni le buzz, mais de redécouvrir, peut-être, ce personnage incroyable, décalé, qu’est l’écrivain, le romancier, en particulier.

 Votre spectacle en Suisse sera donc totalement inédit ?

Effectivement ! Je souhaitais me lancer dans une nouvelle expérience qui servirait les écrivains. J’ai besoin de ce type de challenges. Je suis un « obsédé textuel » qui n’a qu’une idée en tête : faire lire plus de monde encore. Ce sera un spectacle de lectures d’auteurs américains que j’apprécie : il y aura donc du Jim Harrison, du Philip Roth, du Colum McCann…

 Y a-t-il des auteurs suisses que vous appréciez particulièrement?

Question piège… Ils sont nombreux. J’ai une grande admiration pour Nicolas Bouvier, mon héros de cœur parce que ses livres ont transformé ma vie. J’ai beaucoup aimé aussi les livres de Noëlle Revaz, de Jean-Francois Fournier, de Martin Suter ou encore de Joël Dicker qui a fait sa première télé chez nous alors qu’il était encore inconnu!

 Combien de livres lisez-vous par semaine?

En réalité, je lis tout le temps et suis une réelle discipline, indispensable pour déterminer ce qui vous fera plaisir le mercredi suivant. Cela représente entre 5 et 8 heures de lecture tous les jours, 6 jours sur 7.

 Quelle est votre position préférée pour lire?

Jamais allongé! On peut faire plein de choses allongé mais pas lire. Je suis contre les livres dans la chambre à coucher comme Bernard Pivot qui a pu dire à ce sujet: «Vous ne vous rendez pas compte, avec toutes les histoires de meurtres, d’adultères qu’il y a dans les livres, hors de question que ça vous contamine!» La lecture se fait assis, debout, en marchant parfois… Dany Laferrière a une excellente expression: «Le critère pour être un bon écrivain, le même que pour un critique littéraire: avoir de bonnes fesses!» 

 L’amitié ou l’amour vous guident-ils pour choisir vos invités sur le plateau?

Jamais. J’ai peu d’amis dans le métier et me le suis d’ailleurs interdit, à regret parfois. Je ne cherche pas non plus à rendre service. Si je l’avais fait, l’émission n’aurait pas duré dix ans. Les livres m’ont sauvé, vraiment. Sans eux, je ne sais pas ce que je serais devenu. J’essaie de le leur rendre en les faisant aimer au public. Jacques Chancel disait souvent: «Il ne faut pas donner aux gens ce qu’ils prétendent aimer mais ce qu’ils pourraient aimer.» Je trouve cela très juste.

 Etes-vous quelqu’un de fidèle?

Je le crois, en amitié et en amour aussi. J’ai trois ou quatre amis de longue date, journalistes ou écrivains. Ce sont des amitiés anciennes. Nous n’imaginions pas à l’époque que l’un aurait le Goncourt, l’autre serait à l’Académie et le troisième ferait une émission de télé.

 Etes-vous croyant?

Pas du tout. Je ne suis pas mystique mais je crois à l’esprit des lieux: une maison, la moindre petite église, une usine désaffectée, les grands espaces américains où ont vécu certains auteurs… Tous ces lieux me parlent. Il suffit de se taire, d’écouter et laisser les histoires remonter à la surface, l’imaginaire prendre le pas.

 Certains événements peuvent-il vous rendre anxieux?

Je ne le suis plus vraiment… Mon anxiété s’est transformée grâce à quelques personnes qui m’entourent en carburant. J’ai longtemps été angoissé en raison d’une impatience totale: vivre enfin, voir le monde, parcourir les continents. Mon anxiété est désormais de savoir si nous sommes utiles ou pas.

 Quel est votre pire cauchemar avant le tournage d’une émission?

Je ne suis plus quelqu’un de très anxieux mais, en soi, mon pire cauchemar est que la femme que j’aime s’éloigne, inexorablement.

 Quelle serait votre émission rêvée ?

Celle qui rendra Bernard Pivot jaloux! Celle où il me dira: «Celle-là, j’aurais aimé la faire!»

 Conférences et lectures de François Busnel, la Société de lecture, le 21 juin 2019 à 12h. Théâtre de Carouge, La Cuisine, le 21 juin 2019, à 20h30; inscriptions: secretariat@societe-de-lecture.ch; le 23 juin 2019 à 11h, rencontre et brunch du Livre sur les Quais au Lausanne-Palace; inscriptions: info@lelivresurlesquais.ch.

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