Du 18 au 20 mai prochain à Rotterdam, le jeune chanteur fribourgeois de 22 ans représentera la Suisse à l’Eurovision Song Contest et, selon les sondages, il figure parmi les grands favoris. La Suisse l’avait emporté pour la dernière fois voilà 33 ans grâce à une certaine Céline Dion.
Sa vocation de chanteur, Gjon Muharremaj l’a découverte à 12 ans en faisant pleurer son grand-père. En 2019, il s’était fait connaître du grand public en se hissant jusqu’en demi-finale de «The Voice» sur TF1. Sa mère est Albanaise et son père Kosovar et il a passé toute sa vie à Broc en Gruyère. Il nous dit tout dans cette interview: sur son enfance pas toujours facile comme fils d’immigrés, sur les nombreuses émissions télé auxquelles il a participé quand il était petit, sur ses rêves d’hier et d’aujourd’hui et sur pourquoi il admire tant Lady Gaga.
Par Bertrand Monnard
Paris Match Suisse. A l’Eurovision, vous allez vous produire devant quelque 200 millions de téléspectateurs. Le rêve pour un jeune chanteur comme vous?
Gjon’s Tears. Je suis très excité, j’ai hâte que le projet aboutisse. La visibilité est énorme et il y aura beaucoup d’attentes. J’espère que la prestation se passera bien.
D’après plusieurs sondages, vous figurez parmi les grands favoris?
G.T. Cela fait plaisir même si je ne suis pas trop ces pronostics. La pression est forte et j’ai un peu peur que les gens soient déçus.
Vous avez été demi-finaliste de «The Voice» en 2019 sur TF1. La scène vous y êtes habitué?
G.T. On ne s’habitue jamais vraiment à la scène. C’est comme un artiste en tournée. Comme les décors, les espaces sont toujours différents, il faut chaque fois s’adapter. Il n’y a aucune routine.
Dans le très beau clip de «Tout l’univers», on vous voit vous relever d’un grave accident de la route. Très symbolique, la chanson apparaît comme une allégorie de la vie où il ne faut jamais baisser les bras.
G.T. Oui, elle raconte l’envie de vivre et l’énergie qu’il faut aller chercher au fond de soi-même pour se reconstruire parfois. C’est une chanson optimiste, pas triste.
Vous connaissez Jean-Marc Richard, notre Monsieur Eurovision?
G.T. Oui, on s’est déjà rencontrés. C’est quelqu’un qui a un grand cœur, de très posé, ce qui fait du bien dans un monde où on doit courir dans tous les sens.
Vous papa est Kosovar, votre maman Albanaise et vous avez toujours vécu à Broc en Gruyère.
G.T. Mon père, maçon, est arrivé en Suisse il y a plus de 30 ans. Parmi d’autres boulots, ma maman a travaillé chez Cailler. Mon grand frère est passionné de foot. Je me suis toujours senti bien dans ce beau village qu’est Broc, berceau du chocolat et du fromage.
Votre vrai nom est Gjon Muharremaj. Durant votre enfance, vous n’avez jamais souffert d’être un enfant d’immigré?
G.T. Par moments, cela a été compliqué. Pendant ma scolarité, en voyant mon nom, mes camarades se doutaient bien que je n’étais pas d’ici. Je me souviens qu’un soir de Noël où je chantais en solo avec le chœur La Maîtrise de Bulle, une vieille dame est venue vers moi et m’a dit: «Mais, tu n’es pas de la région, tu n’es même pas catholique.» C’est Bernard Maillard, le chef du chœur, qui lui avait répliqué: «Il n’est peut-être pas catholique, mais cela ne l’empêche pas de chanter superbien». Enfant, je suis allé plusieurs fois en Albanie, j’avais envie de savoir d’où je venais. Sur place, les enfants allaient chercher le bois pour chauffer l’école, comme dans les années 50. Je ne me sentais pas vraiment comme eux. Et puis un jour, je me suis rendu compte à quel point c’était une chance d’être aussi multiculturel, de venir de plusieurs endroits en même temps.
Vous avez découvert votre vocation de chanteur à 12 ans en faisant pleurer votre grand-père albanais, d’où votre nom de Gjon’s Tears?
G.T. Depuis tout petit, je jouais du piano dans ma chambre. J’écoutais, impressionné, cette musique mystique qu’est Bach en me disant que je serais jamais capable de jouer cela. Je n’aurais jamais pensé que je chanterai un jour. Venu en vacances d’Albanie, mon grand-père m’a demandé de lui chanter «Can’t help falling in love» d’Elvis Presley. J’ai écouté plusieurs fois la chanson et puis j’ai relevé le défi avec mon piano électrique. Et je me suis senti comme un superhéros quand j’ai vu mon grand-père pleurer. Les larmes sont des symboles très forts, plus sincères que les mots; on pleure dans tellement de situations différentes dans la vie. Depuis ce jour-là, j’ai gardé cette envie de toucher les gens, de les faire pleurer.
Une année plus tard, vous avez pu, grâce à l’entregent de votre grand-père, participer à la version albanaise d’un «Incroyable talent».
G.T. Mon grand-père m’avait dit: «Il faut que les gens t’écoutent.» Je suis resté deux semaines sur place. J’ai notamment chanté «La vie en rose» d’Edith Piaf en français et cela a tellement bien marché que j’ai eu de multiples propositions. Entre autres, j’ai enchaîné ensuite avec «Un incroyable talent» en France.
A cet âge-là, on vous voit, dans l’émission alémanique «Die grössten Schweizer Talente» chanter un déchirant «Je t’aime» de Lara Fabian devant une Christa Rigozzi, présidente du jury, scotchée. «Tu aimes la scène, tu aimes le public», vous lance-t-elle. Et pourtant, peu après, plutôt que vous laisser griser par les paillettes, vous décidez vous-même, si jeune, d’arrêter ces émissions pour reprendre l’école normalement. Pourquoi?
G.T. Entre études et TV, ma vie ressemblait à du yo-yo. Mes parents m’ont toujours soutenu, laissé vivre mes rêves. Dans ces émissions, je m’étais bien amusé, mais j’ai eu envie de vivre à nouveau comme tous les autres enfants de mon âge. En plus, je voulais prendre du temps pour me construire vraiment musicalement alors que ces émissions consistent surtout à apprendre, à chanter par imitation. Plus tard, je suis entré à la Gustav Academy, une école de musique très réputée, à Fribourg.
Et puis en 2019, c’est votre maman qui, à votre insu, pose votre candidature à «The Voice».
G.T. Alors que je chantais aux Francomanias de Bulle, elle a tourné un petit film qu’elle a envoyé à «The Voice» sans rien me dire. Un jour, totalement enthousiaste, elle me téléphone en balbutiant. «Ils sont intéressés à TF1». A quoi j’ai répondu: «Mais, de quoi tu parles? Comment ça? TF1?» Je ne comprenais rien.
Vous avez atteint les demi-finales en chantant du Bowie, du Queen, devant un jury souvent bluffé par votre voix, votre aisance sur scène, où figurait un certain Julien Clerc. Comment est-il?
G.T. Très abordable, gentil, sincère, bienveillant, un grand monsieur.
Que vous a apporté cette émission si populaire?
G.T. Ce fut une belle expérience. Mais gare, mieux vaut ne pas y aller si t’es pas assez solide. L’exposition est telle que tu ne la contrôles pas. La télé et la musique sont deux mondes très différents. J’ai vu des candidats tomber de haut. Quand t’es enfant, tu vis cela dans une forme d’inconscience. Là, c’est très différent. Cela peut se révéler très cruel. Faut être blindé.
Votre avenir, c’est la musique?
G.T. Oui, je viens d’ailleurs de signer avec un label français pour un futur album. Aujourd’hui, la chanson est clairement mon métier.
Vous avez un modèle?
G.T. Je dirais Lady Gaga. A ses débuts, personne ne l’écoutait quand elle chantait dans un bar. Alors elle a décidé, chaque soir, d’enlever un nouvel habit et quand elle s’est retrouvée en sous-vêtements, elle a enfin capté tout l’auditoire. Quand t’es artiste, des fois ça marche et des fois, ça merde. Il faut oser, essayer. Lady Gaga a tellement osé que les gens ont fini par la suivre. Et aujourd’hui, elle est l’une des artistes les plus connues au monde.

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