Fils de Peter Ustinov, Igor Ustinov ne se contente pas de gérer les fondations créées par son père, il invente de nouveaux concepts. Lors du prochain Forum de Davos, il présentera une idée révolutionnaire de maisons en plastique recyclé. Une vie en forme de roman. Rencontre.

 

Sculpteur de renommée internationale, fils du mythique acteur Peter Ustinov, Igor Ustinov (63 ans) est un esprit fertile, insatiable, qui fourmille d’idées novatrices. En janvier prochain, il présentera au Forum de Davos son dernier projet: des maisons 100% écologiques construites entièrement en PET, du plastique recyclé. Projet couronné par un Prix international des inventions à Genève qu’il a mis au point avec son ami, l’ingénieur André Hoffmann, une trouvaille qui pourrait se révéler essentielle à l’avenir. «Les blocs de PET s’imbriquent les uns dans les autres comme des Legos. On peut construire ainsi des maisons de deux étages sans aucun impact sur la nature. Pas besoin de raser les forêts ou de prélever du sable dans la mer. Ce sera une vraie alternative au moment où la population mondiale ne cesse de croître» nous raconte-t-il, dans ce palace lausannois, avec cette passion mêlée d’humour british qui le caractérise.

Eternel avocat des enfants, ambassadeur de l’Unicef pendant quelque trente ans, Peter Ustinov, son père, fut un grand humaniste à l’origine de plusieurs fondations. Depuis sa mort en 2004, c’est Igor qui en assure l’héritage et les gère. «Nous n’avons pas de capital, tout dépend des donateurs. Ce qui exige un effort permanent, car ceux qui apportaient leur soutien par admiration pour mon père se font plus rares. Il faut davantage communiquer pour se faire connaître des nouvelles générations.»

Ces fondations et les nouveaux concepts inventés par Igor Ustinov sont regroupés sous le portail «Ustinov Network» comme une marque et sont tous inspirés par le même leitmotiv: le respect, respect des autres et de la nature. «Tout est dans l’éducation» résume Igor. Tête de pont de l’ensemble, la Fondation Peter Ustinov vient en aide aux enfants les plus vulnérables à travers la planète. «Nous avons financé des écoles en Ethiopie, en Tanzanie, au Népal, mais aussi un orphelinat pour enfants atteints du sida à Saint-Petersbourg, une école de musique à São Paulo.»

A Vienne, l’Institut Ustinov a pour vocation de combattre les préjugés, ce vieil ennemi de l’humanité à travers des conférences, notamment. «Les préjugés ont toujours été des excuses pour les trucs les plus horribles survenus dans l’histoire.» Dans le même esprit, Igor a créé un site baptisé «Ustinov Prejudice Awareness», un lieu de débats autour de ces fameux préjugés. Autre héritage perpétué par Igor, les bourses délivrées à l’Université de Durham en Angleterre, dont son père était chancelier. Et les nouveaux projets ne manquent pas. Dernière et belle idée en date signée Igor: créer des jardins d’enfants dans les camps de réfugiés. «Savez-vous qu’en moyenne les réfugiés y restent cantonnés pas moins de vingt ans.»

Anobli par la reine, deux fois oscarisé notamment pour son rôle dans «Spartacus» de Stanley Kubrick, Peter Ustinov, artiste multiforme, a marqué l’histoire du cinéma. Moins connue du grand public, Suzanne Cloutier, la mère d’Igor, fut aussi une comédienne célèbre qui a tourné avec Orson Welles, joué aux côtés de Gérard Philippe. Igor et ses trois sœurs ont connu une vie itinérante. A l’âge de 9 ans, Igor avait déjà fréquenté pas moins de 22 écoles différentes à travers le monde. La majeure partie de son enfance et de son adolescence, il l’a passée dans deux célèbres pensionnats de Suisse romande: Le Rosey et le Collège du Léman, où il était connu pour ses fugues à répétition. «Lors de ma première fugue, c’est mon ami Jean-Jacques Gauer (l’ex-patron du Palace de Lausanne) qui était venu me rechercher en me disant quand c’est qu’on s’en va de nouveau”. Fuguer, c’était une manière de voir le monde.» 

Igor n’a jamais eu de vraie vie de famille mais cela ne l’a pas affecté outre mesure. «Enfant, on prend ce qu’on nous donne et je n’ai pas été malheureux.»

Cela ne l’empêche pas de porter une admiration sans bornes à ses parents: «Deux personnes extraordinaires, de vrais artistes.» Etre le fils de Peter Ustinov n’a pourtant jamais été facile dans sa carrière de sculpteur. «Dans ma vie, j’ai fait toute autre chose que me contenter d’être le fils de. Or, aujourd’hui encore, on parle rarement de mon œuvre sans évoquer cette filiation.»

Igor aurait pu devenir biologiste, dont il a suivi les études à Paris ou chanteur classique, fort de sa voix de baryton. «Un jour, alors je remettais les Prix Benois de la danse au Bolchoï à Moscou, le présentateur télé m’a demandé de chanter. J’ai alors pensé à tous ceux qui travaillent des années pour espérer monter un jour sur cette scène et je ne me suis pas dégonflé. J’ai entonné le Sultan de Rimsky-Korsakov.»

Au final, c’est donc la sculpture qu’il a choisie: sa passion, son métier depuis quelque quarante ans.  «J’aime ce qui est vrai, fabriquer, donner corps à ce que je pense.» Ses bronzes, miniatures ou géants, sont exposés dans des musées et sur des places publiques à travers toute l’Europe. Dernier en date, un ange de six mètres de haut érigé au centre d’un nouveau complexe immobilier à Neyruz, dans le canton de Fribourg. «On le voit furtivement en passant avec le train pour Berne.» Et quand on lui demande quelle est sa sculpture préférée, la réponse fuse. «La prochaine. Quand une sculpture est finie, c‘est comme un enfant qui quitte la maison.»

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, il ne crée ni à Lausanne où il vit, ni à Paris où il séjourne souvent mais dans un petit village de la Glâne fribourgeoise, à Rue. «Quand mon père en 2003 était en fin de vie à Bursins, je suis revenu de Paris et j’ai cherché un atelier. Une possibilité s’offrait à Apples mais cela ne s’est pas fait. Et j’ai trouvé cette occasion à Rue.»  Aujourd’hui, il est tombé amoureux de cette région et de ses habitants. «C’est superbe, calme, on ne voit pas le lac mais on voit les montagnes et les vaches. Les gens sont gentils et bienveillants. Il y a comme une vibration. Si mon passeport est anglais, je me sens Suisse.»

Il faut le pousser un peu pour qu’il accepte d’évoquer sa vie privée. Sa première épouse, était plus âgée que lui. «Quand on s’est connu, j’avais 19 ans, elle 34; j’étais son professeur d’anglais.» Clara, leur fille (38 ans) est galeriste à Paris et elle lui a donné un petit-fils Adrian, 3 ans, qui «m’a rebranché avec la vie, lui a donné un nouveau sens» raconte Igor avec sa sensibilité d’artiste.

Pour trouver des fonds, il n’hésite pas à mettre lui-même la main à la pâte. Outre le chasselas Ustinov qu’il produit, il a publié récemment à 500 exemplaires un livre de contes, qu’il avait écrit à 27 ans, intitulé avec humour «Delirium très mince» et illustré par les dessins d’un ami.

L’âge n’a toujours pas de prise sur son enthousiasme.  «Avec mes maisons en PET, je viens de fonder une nouvelle start-up à 63 ans, ce que généralement on fait à 30 ans. Je suis en bonne santé, j’ai de la chance.»

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