L’anthropologue genevois de la santé est très engagé dans les controverses suscitées par la crise sanitaire. Avec une grosse résonance en France.  

Jean-Dominique Michel a-t-il été, ou non, censuré par Mediapart ? Voilà bien une question ultrasensible dans le climat médiatique régnant actuellement en France. Sur les réseaux sociaux en particulier. Et dans la blogosphère.

C’est précisément un article de blog de cet anthropologue de la santé qui est en cause. Hébergé sur le site web de la Tribune de Genève. Intitulé «Covid-19: fin de partie». Et retranscrit intégralement par deux autres blogueurs français sur le Club de Mediapart. Or le texte repris a disparu par deux fois. Une double suppression qui a provoqué de belles tempêtes d’alertes et d’indignation sur les réseaux.

A tel point que le site CheckNews, émanation du quotidien Libération, a réalisé une petite enquête. Il s’est finalement avéré qu’il s’agissait d’un imbroglio éditorial sans malveillance particulière. Jean-Dominique Michel n’a pas été censuré, et son texte est finalement réapparu. L’occasion toutefois pour CheckNews de mentionner que les propos du Genevois, en libre accès, avaient battu tous les records d’audience de Mediapart depuis au moins quinze mois.

En fait, ce texte de plusieurs pages, paru le 18 mars, a généré un immense buzz en France. A l’échelle suisse du moins. Repris sur Mediapart ou directement sur la TG, puis répliqué à l’infini. Jean-Dominique Michel y synthétise fort bien les doutes que l’on peut avoir sur la crise sanitaire. Dans un registre accessible d’anthropologie sociale et culturelle, au service d’une relativisation de bon sens largement partagée (à défaut d’être majoritaire).

Le blogueur ne conteste pas pour autant la pertinence des mesures de confinement prises en Europe. L’approche est différente. «Le même traitement politique ou journalistique du Covid-19, peut-on lire par exemple, appliqué à n’importe quel épisode de grippe saisonnière, nous terrifierait tout autant que l’épidémie actuelle. Comme la mise en scène avec décompte en live des victimes  de n’importe quel problème sanitaire d’envergure. Qu’il s’agisse des maladies cardiovasculaires, des cancers ou des effets de la pollution atmosphérique. Cela nous ferait tout autant frissonner d’effroi, et même infiniment plus!»

Le reste à l’avenant, culminant sur une défense point par point de la posture clivantissime du professeur Didier Raoult à Marseille (Paris Match du 26 mars). Contrairement au «gourou» de la chloroquine aux intonations méridionales, bientôt septuagénaire, Jean-Dominique Michel n’est nullement en fin de carrière. A 55 ans, il ne prospère pas non plus à l’abri d’une confortable liberté académique. Or la frontière entre courage et témérité semble assez floue dans ce genre de circonstance. Surtout lorsque l’on n’est pas au top des hiérarchies institutionnelles. Les risques professionnels encourus peuvent devenir considérables. Qu’à cela ne tienne. Il persiste et signe.

Mentionné par l’Obs en tête des défenseurs de Raoult, le consultant genevois ne manque pas non plus de soutiens de marque sur les réseaux: d’Edgar Morin à Thomas Piketty, en passant par François Ruffin. Le lourd dédain de ses adversaires est celui que l’on retrouve dans tous les camps, lorsque s’opposent la France d’en haut et la France d’en bas. Les plus polis raillent par exemple l’«expert suisse qui n’a même pas de notice Wikipédia à son nom».     

Alors oui, qui est au juste Jean-Dominique Michel? Un indépendant au profil intellectuel difficilement classable. Anticonformiste sur les bords, mais pas plus marginal que cela. Un consultant sur plusieurs fronts. Son site égrène les références de bon niveau. Versé dans les neurosciences depuis deux ans, il prépare avec des coauteurs un ouvrage de près de six cents références scientifiques récentes. Le thème: quelles stratégies mettre en œuvre au quotidien pour la santé de son cerveau dans notre environnement contemporain?      

L’anthropologue s’est également fait connaître comme auteur fasciné par le chamanisme, les guérisseurs et les médiums. Il ne manque jamais l’occasion d’alarmer sur les abus de pouvoir de l’industrie pharmaceutique. Sollicité aussi bien dans le milieu académique que par les médias publics. Un habitué de l’émission TTC  de Patrick Fischer en particulier. Il est également secrétaire général pour la Suisse romande de la très respectable Association de défense des personnes souffrant de troubles psychiques (Pro Mente Sana).

Depuis cet article inflammable de la mi-mars, le combattant de la chloroquine en a publié toute une série de la même trempe. Le mercredi 1er avril, il lançait une pétition au conseiller fédéral Alain Berset et au conseiller d’Etat genevois Mauro Poggia: «Pour la restauration des médecins généralistes dans leur droit inaliénable de prescrire de l’hydroxychloroquine à leurs patients atteints du Covid- 19.»

Contacté le même jour, puis le lendemain en vain… le secrétariat de Pro Mente Sana nous faisait alors savoir que Jean-Dominique Michel était malade. Un mail de l’intéressé confirme finalement qu’il s’agit bien du Covid. Un état de grande fatigue dont il se remet progressivement. Moins qu’une grippe (influenza), mais plus qu’une petite virose saisonnière. «J’essaie cependant de continuer de produire des articles proposant des éclairages pertinents sur les réalités complexes que nous vivons. Penser est une nécessité et un droit inaliénables. D’autant plus essentiels dans les temps de confusion et de trouble.» Nous ne lui avons pas demandé si son médecin lui avait recommandé la molécule si controversée.

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