Dans sa vie, Mike Horn n’a qu’à vivre pleinement ses aventures, ses filles s’occupent de tout le reste, gestion, recherche de sponsors, etc. Toutes deux diplômées universitaires, Annika (26 ans) et Jessica (24 ans) ont ainsi repris le rôle de leur mère, décédée en 2015. De retour du Dakar en Arabie saoudite, elles racontent leur rêveur de papa et les relations très fortes qu’elles ont avec lui.

 

Paris Match Suisse. Vous rentrez d’Arabie saoudite. C’était comment ce pays si controversé?

Jessica. Une belle découverte avec des paysages magnifiques et des gens très accueillants, bien au-delà des clichés. On ne s’y attendait pas.

Défenseur de la planète, votre papa a été très critiqué pour avoir participé à cette course en plein désert.

Annika. Je ne m’attendais pas à une telle polémique. Cyril Despres cinq fois vainqueur à moto, qui lui a demandé de l’accompagner, est un très bon ami de la famille. Paps, comme on l’appelle, en avait envie, en plus au chaud, après sa traversée de l’Arctique. Les médias lui ont collé cette étiquette d’activiste écolo alors qu’il ne fait que témoigner de ce qu’il voit. Et les crachats ne l’ont jamais empêché de faire quelque chose. En fait, il écoute très peu de personnes, à part nous peut-être.

La fin de sa traversée de l’Arctique a failli mal tourner. Vous avez eu peur?

Annika. En fait, on a toujours un peu peur. Mais ce fut sans doute son expérience la plus difficile, il a perdu 18 kilos, il est vraiment allé jusqu’au bout de ses limites. Il en est ressorti très marqué.

Ce ne l’a pas empêché d’enchaîner quasi aussitôt avec le Dakar. Il ne tient pas en place.

Annika. Paps est toujours en mode expédition. Il en a besoin pour se sentir vivant libre, sans cela, il y aurait un grand vide chez lui. C’est comme un artiste à qui on empêcherait de peindre.

Que lui dites-vous quand il part?

Jessica. La même chose à chaque fois. On te laisse aller mais à une condition: que tu rentres vivant. C’est à la fois une petite et une grande promesse.

C’est vrai qu’entre deux aventures il dort sur le canapé chez vous dans votre petit appartement du centre de Lausanne?

Annika. Oui, mais de toute façon, il dort n’importe où. Il nous a raconté qu’après avoir dormi près de trois mois sous tente et dans le froid en Arctique, il avait passé sa pire nuit à son arrivée à l’hôtel. Il n’arrivait pas à trouver le sommeil, peut-être à cause de la fatigue.

Aujourd’hui, à deux, vous vous occupez de tout pour lui. Vous avez repris le rôle de Cathy votre maman, décédée d’un cancer en 2015. Quel souvenir gardez-vous d’elle?

Jessica. Papa a toujours été notre inspiration et maman notre modèle. Elle était l’ancre, le pilier de la famille, qui tenait tout en place, et avec le sourire en permanence. Elle a toujours tout fait pour que son mari puisse vivre ses rêves. Ils imaginaient toutes les aventures ensemble.

Votre papa voulait tout arrêter lors de son décès et elle lui a dit: «Vis pour moi en réalisant tes rêves.» C’est ce qui le motive encore aujourd’hui?

Jessica. C’est comme s’il avait en permanence un ange gardien avec lui, où qu’il se trouve.

Juste après sa mort et avant son enterrement, vous êtes partis les trois sur l’archipel des Perles au Panama. Pourquoi?

Annika. On savait que maman allait mourir, on s’y était préparé. Il y avait une immense tristesse tout autour de nous. Partir ces trois jours, c’était une manière de garder la tête haute, de regarder la lumière, de voir le soleil. Mams n’était plus là, mais elle était avec nous dans nos pensées. Et puis cela correspond à notre philosophie de vie: ne pas se laisser gagner par le négativisme, considérer les obstacles comme des cadeaux qui sont là pour être surmontés. L’enterrement, nous l’avons volontairement fixé le jour de mon 21e anniversaire. C’était la plus belle manière de lui rendre hommage, une magnifique célébration.

Depuis, à deux, vous avez repris le rôle de votre maman. Gestion, agenda, communication, recherche de sponsors, votre papa n’a plus qu’à voyager, la belle vie?

Jessica. On lui répète toujours la même chose: «Pars, nous on fait le reste.» Je crois qu’il n’a jamais payé une facture de sa vie. Cela nous a pris un temps d’adaptation, mais maintenant ça va. Avec ma sœur, on vit ensemble, on travaille ensemble. Nous avons fondé une agence de communication et nous sommes heureusement très complémentaires. Moi, plus structurée, je m’occupe de l’organisation, des contrats, de l‘opérationnel alors que ma sœur, plus dans la créativité, écrit les textes, imagine les campagnes de presse. Papa, on s’en occupe à plein temps.

N’avez-vous jamais l’impression de lui sacrifier votre jeunesse?

Annika. Non, jamais. On partage ses rêves. Et puis c’est une fabuleuse école de vie, une expérience unique; même à l’Université, vous n’apprenez jamais cela.

Il n’était quasi jamais à la maison quand vous étiez petites. Vous n’en avez jamais souffert?

Annika. L’important dans la vie, ce n’est pas la quantité, mais la qualité du temps qu’on passe ensemble. C’est comme dans une relation amoureuse, parfois la distance permet de mieux de retrouver. Et quand il rentrait, c’était tellement fort, on avait tellement de choses à se raconter. Cela nous a aussi appris à être indépendantes.

Vous l’avez aussi souvent accompagné sur le lieu de ses expéditions. Quel est le plus beau souvenir?

Jessica. Il y en a tellement. Je citerai ce voyage au Pakistan en vue de son ascension au K2, juste après la mort de maman. J’avais 19 ans, ma sœur 21. On a rallié le pays en 4×4 tous les trois depuis la Suisse en 15 jours de route. Tous les matins, au camp de base à 5200 mètres d’altitude, je voyais mon père au réveil regarder les montagnes avec des lumières dans les yeux. C’est là que j’ai vraiment compris ce qui le motivait.

Il a 53 ans. Imaginez-vous qu’il arrête un jour?

Annika. Il en a 25 ans dans la tête et la flamme, croyez-moi, est toujours là. Et tant qu’il est heureux.

Et vous, qu’allez-vous devenir plus tard?

Annika. Des mini-aventurières.

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