Photo : Valdemar Verissimo
2021 a été l’année de tous les succès pour l’équipe suisse de football. Vainqueur de la France à l’Euro, qualifiée pour la Coupe du Monde du Qatar aux dépens de l’Italie. Pilier de la défense helvétique dix ans durant, Johan Djourou a bien entendu suivi ces moments incroyables avec une émotion toute particulière.
Johan Djourou, qui vient de fêter ses 35 ans le 18 janvier, possède l’une des plus belles cartes de visite du foot suisse: 76 fois sélectionné en équipe nationale, il a joué dix ans à Arsenal, l’un des plus grands clubs du monde, sous les ordres du mythique Arsène Wenger. Depuis qu’il a raccroché les crampons en juin dernier, il a réussi une très belle reconversion, ce que qui n’est pas le cas de tous les champions, en multipliant les activités dans différents domaines. Sa trajectoire de vie est aussi très particulière. Il avait 18 mois quand il a quitté la Côte d’Ivoire et Angéline sa mère biologique pour rejoindre son père à Genève. Il retourne régulièrement à Abidjan pour la revoir et il est très fier d’avoir eu deux mamans, Angéline et Danielle qui l’a élevé dans la Cité de Calvin. Papa de trois filles, le Genevois nous parle de tout cela, de ses envies de cinéma et aussi et des récents exploits de la Nati évidemment.
Paris Match Suisse. L’équipe suisse vient de vivre la plus belle année de son histoire. Comment l’avez-vous vécue?
Johan Djourou. C’est beau ce qu’a fait la Suisse. Cette équipe possède un magnifique avenir. On sent des joueurs, les jeunes en particulier, libérés. Ils osent, et c’est révélateur, affronter leurs adversaires en un contre un. Serein, tranquille, Murat Yakin leur apporte une grande confiance et ça se sent.
Le maillot national, vous l’avez porté à 76 reprises. Quels sont vos souvenirs les plus forts?
Mon premier match en 2006, en Écosse, j’avais 19 ans. C’est là que le rêve a commencé et il a continué. Une expérience de vie incroyable si jeune. Et puis, je citerai notre huitième de finale de la Coupe du monde 2014 au Brésil contre l’Argentine de Messi. Sans la malchance, le poteau de Dzemaili à l’ultime seconde des prolongations, nous aurions pu passer. Un très grand match. La Suisse, ce jour-là, avait impressionné toute la planète foot.
Vous avez raccroché les crampons en juin dernier, après 17 ans de professionnalisme. Une déchirure?
Quand un sportif arrête, on parle de petite mort. Et effectivement, il y a de cela. Au plus haut niveau, tu t’investis à 120% dans le football. Tu as un rythme de vie très particulier, avec chaque semaine un nouveau challenge. Ce rythme, tu le perds d’un jour à l’autre. Mais ce qui m’a le plus manqué, c’est la vie de groupe. J’avais un don pour le football, j’ai eu la chance de l’exploiter. Ce que j’ai vécu n’est pas donné à tout le monde et j’en suis conscient.
Chef d’entreprise, blogueur, consultant sur une grande chaîne française, ce qui est unique pour un Suisse, vous avez réussi une jolie reconversion, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les anciens champions.
Dans «Face au Miroir», mon blog, j’interroge des personnalités de différents milieux, de Gelson Fernandes, mon ex-coéquipier, à Denis Vipret, le guérisseur, sur leur histoire de vie, leur bagage. Stax Sports, que je codirige avec Elio Sabo, mon associé, est une société de consulting marketing. Nous avons créé des contenus internet pour Athletissima, La Mobilière, Mike Horn, notamment. J’ai aussi beaucoup de plaisir à commenter la Champions League sur le plateau de RMC avec Nicolas Anelka et Emmanuel Petit. Et puis, je reste actif dans le foot. L’été dernier, plus de 60 gamins de 8 à 15 ans ont participé à mon camp d’entraînement à Villars. J’étais tous les jours sur le terrain pour leur transmettre de l’espoir, du concret. J’entretiens aussi ma forme en m’entraînant une fois par semaine pour le plaisir avec le club de ma jeunesse: Étoile Carouge. Je suis pote avec Thierry Cotting, le président, et je connais tous les joueurs. J’étais à la Fontenette, très heureux, quand ils ont éliminé Bâle en Coupe suisse.
Vous aviez 16 ans à peine, quand vous avez passé de Carouge à Arsenal, l’un des plus grands clubs du monde. Vous n’avez pas hésité si jeune?
Je suis parti et je ne suis plus revenu. Depuis tout petit, je vivais dans ma bulle, je voulais réussir dans le foot et rien d’autre, c’était mon rêve de toujours. Alors quand un entraîneur mythique comme Arsène Wenger, que j’admirais à la télé, vient personnellement vous faire une offre, vous n’hésitez pas. C’était une occasion unique à ne pas louper. Et j’ai eu zéro regret.
Vous avez joué dix ans sous ses ordres à Londres. Comment était le vrai Arsène Wenger sous ses dehors de gentleman imperturbable?
Un homme très droit, qui analysait parfaitement la personnalité des joueurs, qui avait une grande proximité avec nous, qui nous parlait toujours de manière constructive. C’était une légende vivante. Il m’a donné sa confiance alors que j’étais si jeune et aujourd’hui encore, je lui suis redevable. J’ai aussi eu la chance de côtoyer un grand capitaine comme Thierry Henry, aussi foudroyant sur le terrain qu’à l’écoute des autres en dehors.
Une soirée que vous n’oublierez jamais à Anfield Road?
Notre victoire 2-1 contre le grand Barça de Messi, Xavi, Iniesta, lors de la Champions League 2011. Un moment de pure folie dans le stade, magique.
Vous avez vécu les 18 premiers mois de votre vie en Côte d’Ivoire, à Abidjan, avec Angéline votre mère biologique. Puis elle vous a laissé rejoindre votre père à Genève. Vous ne lui en avez jamais voulu?
C’était une très jeune maman. Elle m’a eu alors qu’elle avait 18 ans à peine. Elle m’a laissé partir, malgré elle, parce qu’elle jugeait que mes perspectives d’avenir étaient meilleures en Suisse. Elle l’a fait pour mon bien. C’était un acte d’amour. Alors comment pourrais-je lui en vouloir? Je retourne d’ailleurs régulièrement la voir à
Abidjan. J’y suis encore allé deux fois l’automne passé. J’ai eu la chance d’avoir deux mamans qui, chacune de leur côté, m’ont énormément apporté. Les deux entretiennent d’ailleurs une très belle relation. C’est une jolie histoire.
Vous aimez la Côte d’Ivoire, votre pays d’origine?
Je ne l’aime pas, j’en raffole. Tout me plaît tout là-bas. La culture, la chaleur des gens, cette vie qui ne s’arrête jamais, jour et nuit, les marchés, les couleurs. Quand les gens me reconnaissent, c’est toujours très amusant.
Vous avez trois filles de 6, 10 et 12 ans. Des passionnées de foot comme papa?
Lou, l’aînée, vient de commencer à jouer avec l’équipe de Signal Bernex. Son club préféré est bien anglais, mais c’est Chelsea le grand rival d’Arsenal, car ses joueuses préférées évoluent dans cette équipe. C’est comme ça…
Vous avez encore des rêves que vous souhaitez réaliser?
J’ai plein d’envies, je suis curieux de tout, je m’intéresse à beaucoup de choses. L’automne dernier, j’ai suivi pendant deux semaines un cours d’acteur chez Acting Line Studio, à Lausanne, avec deux profs extras. Je voudrais aussi me mettre à chanter, jouer de la batterie. Dans leur genre, les footballeurs sont aussi des artistes et j’ai gardé cela en moi. Je ne me fixe aucune limite.
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