Depuis le 15 janvier, elle participe à l’Ocean Race, la course autour du monde en équipage, sur le bateau américain 11th Hour Racing, l’un des favoris. Fin novembre, elle avait fini septième et première femme de la Route du Rhum, une course mythique. À 36 ans, Justine Mettraux, Genevoise originaire de Neyruz en Gruyère, est considérée comme l’une des meilleures navigatrices du monde. «Une vraie montre suisse précise et carrée», admire Franck Cammas, star de la voile française. L’an prochain, Justine sera au départ du Vendée Globe, le défi ultime, trois mois en solitaire autour du monde. En exclusivité, elle nous raconte sa passion.
La voile, Justine Metraux y a pris goût sur le lac au large de Versoix avec ses parents. À fin novembre, à bord de Teamwork, son fidèle sponsor genevois, elle a réalisé son plus bel exploit à la Route du Rhum. On l’a jointe, quelques jours plus tard, en Guadeloupe où elle était restée pour quelques jours de vacances. Le murmure des vagues qui lui sont si chères ont accompagné toute cette interview.
Vous récupérez?
La course a été très intense. Je profite de cet endroit si sympa pour prendre un peu de vacances.
Bronzing au programme?
Une de mes sœurs m’a rejointe. On fait surtout du wingfoil, de la planche volante. J’adore.
Septième et première femme de la Route du Rhum, c’est votre plus beau résultat?
Le plus médiatique en tout cas, car il s’agit d’une course mythique. Dans ma catégorie, les Imoca, nous étions 40 bateaux au départ. J’ai réussi un gros truc, oui.
Vous avez mis 12 jours, 12 heures et 26 minutes. Il y a eu des moments difficiles?
Les conditions n’ont pas toujours été idéales, mais rien d’insurmontable. Le plus dur à gérer, c’est la fatigue.
On parvient à dormir?
On ne dort pas plus d’une demi-heure d’affilée, c’est dire qu’il faut avoir un réveil qui sonne très fort. Car il faut en permanence vérifier que tout va bien, qu’il n’y a pas de danger à proximité. Au total, on ne dort jamais plus de quatre heures par nuit. Et la fatigue s’accumule.
Vous arrive-t-il d’avoir peur?
Non, compétition oblige, je ressens parfois du stress, mais de la peur jamais. De toute façon, ce type de bateau est insubmersible. Quand il accélère, qu’il atteint les 50 km/h, les sensations sont très fortes. J’ai surtout beaucoup de plaisir. Les moments plus calmes sont propices à la contemplation, j’ai des pensées plus intimes, plus personnelles. En mer, nous sommes en communion avec les éléments, la nature.
On ne se sent jamais seul, si loin de tout?
Non, on échange deux fois par jour, le matin et le soir, avec l’équipe à terre, et la Route du Rhum en plus est une course assez courte. Et, à bord, il y a tellement de problèmes à gérer.
Dans cette Route du Rhum, vous n’étiez que sept femmes sur 138 concurrents. Vous militez d’ailleurs beaucoup pour le développement de la voile féminine.
Chez les plus jeunes, c’est du 50-50 entre filles et garçons, puis le pourcentage féminin s’amenuise au fil des années. Mais les choses bougent dans la bonne direction et j’essaie d’y participer. Dans le cadre du Magenta Project, j’accompagne neuf mois durant une jeune navigatrice, en l’aidant à se fixer des objectifs, dans son réseautage aussi. En plus, parallèlement à la course du Figaro, on emmène régulièrement 30 jeunes espoirs féminines pendant trois jours sur des bateaux de course. On sent chez elles beaucoup d’envie.
Être une femme constitue-t-il un désavantage lors les grandes courses au large?
Les bateaux sont de plus en plus puissants, exigeants, ce qui nécessite de la force, un effort physique croissant. À ce niveau-là, on ne pourra jamais régater avec les hommes. Mais la voile nécessite une multitude d’autres compétences, régler le bateau, choisir la bonne stratégie, savoir jouer avec la météo. Au fond, on part quasiment avec les mêmes chances.
On parle toujours de la Genevoise Justine Mettraux mais en réalité, vous êtes d’origine fribourgeoise.
Mes parents se sont installés très tôt à Versoix où j’ai toujours vécu, mais effectivement, je suis originaire de Neyruz, en Gruyère. Un cousin y possède encore une grande ferme familiale. Lorsque je ne suis pas prise par des régates, j’adore y retourner pour la Bénichon. C’est vraiment une fête très chouette.
Vous êtes la deuxième d’une famille de cinq enfants. Ce sont vos parents qui vous ont transmis le goût de la voile?
On habitait à deux pas du lac et ils ont toujours eu des bateaux, de plus en plus grands à mesure que la famille s’étoffait. On passait tous nos week-ends, toutes nos vacances sur le lac. Aujourd’hui, moi, mes deux frères et mes deux sœurs, nous sommes tous des professionnels de la voile. J’ai participé à des courses avec l’une de mes sœurs, un de mes frères fait partie de l’équipage d’Alinghi. Nous avons ça dans le sang.
Comment vous est venu ce goût de la compétition?
Petite, je prenais des cours au centre d’entraînement de la régate à Genève pour des cotisations dérisoires. À 18 ans, j’ai participé à ma première Translémanique en solitaire où je n’ai pas fini dans les cent meilleurs. Mais j’y ai pris goût. Aujourd’hui d’ailleurs, je reste très attachée au lac Léman, j’adore y retrouver mes amis, naviguer avec eux.
À 26 ans, diplôme d’enseignante en poche, vous décidez de vous consacrer totalement à la course au large. Pourquoi ce choix?
J’ai fini deuxième de ma première Mini Transat en solitaire, ce qui m’a servi de déclic. Ensuite, tout s’est enchaîné. Aujourd’hui, je vis à Lorient. Au Pôle Finistère de la course au large, je partage la vie d’autres marins. On s’entraîne, on progresse ensemble même si nous sommes rivaux en course.
Vous considérez-vous comme une aventurière?
Non, plus qu’une aventurière, je suis une athlète, une sportive d’élite. Toute ma vie est orientée vers la compétition, le professionnalisme. À ce niveau, cela requiert tellement de qualités différentes, c’est fascinant.
Vous allez participer (le départ a eu lieu le 15 janvier à Alicante) à votre troisième Ocean Race, la course autour du monde en équipage avec escales. Vous préférez la solitude ou la vie en équipe?
J’aime varier les deux, c’est un bon mix. En équipage, on apprend beaucoup des autres.
Puis en 2024, ce sera le défi ultime: vous serez avec votre bateau Teamwork la première Suissesse au départ du Vendée Globe, la course autour du monde en solitaire sans escale, soit près de trois mois de navigation.
Je m’y prépare depuis très longtemps. Avec Teamwork, la Route du Rhum a constitué un très bon test. C’est effectivement le Graal absolu, le rêve de tout marin.
Vous avez eu une idole?
Ellen MacArthur qui justement avait fini deuxième du Vendée Globe en 2001.
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