Il a donné la réplique à Isabelle Huppert, Catherine Deneuve ou encore Fabrice Lucchini : avec une quinzaine de films en quatorze ans de carrière, le Lausannois Kacey Mottet Klein a déjà la filmographie d’un vétéran du cinéma. Lui-même dit d’ailleurs se sentir bien plus vieux que ses 22 ans (qu’il a fêtés le 20 octobre) et se réjouit de se défaire de l’impétuosité de la jeunesse qui fragilise l’hypersensible qu’il est.
Dans son dernier film « Just Kids », sorti en salles fin septembre, il était bouleversant dans le rôle de Jack, élevant tant bien que mal son petit frère après la mort de leurs parents. À la ville, ébranlé par le confinement qui avait mis son histoire d’amour à l’épreuve, Kacey Mottet Klein a retrouvé la maison familiale de Grandvaux (VD). Et a accepté de se dévoiler sans fard pour Paris Match Suisse, évoquant sa psychothérapie, ses démons, son envie d’ailleurs, son désir de paternité et l‘impatience qui l’habite depuis ses débuts devant la caméra, à 8 ans, dans « Home » d’Ursula Meier.
Kacey, comment vous décririez-vous ?
Je suis justement en train d’apprendre qui je suis, à travers mes deux ans de psychothérapie. C’est un long chemin, le travail d’une vie. Je dirais que j’ai l’impression d’être plus mature que mon âge. Même si mon âge me rattrape sur le fait que je change encore beaucoup. Je suis un nomade, un hypersensible maladif, un dépendant affectif et un grand romantique.
Pourquoi avez-vous entrepris cette thérapie ?
Mon père est bipolaire et je me demandais si je l’étais aussi. Apparemment, ce n’est pas le cas. Je travaille sur mon hypersensibilité et ma dépendance affective pour pouvoir gérer la valve émotionnelle qui me permet de libérer les émotions quand j’en ai besoin. Je ne veux pas supprimer totalement cette hypersensibilité qui m’aide aussi à jouer, mais au quotidien, c’est une souffrance. Je crois qu’elle était innée et que le cinéma l’a alimentée.
Dans quelle mesure ?
Un tournage est toujours violent pour moi, car on nous demande de dégainer l’arme émotionnelle à tout moment. Je fais appel à mes souvenirs pour susciter les émotions. C’est un exercice dangereux, car on va puiser loin et il y a des choses auxquelles on ne devrait pas toucher, qui font appel à des émotions destructrices. On doit aussi très vite apprendre à aimer une équipe, puis très vite la quitter. C’est douloureux. J’ai réussi à créer un mécanisme automatique d’amnésie qui me permet d’oublier rapidement l’expérience pour ne pas ressentir de nostalgie. Après le tournage, le retour à la réalité est violent aussi, car on sort de notre bulle et il faut tout recontrôler. Là où je joue le plus de rôles, c’est dans la vie. Pour contrôler mes émotions, j’ai besoin de jouer des rôles psychologiquement. Je porte un masque pour cacher mes émotions, me protéger. Au cinéma et en amour, je suis authentique.
Ne pas tourner est également une épreuve ?
Oui. Je pense que tous les acteurs, quel que soit leur niveau, ressente cette angoisse qu’on ne les appelle plus. Dans le cinéma d’auteur, elle est peut-être encore plus forte car c’est une petite famille et on a peur d’en être exclu. Les infos y circulent vite. La transition enfant-ado n’a pas été évidente à gérer, car étant hyperactif et hypersensible, je suis une boule de feu et cela a pu me porter préjudice. Aujourd’hui, j’essaie de me calmer.
Votre prochain film ?
J’ai fini, après le confinement, le tournage de « L’Événement » d’Audrey Diwan, un film sur l’avortement avec Anamaria Vartolomei. Je n’avais pas tourné depuis deux ans, depuis « Just Kids », alors l’arrêt des tournages en mars m’avait fait un peu peur. Mais finalement les choses se sont bien enchainées pour moi. Je tournerai en été 2021 avec Lily Rose Depp dans un film de Stéphanie Donker. Je ne peux pas trop en dire encore, car il est en phase de financement.
Qu’avez-vous fait pendant ces deux ans loin des plateaux ?
J’ai pris du recul, pris soin de moi. J’ai aussi créé ma société qui proposera des services de team building. Il ne faut pas compter uniquement sur le cinéma.
Cet été, vous avez parlé dans « L’Illustré » de la situation difficile que vous viviez : vous ne pouviez pas retrouver votre compagne marocaine Tam, assistante réalisatrice de 27 ans, à Casablanca où elle vit. Vous avez pu vous revoir ?
Oui, après six mois de séparation ! Le confinement avait beaucoup fragilisé les choses. Ce n’était pas une période évidente pour les couples. Mais je ne veux pas en dire davantage.
Vous êtes né à Lausanne, êtes de nationalité suisse, française et américaine, vous travaillez à Paris, avez vécu trois ans avec votre ex-compagne à Bruxelles puis trois ans avec Tam, à Casablanca. C’est où, chez vous ?
Je ne pourrai jamais me considérer habitant d’un seul et même pays. Mais je ne suis pas tellement attaché à la Suisse, à part pour ma famille. C’est un pays où on juge beaucoup, on aime bien regarder ce que fait le voisin. C’est assez oppressant. Et il y a peu d’ambition artistique. Dès qu’on sort des cases, on est mal compris. Tout ce qu’on vous dit, c’est : « Il faut partir à l’étranger ». Artistiquement, je ne suis pas épanoui ici, même s’il y a des gens très talentueux et que je suis très attaché à mon public sans lequel je ne pourrais pas me sentir autant valorisé.
Vous revoyez votre père, rentré vivre aux Etats-Unis quand vous aviez 2 ans ?
Je reprends un peu contact avec lui, oui. C’est venu spontanément. Ce n’est pas parce que j’avais un manque paternel, j’ai toujours eu un beau-père. J’ai surtout voulu me rapprocher de ma culture américaine, que je n’ai pas, et que je veux connaître.
Vous aviez ce projet de longue date : perfectionner votre anglais et tenter votre chance à Los Angeles. Où en êtes-vous ?
J’ai déjà passé des castings pour des films américains. Et en 2021, j’espère suivre un programme de screenwriting (écriture de scénario) au Columbia College Hollywood. Parce que ma vie de nomade me donne envie de repartir et parce que je veux diversifier mes activités. Mon ambition est de passer un jour derrière la caméra. Mais il faut que j’acquière davantage de maturité, d’expériences de vie pour pouvoir raconter des histoires.
Quel genre de films aimeriez-vous réaliser ?
En réalité, je n’aime pas le cinéma français (Rires.) Ce qui me plaît, c’est le cinéma indépendant américain. Surtout les histoires d’amour, comme « Closer » avec Jude Law, Julia Roberts et Natalie Portman.
Ces grandes histoires d’amour du cinéma, c’est ce que vous rêvez de vivre dans la vie ?
Oui, complètement ! C’est peut-être encore dû à la jeunesse, mais je pourrais tout lâcher pour l’amour.
Même le cinéma ?
Je l’ai cru à un moment. Je plaçais toujours l’amour avant le travail. Mais aujourd’hui, je sais que le cinéma sera toujours là, comme une amante. Je pourrais tromper ma femme avec le cinéma. C’est un univers difficile à comprendre pour quelqu’un qui n’est pas du milieu, car on rencontre beaucoup de monde, on tourne des scènes d’amour. Moi-même, je ne sais pas si je pourrais faire ma vie avec une actrice.
Quel serait le rôle de vos rêves ?
J’arrive à un point où j’ai besoin de légèreté. J’ai envie de me diriger vers un cinéma plus populaire. Et donc émotionnellement moins impactant. Une comédie me ferait des vacances ! J’ai aussi envie de perdre cette image d’ado et d’évoluer à l’écran comme l’adulte que je suis. Je n’ai pas encore pu passer ce cap au cinéma.
Vous semblez pressé de vieillir ?
Oui ! J’aime avancer vite parce que je sens qu’il y a un niveau de maturité qu’il faut que j’atteigne pour être plus sage et me sentir enfin bien. Pour l’instant, en moi, c’est une vraie explosion nucléaire.
Vieillir physiquement dans un métier marqué par le jeunisme ne vous effraie pas ?
Non, je pense que l’homme s’embellit avec l’âge. Et puis, j’ai déjà l’impression d’avoir 40 ans, avec ma calvitie. Je prends soin de ma peau, je suis assez porté sur les produits de beauté, mais je n’ai pas peur de vieillir. Au contraire, c’est tout ce que j’attends.
Pensez-vous que le décalage que vous ressentez avec votre âge réel vient du fait que vous avez été un enfant-star ?
C’est vrai que je m’entends mieux avec les gens plus âgés. Mes deux frères et ma sœur sont beaucoup plus âgés, mes compagnes ont toujours été plus âgées que moi. Je n’aime pas trop ce terme d’enfant-star. Je dirais plutôt que j’ai été un enfant à qui on a donné des responsabilités d’adulte. On m’a privé de certaines choses qu’un enfant doit vivre. J’ai sauté plein d’étapes et c’est dans ce rythme rapide que j’ai appris à évoluer. Mais comme j’ai grandi en Suisse, où il n’y a pas une pression médiatique forte, j’ai été préservé peut-être de l’ivresse de la notoriété qui peut accompagner cette frénésie.
Que cache cette urgence de vivre ?
Le besoin de se sentir valorisé à travers un métier que j’aime. Et peut-être aussi ma peur de la solitude, de l’ennui. Au cinéma, on consomme la vie à mille à l’heure. On a également un recul sur nos émotions assez perturbant, donc j’ai besoin de jouer d’autres rôles pour ne pas être confronté à moi-même.
Vivre tellement de vies au cinéma est donc une manière de ne pas penser à ce que vous faites de la vôtre ?
Exactement. C’est un moyen d’arrêter de trop réfléchir. Être acteur, permet d’être chaque fois quelqu’un d’autre et ainsi trouver qui on a vraiment envie d’être.
Et qui avez-vous envie d’être ?
Je l’ignore encore ! Je n’ai pas eu le rôle qui m’a permis de le découvrir. Je n’en ai pas aimé beaucoup. Enfin, disons plutôt que je ne les ai pas encore digérés.
Avez-vous déjà cherché du réconfort dans l’alcool, la drogue, les sorties ?
Cela va de pair avec l’hypersensibilité qui est une recherche d’extrêmes, un besoin de ressentir tout le temps quelque chose de fort. Et ce, dans l’amour, la fête, dans tout. C’est très malsain. J’ai consommé la vie de manière extrême. Mais, j’ai le désir de me calmer. C’est quelque chose qui commence à être sous contrôle grâce à la maturité, l’amour, mais surtout grâce à la thérapie.
Diriez-vous que le cinéma a parfois été dangereux pour vous ?
Je n’ai jamais eu de mauvaise expérience. Mais ce qui était dangereux, plus jeune, c’était l’argent et l’accès à certaines choses que m’offrait le cinéma. Je me souviens qu’à 9 ans, au Festival de Cannes, je me suis retrouvé, j’ignore comment, à goûter de la vodka dans une soirée.
L’argent est-il toujours difficile à gérer ?
J’apprends encore, mais ça va mieux heureusement. J’essaie surtout de m’en détacher. Je n’ai pas envie que l’argent compte dans ma vie. Ma définition du bonheur, c’est la simplicité. Le fait de pouvoir donner à ses enfants, sa femme, ce qu’on rêve d’avoir pour soi. Je m’épanouis dans mon métier et j’aimerais voir mes futurs enfants aussi épanouis que moi à travers leur métier.
Vous souhaitez fonder une famille ?
C’est un désir très fort, urgent même. J’ai le sentiment, un peu égoïstement, qu’avoir des enfants me donnera une stabilité. J’ai aussi énormément d’amour à offrir. Je viens d’avoir une nièce. C’est génial ! Je crois que je suis déjà son oncle préféré, mais je jalouse presque mon frère d’être son père.
Et si vos futurs enfants voulaient faire du cinéma ?
Cela ne me dérangerait pas. Je les accompagnerais. C’est un métier magnifique. Mais il faut aussi savoir se vendre… C’est un exercice où mon authenticité me fragilise. Quand je lis mes interviews, je me dis toujours : « Que c’est triste ce que je raconte ! » Il n’y a pas eu une seule interview de moi un peu joyeuse (Rires). Malgré toute cette tristesse, je suis sur la voie du bonheur. Ou en tout cas, de la sagesse.
Pourtant, vous semblez apprécier les interviews ?
J’aime extérioriser ce que je ressens. Je vois les interviews comme des psychothérapies. Mais j’apprends à avoir plus de filtres. Même si je pense qu’une interview sincère vaut mieux que celle d’un acteur qui n’est pas transparent ou qui valorise son film même s’il ne l’a pas aimé par exemple.
Et vous, avez-vous aimé tous vos films ?
Non, justement pas ! (Rires.) Le dernier, « Just Kids », je ne peux pas encore dire que je l’ai aimé. Je n’ai pas suffisamment de recul pour être objectif. J’apprécie un film en fonction de l’expérience de tournage. Et là, en l’occurrence, c’était un peu compliqué. Mais c’est trop tôt. Par exemple, « Home », je peux dire que je l’aime.
Qu’est-ce qui a rendu le tournage de « Just Kids » compliqué ? Le sujet du film qui évoque le suicide d’un père, des enfants orphelins ?
Non, car j’ai l’habitude des rôles sombres. C’est plus par rapport à la promesse qui m’avait été faite: celle d’un rôle plus mature. J’en avais vraiment besoin. Mais mon personnage, Jack, reste un gamin, donc c’était difficile pour moi de le comprendre, de l’incarner et de l’aimer. Je vois ce film comme une transition, pour Jack et pour moi. Il marque l’adieu à l’enfance.
Quelle a été l’expérience la plus forte de votre vie ?
C’est compliqué de répondre, car j’ai une très mauvaise mémoire. Justement, pour me protéger… (Il réfléchit.) La plus belle expérience de ma vie a été le tournage de « Continuer », avec Virginie Efira, au Maroc. Et pas uniquement parce que c’est sur ce film que j’ai rencontré Tam. Mais ce tournage a changé mon regard sur beaucoup de choses. En partant, j’avais beaucoup d’à priori car j’avais été marqué par les attentats de Paris en 2015. Le restaurant de mes cousins, « Le Petit Cambodge », avait été une des cibles. Mais j’ai rencontré des gens merveilleux, découvert un pays incroyable et une culture pleine de bonnes valeurs, même si comme toutes les autres, elle a aussi des défauts.
Si vous pouviez changer une chose dans votre carrière, ce serait laquelle ?
Je ne changerais rien.
Et dans votre vie ?
J’aurais aimé faire une psychothérapie plus tôt. Et aller au bout de mes études (il a quitté l’école à 15 ans, ndlr), avoir un diplôme, pour achever quelque chose qui est nécessaire, en tout cas psychologiquement, pour se sentir satisfait de soi-même.
Photo: Valdemar Verissimo

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