Le héros de Hugo Pratt sujet d’une remarquable exposition au Centre Pompidou, à Paris. Pour (re)découvrir ce fascinant aventurier.
Sa statue en bronze, œuvre des sculpteurs Luc et Livio Benedetti, domine Lavaux, regard tourné vers les alpes. Depuis 2007, de son nid d’aigle, Corto Maltese rappelle que c’est à Grandvaux que son auteur, Hugo Pratt, a passé les onze dernières années de sa vie, de 1984 à 1995. Grandvaux reste d’ailleurs lié à l’œuvre de cet immense dessinateur. La société qui la gère y est toujours domiciliée. Et c’est sa directrice, Patrizia Zanotti, qui a assuré le commissariat scientifique de l’exposition qu’abrite la Bibliothèque publique du Centre Pompidou: «Corto Maltese, une vie romanesque». Le fait est que ce personnage clé dans l’histoire de la BD est pour le moins cosmopolite. Il séjourne dans les îles du Pacifique lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. Il assiste aux luttes d’indépendance dans l’Afrique de l’Est. À la faveur de la guerre civile qui suit la révolution bolchévique, il traverse la toundra sibérienne pour gagner la Chine. On le trouve aussi en Guyane hollandaise, en Éthiopie… Ce qui ne coupe pas le lien étroit qu’il entretient avec Venise.
Mais cette «vie romanesque» est tout aussi bien celle de Pratt. Né à Rimini en 1927, il passe une partie de son enfance dans la Cité des doges avant de rejoindre son père, militaire de carrière, en Abyssinie. Il s’installe ensuite en Argentine, puis au Brésil, puis en Argentine à nouveau. Sur quoi, retour en Italie, puis établissement à Paris. Et surtout voyages autour du monde: Guatemala, Mexique, Île de Pâques, etc. Hugo Pratt dévore les cartes, les atlas. Les 17 000 livres de sa bibliothèque de Grandvaux témoignent de sa passion pour la lecture, celle aussi des grands auteurs d’aventure: Melville, London, Stevenson… Qu’il lui arrive même d’intégrer à ses planches. Dans «La Jeunesse», Jack London apparaît sous les traits d’un correspondant de guerre, Hermann Hesse, l’auteur du «Loup des steppes», y est représenté dans sa maison de Montagnola, au Tessin. Comme le notent les commissaires de l’exposition de Beaubourg, «des écrivains du monde entier, qui ont joué un rôle fondateur dans la culture littéraire de Hugo Pratt, viennent habiter les aventures de son héros: américains comme John Dos Passos et Ernest Hemingway, argentins comme Jorge Luis Borges et Leopoldo Lugones…»
«Corto Maltese, une vie romanesque» déploie toute la richesse du personnage. Éclairée par des analyses fines, de pertinentes mises en perspective, cette exposition et son double, le catalogue publié à cette occasion, constituent à la fois une merveilleuse introduction à cette œuvre foisonnante pour ceux qui ne la connaîtraient pas et un approfondissement pour ceux qui en sont familiers.
«Je raconte la vérité comme si c’était un mensonge, disait Pratt. À la différence de bien d’autres qui racontent des mensonges en voulant les faire passer pour vrais. De cette manière, la lecture devient double, triple et le lecteur trouve que certaines choses que j’ai dites étaient vraies, alors il est pris d’une grande envie de partir à leur recherche.» Cocteau était-il d’un autre avis, qui affirmait: «Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité.»
Exposition «Corto Maltese, une vie romanesque», Centre Pompidou, Paris, jusqu’au 4 novembre, centrepompidou.fr; catalogue de l’exposition, éd. Casterman, 144 p., CHF 38.50.
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