Ouverture prochaine à Lausanne d’un Espace Maurice Zundel, du nom du théologien mystique que l’Église tint longtemps à l’écart.

«Si vif fut le feu de l’âme, chez l’abbé Zundel, qu’il effraya. À Genève, Lausanne et Fribourg, il fut jugé indésirable. Passe encore que l’on soit profond. Mais brûlant!» Dans ce portrait des «Princes des marges», Bertil Galland souligne ce que Maurice Zundel avait de «suspect» aux yeux des bien-pensants. Un mystique qui prône l’exemple par la pauvreté à la suite de saint François d’Assise, qui n’est pas nécessairement commode, qui se mure parfois dans le silence. Mais que Paul VI invite au Vatican pour prêcher la retraite du Carême!

Exilé de 1925 à 1946 pour cause d’originalité à Rome, Paris, Londres et Le Caire, Maurice Zundel trouve une forme de réhabilitation publique dans l’ouverture prochaine, cet hiver, d’un Espace à son nom. Accolé à une église urbaine, boulevard de Grancy, à Lausanne, il sera tout à la fois lieu de passage, de méditation et centre de formation. De quoi faire oublier la petite chambre tristement perchée dans le clocher de l’église de Bex où il dût s’installer temporairement en 1939. La roue tourne. Une demande de béatification vient d’être initiée sous l’égide de la fondation éponyme que préside l’abbé Marc Donzé, auteur de la thèse qui mit en lumière, en 1979 déjà, l’intensité de cette pensée théologique.

Né à Neuchâtel le 21 janvier 1897, ordonné prêtre en 1919 à Fribourg, Maurice Zundel est mort à Lausanne le 10 août 1975. Au retour d’Égypte où il a passé toute la période de la guerre, il est affecté à la paroisse du Sacré-Cœur d’Ouchy avec un poste pour le moins vague d’«auxiliaire», le minimum absolu… Poste qui a tout de même l’avantage de lui offrir une large liberté. Car Zundel ne se laisse pas mettre en cage. Il mange peu, fume beaucoup. Son allure détonne. Il aime porter soutane blanche – pourtant interdite dans le canton de Vaud – et cape noire. Sa théologie est audacieuse. Et sa parole flamboyante. Elle est «vive, originale, difficile parfois, mais surtout on la sentait sourdre du fond de son être comme un fruit de sa relation avec Dieu et avec les hommes», observe Marc Donzé dans «Maurice Zundel – S’émerveiller».

Son premier livre, «Le Poème de la Sainte Liturgie» (1926) donne déjà le ton. Dans cette «Vision sacramentelle de l’univers», Zundel écrit en poète. Ce qui ne facilite pas nécessairement la compréhension… Mais comme le rapporte le philosophe Jean Guitton, Paul VI voyait en lui «un génie, génie de poète, génie de mystique, écrivain et théologien, et tout cela fondu en un, avec des fulgurations». C’est d’ailleurs le futur pape, encore Giovanni Battista Montini, qui fit traduire en italien ce «Poème de la Sainte Liturgie». En revanche, son livre «Recherche de la Personne» est retiré du commerce à l’instigation de Mgr Besson, alors à la tête du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Zundel y parle trop directement du mariage et de l’amour. «C’est un franc-tireur et l’Église n’aime pas beaucoup les francs-tireurs», commente l’évêque.

Franc-tireur sans doute, mais aussi «apôtre de l’intériorité habitée, chantre de l’émerveillement qui nous fait sortir de nous-même et disciple de la pauvreté heureuse trouvée dans la joie du don», ainsi qu’on a pu le présenter. La retranscription de ses homélies a fait l’objet de plusieurs publications, et son œuvre même s’est vu consacrer de multiples exégèses. Autant dire que sa pensée est plus que jamais d’actualité. Son originalité peut tenir en deux phrases, explique encore Marc Donzé. «L’homme ne devient vraiment homme que s’il est libre de soi dans la rencontre d’une Présence qui le dépasse. Dieu est tout; autrement dit, dans un langage franciscain, Dieu est Pauvreté.»

Mysterium fidei. Mystère de la foi.

www.mauricezundel.com

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