Sylvain Collette et Lucas Giossi au Rolling Center, © Alain Herzog
Basées au Rolex Learning Center à Lausanne-Ecublens, les Presses polytechniques et universitaires romandes ont lancé leur nouveau label grand public « Quanto » il y a trois ans : de grandes avancées de la science qui se lisent comme des romans. Succès remarquable, en France comme en Suisse.
Rien à voir avec la vulgarisation magistrale de scientifiques bien intentionnés, mais peu portés sur le narratif et la dramaturgie. Ne craignent-ils pas le regard de leurs austères confrères, si prompts à jeter des anathèmes sur la science-spectacle ? Dans le monde anglophone, les « pop sciences » passent au contraire par des œuvres d’auteurs. Des récits de journalistes spécialisés le plus souvent, mais pas seulement, servis à la première personne dans bien des cas. Les « sciences populaires » renvoient à des enjeux sociétaux ultra-sensibles, avec quelques fils rouges envoûtants et des rebondissements. Sans aucune concession toutefois sur la crédibilité scientifique. Ce genre littéraire rencontre de grands succès. Les librairies de New York ou de Londres en ont depuis longtemps des rayons entiers.
Rien de tel en Europe continentale. Ici, les libraires ne savent pas très bien où classer cette littérature grand public. Ce qui ne favorise guère les ventes, et dissuade bien des éditeurs. Lorsque Lucas Giossi, qui travaillait dans l’édition à Fribourg, a repris la direction des Presses polytechniques et universitaires romandes en 2017, créées par les hautes écoles par le biais d’une fondation, l’idée de Quanto a germé. Un label francophone en quelque sorte pionnier dans les pop sciences. Objectif de long terme: douze publications par an. Des best sellers anglophones en premier lieu, soigneusement adaptés en français.
La bonne personne se trouvait d’ailleurs dans la maison depuis quinze ans : Sylvain Collette, directeur éditorial. Un « scientifique défroqué », ironise-t-il. Venu de France pour faire une thèse en génétique au Centre hospitalier universitaire de Lausanne. Peu attiré en définitive par la vie monacale qui l’attendait dans la recherche. La fibre littéraire du scientifique s’est d’abord imposée dans le développement d’EPFL Press, des publications académiques.
Puis il a pris le projet Quanto en mains. Beaucoup de lectures sur tout ce qui sort de l’autre côté de Atlantique, à commencer par les best sellers. « Les cinquante premières pages suffisent en général à se faire une idée de l’intérêt pour nous ». De bonnes intuitions sélectives, un réseau de traducteurs en France, de la finition, des couvertures illustrées, conçues pour plaire et se faire remarquer sur les devantures des libraires.
Publiée il y a deux ans pour le demi-millénaire de la mort du maître ancien et inventeur visionnaire, la brillante biographie de Léonard de Vinci par la star américaine Walter Isaacson s’est vendue à trente mille exemplaires dans le monde francophone. L’auteur avait reçu plusieurs offres d’éditeurs parisiens. « Celle de Quanto n’était sans doute pas la plus élevée, commente Lucas Giossi, mais le prestige de l’EPFL a probablement fait la différence. »
Les autres ventes de Quanto oscillent entre trois et dix mille, tirages très supérieurs aux standards de la vulgarisation. Dernières parutions : le point sur ce que l’on sait du vieillissement des cellules vivantes, et des approches permettant de mieux maîtriser le phénomène sur l’humain. Une « Brève introduction à la conscience », de cent-vingt page à peine, ou encore « La vie secrète des matériaux », qui nous apprend mille choses insoupçonnables et éclairantes sur les objets qui nous entourent. En stock, un stupéfiant « Voyage aux confins de l’esprit », sur ce que nous enseigne vraiment l’usage des substances psychédéliques. Avec quelques autres titres bien sentis sur l’infiniment petit, l’infiniment grand et l’infiniment complexe, sous l’angle de la physique quantique par exemple. Ou, pour en rester là, « Les dangers cachés de l’alimentation saine », sujet scientifique s’il en est.
L’accueil et la trentaine de titres parus donne un fond de catalogue qui permet aujourd’hui de monter en puissance dans cette pop science que l’on connaissait un peu par la bande dessinée, et qui fait aussi fureur sur certaines chaînes Youtube. « La science est en train d’infuser de larges pans de la culture », commente Sylvain Collette. Basée à Paris, précédemment responsable des droits étrangers dans une grande maison d’édition, May Yang l’a rejoint il y a deux ans pour partager la direction éditoriale de Quanto.
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