Au Berceau des Sens, le restaurant étoilé de l’École hôtelière de Lausanne, après sept ans de règne du chef Cédric Bourassin, la nomination de la jeune cheffe casse les codes de cette institution.

Au premier coup d’œil, il émane de ce petit bout de femme, queue de cheval haute, sourire contagieux et regard pétillant, une énergie et une joie de vivre débordantes. Si à 31 ans, elle a déjà une grande expérience et une étoile au Michelin à son actif, elle ne sest pas formée auprès de grands chefs et nest pas auréolée du titre prestigieux de Meilleur Ouvrier de France. Celle qui ne cesse de se lancer des défis et qui cherche à créer la surprise dans ses assiettes est une jeune femme passionnée.

La majeure partie de votre expérience professionnelle s’est faite en Suisse. Quand et comment êtesvous arrivée en Suisse?

À 20 ans, en tant que commis au restaurant Le Flacon à Carouge auprès de Serge Labrosse. Je ne voulais faire qu’un an et je suis restée cinq ans. De commis, je suis passée sous-chef quand Yohann Caloué a obtenu la première étoile au Michelin. Puis au bout de cinq ans dans le même restaurant, ce qui est assez rare si jeune, j’avais envie d’autre chose, de partir en Suisse profonde. Je me suis installée à Vevey et j’ai travaillé quatre ans chez Mathieu Bruno à Chardonne.

Puis de retour à Genève?

Oui, un peu à contrecœur. J’étais bien dans le canton de Vaud. Mais quand la propriétaire du Flacon m’a appelée pour me demander si je connaissais un chef capable de remplacer Yohann Caloué, j’ai dit moi! Et pendant deux ans j’ai réussi à ce que le restaurant conserve son étoile.

À 29 ans, vous aviez donc déjà une étoile au Michelin? Les secrets d’un tel parcours?

Mes compétences, sûrement, car j’avais déjà treize ans d’expérience en cuisine derrière moi et aussi une bonne dose d’insolence. Je suis une fonceuse, et même si je ne sais pas, je vais me battre pour avoir ce que je veux.

Et votre arrivée à l’EHL, comment ça s’est fait?

J’ai appris que Cédric Bourassin quittait son poste au Berceau des Sens et j’ai postulé avec toute mon insolence et mon insouciance, en pensant que je n’avais rien à perdre.

Quels ont été vos plus grands défis à l’arrivée au Berceau des Sens?

M’intégrer dans cette grande boutique qu’est l’EHL, mais aussi m’intégrer dans l’équipe en tant que femme. Je suis arrivée dans une brigade exclusivement masculine et aujourd’hui nous sommes deux femmes. Moi et une de mes deux cuisinières du Flacon qui m’a suivie. Mais en fait, ça n’a pas été si difficile. Pour moi, homme ou femme, c’est pareil. Je ne suis pas une féministe militante. J’ai d’autres batailles à mener, et d’autres personnes le font mieux que moi.

Qu’estce que ce poste a changé pour vous?

Tout. J’ai retrouvé du temps surtout. Du temps pour ma créativité professionnelle. Je suis passée d’une brigade de trois personnes au Flacon à une brigade de dix personnes au Berceau des Sens et pour le même nombre de couverts. Je bossais 16 heures par jour, 5 jours par semaine et ici nous sommes sur une semaine de 42 heures.

Et sur le plan personnel?

Je suis ravie d’être de retour dans le canton de Vaud. Et puis j’ai une vie personnelle, maintenant! Mon compagnon est cuisinier à la Brasserie de l’EHL. On s’est rencontrés dans les cuisines du Flacon. Même s’il y a un partage entre nous, et que l’on est sur la même fréquence, nous ne ferons plus l’expérience d’être ensemble en cuisine. D’ailleurs, à la maison, quand l’un cuisine, l’autre fait la vaisselle.

Qu’estce que vous mettez dans vos assiettes?

Du travail, beaucoup de travail, je me donne à 300% dans ce que je fais. J’ai grandi dans une famille où la notion de travail est ancrée. J’y mets aussi du «love» et des fruits! Moi qui n’aime pas les fruits et qui n’en mange pas, inconsciemment j’en mets toujours dans mes plats. C’est mon père qui m’a dit que mon style était là. Sur ma carte du moment, la raie s’associe à l’orange, le thon à la poire, l’asperge au combawa et l’agneau à la fraise!

D’autres contradictions?

Ah mais oui! Je suis une fonceuse patiente. Avant mon arrivée à l’EHL, je n’ai travaillé que pour deux établissements en onze ans, ce qui est assez rare en restauration quand on est jeune. Je suis aussi une grande têtue mais qui écoute. En cuisine, je me sers des 10 palais qui constituent ma brigade. C’est un bon échantillon et si une majorité ne valide pas une dernière création, je ne la mets pas à la carte. Je suis aussi très cool, mon équipe me tutoie et m’appelle par mon prénom, mais le manque de politesse, ça, ça ne passe pas.

En dehors de la cuisine, qu’est-ce qui vous apporte de la joie dans la vie?

La cuisine, mais je ne peux pas le dire n’est-ce pas? Des choses simples. Un croque-monsieur avec un Perrier et je suis contente.

Mais vous parlez cuisine, encore…

Voilà, c’est ça le problème. En fait, je n’ai pas d’autres passions que la cuisine. J’aime le sport, les balades, j’adore les animaux mais rien de foufou, parce qu’au final, toute ma vie tourne autour de la cuisine.

Quels sont les moments le plus propices à la création de vos plats?

C’est en faisant que je crée. C’est là où les idées me viennent. C’est le travail qui est ma source d’inspiration. J’ai toujours mon petit cahier à côté du passe-plat pour prendre des notes. Je dois aussi être en mouvement pour créer. Quand je fais du fitness en salle, souvent les idées me viennent à ce moment-là. J’ai les mains, le corps qui bougent et ma tête qui réfléchit. Mon compagnon est content quand le soir le bouton «on» s’éteint.

Qu’est-ce qui pourrait vous empêcher de dormir?

Oublier quelque chose dans mes commandes. L’annonce du palmarès du Michelin cette année aussi, bien sûr. La veille, je dormirai mal, c’est certain.

Votre pire cauchemar?

Décevoir quelqu’un. C’est le pire que je puisse faire dans ma vie.

Vos rêves professionnels?

Dans un premier temps, garder toutes les distinctions du restaurant, et après, on verra.

Et vos rêves personnels?

Fonder une famille. À l’EHL, c’est possible. Je me vois enceinte en cuisine avec quelqu’un qui me dit qu’il faut partir pour accoucher, et moi qui réponds: attendez, je finis mon assiette!

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