L’animatrice franco-suisse exhorte les femmes à se libérer des injonctions qui pèsent sur elles. Après 50 ans, il n’y a pas de date de péremption, mais un avenir plein de promesses.
Nous l’avons connue impertinente, chahuteuse et drôle sur la RTS, lors des Maternelles sur France 5, puis au Grand Journal sur Canal+. Pourtant, Maïtena Biraben a, comme tant d’autres, été bercée par les contes de fées, dans l’idée qu’une fille se situe d’emblée plus du côté petite chose fragile que du vaillant chevalier. Le chemin pour se défaire de ces stéréotypes a été exigeant. Il a fallu de la ténacité. Alors, quand la ménopause arrive, et que la journaliste réalise que l’on continue d’assigner les femmes à un rôle; que n’étant plus jeunes, plus dans la séduction, plus dans la reproduction, on exigeait d’elles que désormais elles s’effacent, elle s’indigne. Elle réagit à ces injonctions par un livre: «La femme invisible». Elle y décrit les préjugés qui enferment. Elle y incite ses contemporaines à reprendre possession de leur histoire, loin des diktats de l’âge et de l’obsolescence. Dans un même élan, elle lance «Mesdames.media», un magazine en ligne. Informatif, celui-ci est destiné aux femmes mûres. «On trouve de l’enthousiasme, du pouvoir et une formidable créativité dans cette période de la vie», assure-t-elle.
Dans votre livre, tout comme dans le magazine en ligne, vous placez la femme au centre de la conversation…
Je m’intéresse aux femmes dans cette deuxième période de leur vie, car il y a un problème irrésolu dans nos sociétés: c’est l’attente qu’on a continuellement envers elles. Quand elles sont jeunes, elles doivent être dociles, jolies, accompagnantes et dans la promesse de la reproduction, et, au moment de la ménopause, on vous dit que vous êtes hors champ, moche, inutile. Et là encore, on vous explique comment vous devez vous comporter.
Est-ce une manière de taper du poing sur la table, dire que vous en avez assez?
Dans mon livre, j’explique que je suis fatiguée de m’entendre dire ce que je dois faire, ce que je dois porter et surtout ce que je suis censée être, à l’âge de la ménopause. À 50 ans, j’ai une carrière professionnelle bien remplie, je suis mère, j’ai de l’expérience… je suis une adulte! Il faut arrêter d’infantiliser les femmes. Le récit qu’on fait d’elles ne correspond pas à la réalité. Je voudrais les encourager à embrasser cette période de la vie qui est riche et où elles ont tant à apporter!
Sur quoi fondez-vous cet optimisme?
Si on fait un calcul assez large, nous n’en sommes qu’à la moitié de notre vie. Notre santé va bien et c’est un moment où les femmes ont plein d’avantages: les enfants sont partis de la maison, elles bénéficient de plus de temps pour s’occuper d’elles, elles ont généralement une situation salariale plus stable et elles sont sorties de la compétition puisque tout est fait. On peut enfin trouver sa juste place.
Les femmes de cet âge, se sentent néanmoins invisibles…
Justement, c’est pour ça qu’il faut sortir des attentes qu’on a de nous. Se libérer d’un discours qui ne s’applique pas à ce que ressentent les femmes. Qu’on arrête de nous faire croire qu’on n’a plus d’utilité. Ces critères sont faux, il y a plein de femmes qui nous montrent que l’on peut construire des choses géniales après 50 ans avec notre vitalité, notre intellect, notre expérience. À nous de définir qui nous sommes. En ce sens, Je refuse d’être victime, mais je veux m’emparer du récit qui est le mien.
Des études montrent que les problèmes de santé rencontrés à la ménopause sont encore négligés par une partie du corps médical. Est-ce révélateur d’un désintérêt pour le corps des femmes?
C’est évident. Prenez cet exemple, quand un homme consulte pour des problèmes d’érection, on trouve des solutions, un médicament pour régler ses symptômes. Mais on continue à ne pas prendre au sérieux les femmes qui traversent cette phase compliquée qui produit d’énormes bouleversements dans le corps et touche aussi à la santé mentale. Clairement, on ne parle pas ici de cas isolés, puisque je ne connais pas une seule femme à qui il ne soit pas arrivé d’être ménopausée… Ce manque d’accompagnement peut être douloureux et vécu dans l’isolement. Le silence n’améliore rien, c’est pour cela qu’il faut parler, partager de l’information.
Aviez-vous abordé le sujet de la ménopause avec votre mère?
Non, jamais. Ma mère, comme beaucoup de femmes, a vécu cette période de manière secrète. À cette époque, ce n’était même pas tabou, c’était de l’ordre du silence.
Éprouvez-vous de la colère face au poids qu’on fait porter aux femmes?
Non. Enfin… si, parfois cela me met en colère. Je veux agir intelligemment, ne pas être dans l’opposition, mais plutôt dans une action constructive envers les femmes. Je fais simplement un constat, je nous mets devant nos responsabilités collectives. Les hommes aussi bien que les femmes doivent s’affranchir de ces visions réductrices. Mon but est de faire avancer les choses.
Dans le magazine «Mesdames», vous invitez des femmes mûres, inspirantes. Est-ce pour donner des exemples vertueux?
Dans «Mesdames», en plus des interviews que je fais, nous couvrons un large éventail de sujets: la santé, la beauté, la sexualité, le travail… Dire les choses permet de nous retrouver, de nous réapproprier le discours et sortir des injonctions sociales, culturelles et politiques faites aux femmes. Mes invitées, par le partage de leur propre expérience, contribuent à offrir une vision objective de ce qui se passe entre 45 et 70 ans. Ces années sont vécues dans la joie et elles démontrent que cela ouvre sur de nombreuses possibilités.
Pensez-vous que le cas d’Isabella Rossellini, remerciée à 40 ans comme mannequin chez Lancôme et réengagée par la marque vingt ans plus tard, soit le signe d’un changement?
Je trouve que c’est très bien, mais Isabella Rossellini reste une star, c’est un cas unique, elle ne reflète pas la réalité. Je veux m’adresser à toutes les femmes, celles qui chaque jour subissent ces critiques sur l’âge, sur leur beauté… à qui on dit en permanence ce qu’elles doivent être ou ne plus être… Il faut qu’on nous laisse tranquilles. Et de notre côté, nous devons apprendre à dire non, à refuser ce discours pour y substituer notre réalité.
Durant votre parcours professionnel, et en particulier dans un monde très compétitif comme celui de la télévision, avez-vous rencontré de la «sororité»?
Malheureusement, ma génération n’a pas connu la solidarité féminine. Nous étions peu nombreuses, c’était si difficile d’y arriver, on était si centrées sur nous-mêmes, à faire nos preuves, qu’on ne pensait pas à aider celles qui venaient après nous. Mon expérience de travail a même été parfois plus difficile avec des femmes qu’avec des hommes. Cette prise de conscience, de s’allier entre nous, est récente. Nous devons le faire, les hommes ont bien fondé des clubs, à nous de créer les nôtres.
Vous-même, n’avez jamais semblé jouer sur les codes féminins attendus…
Je n’ai jamais joué sur ces codes parce que je désirais être reconnue comme une personne avant d’être perçue comme femme. J’ai même effacé ma féminité. Elle m’a encombrée car le filtre «femme» empêchait de s’intéresser à l’individu. Je voulais forcer le monde à voir qui j’étais.
Cela vous a-t-il coûté?
Ce choix a fait qu’on a eu de moi la perception d’un garçon manqué, même si je me sens vraiment femme. Je sais que ça a désarçonné et crispé, on m’a trouvée caractérielle, mais je ne voulais pas donner dans le gracile, gentillette qui reste à sa place. J’ai avancé en guerre. Aujourd’hui, je sais que c’est le reste du monde qui est en guerre contre nous.
À propos de guerre, vous évoquez le sort des femmes afghanes…
Je pense souvent à elles, à leur souffrance. Elles sont enfermées vivantes. On imagine, parce que ça se passe loin de chez nous, que c’est un problème culturel et religieux qui ne nous concerne pas. Pourtant, ce que les talibans infligent aux femmes c’est une guerre faite à leur corps, à ce qu’elles sont dans leur essence même. Nous sommes donc toutes concernées car le mal qu’elles subissent et un mal fait à toutes les femmes.
Vous avez deux fils, quelle perception ont-ils de la femme que vous êtes?
Ils voient que je suis une femme qui n’accepte pas d’être réduite à un statut, mais je crois que pour eux je suis avant tout leur mère…
Qu’est-ce qui vous rend fière dans votre parcours professionnel?
En regardant en arrière, je me dis que j’ai fait des choses utiles. Les Maternelles traitaient de sujets sociaux et éducatifs qui répondaient à des besoins. On ouvrait la voie sur certaines thématiques et aujourd’hui le magazine «Mesdames» s’intéresse aux femmes pour leur donner une voix. Je pense travailler pour le bien de la collectivité.
Quelle femme représente un modèle pour vous?
Je pourrais vous en citer beaucoup. Des écrivains, des intellectuelles, mais pour moi, dans la culture populaire, ça reste Madonna. Sa liberté est absolue. Elle s’est affranchie de toutes les barrières, c’est une femme qui ne fait que ce qu’elle désire. Encore aujourd’hui, elle est bluffante. Cette énergie… Elle me donne l’impression d’une grande force.
Que souhaitez-vous aux femmes, en définitive?
Je souhaite que les femmes se regardent et se considèrent pour ce qu’elles sont. Qu’elles réclament sans gêne et modestie leur identité.
Maïtena Biraben, «La femme invisible», éd. Grasset

Une Légion qui n’a rien de militaire et qui en appelle au cœur
Femme orchestre. Ainsi peut-on qualifier Anne-Marie Philippe. Car la rédactrice en chef des suppléments suisses de Paris Match et Elle s’est illustrée non seulement dans le journalisme, la communication, l’hôtellerie (en 1990, elle a créé Le Petit Manoir de Morges)....

Yotam Ottolenghi, le chef conteur d’histoires s’installe à Genève
Le chef anglo-israélien nous parle des challenges de l’ouverture de son premier restaurant en dehors de Londres, de sa collaboration avec le Mandarin Oriental, de son choix pour Genève et du futur. Gérer huit restaurants à Londres, écrire et éditer une douzaine de...

Un sillage qui en dit long!
Simple fragrance ou essence révélatrice, un parfum nous enveloppe autant qu’il nous dévoile. Et vous, dans quelle team jouez-vous ? Cérébrale – L’Eau Papier Une création Diptyque qui mêle vapeur de riz, bois blonds, musc blanc et mimosa dont le nom, véritable...
