Victoires en slalom, podiums en géant, à 28 ans, Michelle Gisin est la nouvelle reine du ski suisse. Intelligente, polyglotte, pleine de charme, elle a en plus un charisme fou. Entre deux courses et un bref séjour chez son amoureux, elle s’est confiée en exclusivité à Paris Match.

Depuis huit ans en Coupe du monde, l’Obwaldienne Michelle Gisin était déjà une valeur sûre du ski suisse. A 28 ans, elle en est devenue la reine absolue en quelques jours de folie. Le 29 décembre, à Semmering, en Autriche, elle devenait la première Suissesse à remporter un slalom depuis Marlies Oester en 2002. Puis, à mi-janvier, grâce à une deuxième et une troisième place en géant à Kranjska Gora en Slovénie, elle entrait définitivement dans la légende: jamais, depuis Vreni Schneider, une skieuse n’avait comme elle réussi à monter sur le podium dans les cinq disciplines différentes. Intelligente, polyglotte (elle parle cinq langues) et dotée d’un charme fou: le ski s’est trouvé une nouvelle ambassadrice de rêve. Il lui est d’ailleurs déjà arrivé de jouer les mannequins d’un jour, de poser pour des photos de mode, juste pour le fun.

On la joint au téléphone sur la route de Montana, alors qu’elle se rend aux courses de fin janvier. Elle est de retour d’Italie où, après toute cette frénésie, elle a pu passer un peu de temps auprès de son amoureux, le géantiste Luca De Aliprandini, dans leur maison située au bord du lac de Garde, qu’ils possèdent depuis 2017. Ils forment le couple le plus glamour du ski, lui et ses airs de Tom Cruise, elle et son sourire craquant. «Oh, je suis restée à peine vingt-quatre heures avec Luca, rigole Michelle, mais ça m’a fait du bien pour recharger mes batteries. On a profité du beau temps pour aller se promener au bord du lac, rester tranquille tous les deux.» De Luca, elle en parle toujours avec beaucoup de tendresse. Quand récemment une TV lui demandait quel était son plat préféré, Michelle répondait: «Le risotto, surtout quand c’est Luca qui le fait.»

Quel a été pour elle le moment le plus fort de cette période faste, où elle a skié sur un nuage, devant une Suisse totalement sous le charme? Elle a de la peine à faire un choix. «A Semmering, j’ai gagné le slalom là où j’avais fait mes débuts en Coupe du monde voilà huit ans. C’est comme un rêve qui est devenu réalité. Je ne réalise toujours pas. Quant au géant, cela a toujours été ma discipline préférée, mon grand amour. Petite, mon idole s’appelait Soja Nef, qui dominait la discipline. Alors ces deux premiers podiums ont revêtu une importance toute particulière pour moi.»

Michelle est la cadette d’une famille de surdoués. Avant ses récents exploits, elle avait été championne olympique du combiné en 2018 à Pyeongchang en Corée du Sud. Quatre ans plus tôt, c’est Dominique, son aînée de huit ans, qui s’était emparée de l’or olympique en descente à Sotchi en Russie. Dans l’histoire du ski, les Gisin sont, avec les Françaises Marielle et Christine Goitschel dans les années 60, les deux seules sœurs à détenir chacune un titre olympique. Quant à Marc, le frère, qui a fini deux fois dans le top 5 sur la Streif à Kitzbühel, la reine des descentes, il s’est retiré l’hiver dernier, des suites d’une grave chute.

Bea et Beat, les parents, possèdent un magasin de sport, dans la station d’Engelberg. Ce sont eux qui ont transmis la passion du ski à leurs enfants. «Quand mon frère et ma sœur participaient à des courses, je pleurais de ne pas pouvoir y aller, racontait récemment Michelle . Mais, chez nous, personne n’a fait du ski en recherchant la gloire. Dans la famille, on aime le ski, c’est tout». Aux yeux de Michelle, la famille est une valeur sacrée. Comme elle nous l’explique, toujours fraîche et enjouée, sur la route de Montana. «Je suis tellement heureuse d’être née dans une famille comme cela, qui nourrit une telle passion pour le ski. Même si cet hiver ils ne peuvent pas venir assister aux courses à cause du virus, je leur téléphone tous les jours à l’un ou à l’autre. Ils m’apportent leur soutien à tous les moments. Je leur dois une très grande partie de mes succès. Sans eux, je ne serais rien. Je suis très proche de mon frère et de ma sœur. A leurs yeux, malgré tout ce qui se passe en ce moment autour de moi, je reste la petite sœur, la toute petite, c’est chou.»

Retirée du circuit depuis 2015, Dominique, l’aînée, est retournée sur les bancs d’école et a décroché un bachelor en physique à l’EPFZ. Passionnée d’aviation, elle possède aussi un brevet de pilote, sans oublier son rôle d’ambassadrice de la Croix-Rouge et ses voyages aux quatre coins du monde. Outre leurs talents skis aux pieds, les deux sœurs sont aussi charismatiques et rayonnantes l’une que l’autre. Elles ont skié ensemble pendant trois saisons en Coupe du monde. Dominique se dit bluffée par ce que réalise sa petite sœur en ce moment. «C’est tout simplement énorme, nous explique-t-elle, mais Michelle a beaucoup travaillé pour cela. Surtout que prendre part à toutes les disciplines comme elle exige une énergie folle.»

En quoi sont-elles différentes? «Par rapport à moi, Michelle a toujours été plus relax, plus libre dans sa tête. Quoiqu’il arrive, elle reste tranquille. Elle vit au jour le jour, sans trop se stresser et c’est sa grande force.» Même sentiment chez Hugues Ansermoz, l’ancien responsable de l’équipe féminine suisse, qui les a entraînées toutes les deux. «Michelle est plus joyeuse, plus extravertie, elle laisse plus aller ses skis en compétition même si elle sait être hyperconcentrée quand il le faut.» Nul mieux que lui sait à quel point l’aînée a joué un rôle important dans la carrière de Michelle, la cadette. «Dominique lui a toujours prodigué ses conseils. La veille de son triomphe en combiné à Sotchi, Michelle avait chuté dans le super-G. C’est Dominique, consultante pour la télé, qui était allée lui remonter le moral, l’avait remotivée, avec le résultat que l’on sait.»

Passionnée de lectures, curieuse de tout, Michelle Gisin tord le cou au vieux cliché du champion borné sans autre intérêt que ses résultats. Ambassadrice de l’association Protect Our Winters, qui sensibilise l’opinion aux conséquences du changement climatique, elle s’est réjouie de l’annulation l’été dernier du traditionnel camp d’entraînement en Amérique du Sud. «Je sais que les voyages font partie de la Coupe du monde. Mais j’ai conscience qu’il faut tenter de réduire nos émissions carbone, expliquait-elle récemment. Cela fait un moment que je trouve que ce stage est une folie, alors cela a été un soulagement de ne pas partir.» Si elle regrette évidemment l’absence du public cette saison, elle reste néanmoins positive, comme toujours, sa nature profonde. «A l’heure où le cinéma, les salles de concert sont fermées, le sport est le dernier divertissement que le public peut vivre en direct. On représente en ce moment une bouffée d’air frais. C’est un privilège qu’il s’agit d’honorer.» «Le Matin» écrivait à son propos, après son titre olympique de 2018: «Michelle Gisin aime les gens comme elle aime le ski.» C’est plus vrai que jamais.

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