L’ancien rédacteur en chef de La Télé, né en Afghanistan, raconte dans «Accent suisse», son parcours d’homme engagé. Et met le cap sur Berne.

Est-ce une autre manière de faire de la politique? Franche, directe, décomplexée. L’écrivain, journaliste, entrepreneur, candidat, Nasrat Latif est assurément un homme «différent». De par son parcours déjà, lui qui représente si bien cette Suisse issue d’ailleurs, mosaïque aux origines multiples. Le livre qu’il vient de publier, «Accent suisse», raconte sa naissance dans un Afghanistan envahi par les Soviétiques. Les dizaines de milliers de jeunes Européens qui fréquentaient jusqu’alors l’ancienne Route de la Soie, iront chercher l’aventure ailleurs. Le pays, peu à peu, s’enfonce dans la nuit de la guerre civile. Dans les rues, il n’y a plus d’enfants, mais des bombes. Les rafales des kalachnikovs rythment les journées des familles. Un jour, Mahmuda Latif, la mère de Nasrat, embarque ses deux fils et quitte le pays. Ce sera la frontière pakistanaise, le camp de Peshawar, puis Genève et Lausanne, comme réfugiés et apatrides. Le père est fait prisonnier au pays. Nous sommes en 1989 et le jeune Nasrat a 5 ans. Il vivra dans le quartier populaire de Champ-Fleuri à Chavannes-près-Renens et deviendra officiellement Suisse en 2001.

Lorsqu’on lui demande aujourd’hui que représente pour lui le passeport rouge à croix blanche, il répond sans hésiter: «la fierté». Une immense fierté d’appartenir au pays de Rousseau, Henri Dunant, Ramuz ou d’Ella Maillart. «Un pays qui offre des opportunités inouïes à quiconque souhaite y travailler et s’investir. Mon père était chirurgien à Kaboul. Lorsqu’il a pu nous rejoindre, à Lausanne, son diplôme n’a pas été reconnu. Il a décidé de reprendre ses études à zéro. Ce sera le gymnase, puis l’université et il exerce à nouveau aujourd’hui. Voilà ce que permet la Suisse. Vous connaissez beaucoup de pays où un paysan peut devenir président de la Confédération? Faut-il venir d’ailleurs pour aimer à ce point ce pays?»

Outre la publication de son livre, Nasrat Latif s’investit dans une campagne électorale, espérant figurer parmi les 200 députés qui siégeront au Conseil national après le 22 octobre.  «Cela fait beaucoup de premières. J’ai la tête dans le guidon, mais je suis heureux», dit-il. Pourquoi ce cap, lui qui a été tour à tour journaliste politique, rédacteur en chef à One FM et puis à La Télé et qui conduit, depuis 2016, une carrière d’indépendant, avec notamment une émission d’entretiens avec des patrons de l’économie? «J’ai beaucoup accompagné et interviewé les politiciennes et politiciens et un jour j’ai décidé de faire le pas. C’est une sorte de continuité. Je suis un fou de politique et comme journaliste, j’ai humé l’air du Palais fédéral. Après quinze ans de cet exercice, j’aimerais avoir un impact sur la société, faire le pas de la proposition!» On le compare souvent à l’ancien journaliste Fathi Derder, également aux origines étrangères et devenu parlementaire durant deux législatures. Au point que Nasrat, qui admire l’ancien député, porte parfois un pin’s, dans les soirées électorales: «je ne suis pas Fathi!»

«Je propose un autre regard, un autre parcours, puisque je suis issu de l’immigration. Je ne suis pas un secundo, mais vraiment un candidat né ailleurs et à ma connaissance, il n’y en a pas beaucoup dans cette campagne, alors que nous sommes si nombreux à faire ce pays».

En attendant, Nasrat Latif fait parler de lui. Il est le premier candidat à avoir engagé un robot conversationnel, nourri par l’intelligence artificielle pour répondre aux questions des citoyens.

Le dernier chapitre de son livre, «Accent suisse», publié aux Éditions Favre, n’a qu’une ligne. 22 octobre 2023, Élections fédérales. Jour J!

Quel que soit le résultat, dit-il, je sortirai grandi de cette expérience.

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