Au sommet du tennis mondial depuis deux décennies, avec un record de 24 sacres en Grand Chelem et une récente médaille d’or olympique, Novak Djokovic, 37 ans, n’est pas près de poser sa raquette. Rencontre à Paris.
Depuis 2021, il porte un peu de Suisse à son poignet: ambassadeur des montres Hublot, Novak Djokovic participait le
20 novembre à un gala organisé par la marque helvétique, place Vendôme, à Paris. Quelques jours avant d’annoncer l’arrivée de l’ancien numéro un mondial Andy Murray dans son équipe en tant qu’entraîneur, le champion serbe y dévoilait un garde-temps inédit à son nom. Et à son image : le boîtier de cette édition limitée a été réalisé avec ses propres maillots et raquettes recyclés et le design est « inspiré de la force et de la détermination » qui le caractérisent depuis qu’il a découvert le tennis, à 4 ans.
Né à Belgrade en 1987, Novak Djokovic affiche à l’âge de 7 ans déjà son ambition de devenir numéro un mondial lors d’une émission télévisée. Un rêve qu’il vivra pendant un record de huit années cumulées, entre 2011 et 2023. Mais sa réussite se forge dans l’adversité: son enfance est marquée par la guerre des Balkans et les sacrifices de ses parents pour l’aider à atteindre son but. Cette résilience, le tennisman l’a également transformée en moteur de son engagement pour la jeunesse dans son pays natal, qu’il soutient depuis 2007 à travers la Fondation Novak Djokovic, cofondée avec sa femme Jelena, mère de ses enfants de 7 et 10 ans.
Recordman des victoires du Grand Chelem, avec 24 titres à son actif, et médaillé d’or olympique, Novak Djokovic, élégamment vêtu d’un col roulé noir et pantalon assorti, a profité de l’événement parisien pour partager avec Paris Match Suisse, lors d’un bref entretien, sa vision de la force mentale et sa passion pour un mode de vie sain, aussi essentiels à ses succès selon lui que sa technique et sa puissance physique.
D’où vous vient cette force mentale que vous avez démontrée tant de fois sur le court ?
C’est un domaine qui me passionne et dont j’adore parler! Qu’il s’agisse de psychologie, de santé ou de performances, je m’interroge souvent sur la manière dont on peut exploiter pleinement notre potentiel, que ce soit au travail ou dans la sphère privée. Comment être la meilleure version de soi-même dans tous les domaines ? Je pense que la force mentale s’accompagne d’une grande faiblesse mentale. L’une ne va pas sans l’autre. Ce que je veux dire, c’est que pour pouvoir exploiter pleinement son potentiel, sa capacité à être fort, à être courageux et à réussir, il faut savoir accepter sa vulnérabilité, ses faiblesses et ses défauts.
Vous y êtes parvenu ?
Pour moi, cela a été un cheminement. Durant la première partie de ma vie, je n’étais pas capable de le faire. J’étais très fermé. Je ne savais pas comment exprimer mes émotions, sauf sur le court, où, au début, j’étais très agité et je laissais exploser mes émotions (Rires). J’ai appris à gérer cela. Même si ça m’arrive encore, mais moins souvent, parce que le court déclenche en quelque sorte en moi toutes les émotions que je réprime. C’est un long processus pour comprendre tout le spectre de ce que nous sommes. On ne peut pas toujours être parfait, fort, positif, souriant. Nous passons tous par de très mauvais moments, mais cela fait partie de notre identité. Et je pense que l’accepter est une étape essentielle pour devenir plus fort mentalement.
Quelle place laissez-vous à cette vulnérabilité sur le court ?
Beaucoup de gens pensent que le professionnel, c’est le professionnel, et le privé, c’est le privé, et qu’il faut créer une séparation claire entre les deux. C’est un débat que je trouve intéressant parce que, dans une certaine mesure, je comprends qu’il doit y avoir une séparation et qu’on ne veut pas tout mélanger. Mais pour moi, cette séparation ne peut pas être totale: vos émotions, votre cœur, ce que vous êtes au plus profond de vous-même sont toujours présents. Nous sommes tous mentalement et émotionnellement très éprouvés lorsque quelque chose arrive à notre famille, à nos proches.
Dans de tels cas, comment gérez-vous vos émotions lors d’un match ?
C’est difficile parce que lorsque vous êtes triste, contrarié ou en colère, vous ne pouvez pas penser clairement. Je ne parle pas que des sportifs professionnels. Je suis certain que c’est pareil pour les personnes qui travaillent dans un bureau ou autre. Parce que nous sommes une seule et même personne, que l’on soit à la maison ou au travail. Si quelque chose me perturbe, je le porte avec moi sur le court, et cela m’affecte, parfois plus, parfois moins. Donc, je pense que pour gérer cela, il est important d’adopter une approche holistique et de reconnaître qu’on est humain, qu’on fait des erreurs, qu’il faut aller de l’avant, se pardonner, s’aimer et essayer de faire de son mieux dans tous les domaines possibles.
Quel a été le moment le plus difficile de votre vie ?
Quand mon grand-père, dont j’étais très proche, est décédé, en 2012. Cela a également été l’un des moments les plus difficiles, émotionnellement parlant, que j’ai vécus sur un court de tennis. J’étais à Monte-Carlo en train de me préparer pour un match. Les personnes autour de moi étaient au courant, mais pas moi. Puis mon entraîneur est venu me voir sur le court et m’a annoncé la nouvelle. J’ai fondu en larmes. Je ne savais pas si je voulais vraiment jouer deux heures plus tard. Et pourtant, je l’ai fait. J’ai fini par remporter ce match et j’ai même atteint la finale. J’avais pourtant l’impression de ne pas être vraiment dans le tournoi. Mentalement et émotionnellement, je n’étais pas là, j’étais avec mon grand-père. Mais j’ai senti qu’il me guidait et j’ai éprouvé le besoin ou la responsabilité de jouer pour lui. Cela faisait partie de notre lien fort. Perdre quelqu’un d’aussi proche, c’est vraiment dur. Encore aujourd’hui, rien que d’en parler, j’ai l’impression que je vais pleurer.
Quels sont les conseils ou valeurs essentiels que vos parents vous ont transmis et que vous souhaitez transmettre à vos enfants ?
Pour mon père, je dirais que c’est sa persévérance, sa volonté de ne jamais abandonner et sa loyauté. Il a une approche de la vie incroyablement déterminée et combative et cela m’a beaucoup marqué. Il avait déjà une confiance et une foi immenses en mes capacités quand j’étais très jeune. Il était vraiment convaincu que je pouvais devenir le meilleur joueur de tennis au monde. Souvent, il croyait plus que moi en moi. Je lui suis extrêmement reconnaissant pour cette incroyable force motrice qu’il m’a apportée et pour son soutien inconditionnel. J’aimerais inculquer cela à mes enfants: qu’en étant déterminé et en croyant en soi – et il faut toujours croire en soi – tout est possible dans la vie. Il n’y a pas de limites.
Et votre mère ?
Ma mère, c’est la sérénité, la sagesse, la stabilité, l’amour et l’attention inconditionnels. Elle est incroyable. J’ai deux frères cadets, donc à la maison elle devait cohabiter avec quatre hommes. Elle s’est occupée de nous tous dans un espace de vie très restreint pendant de nombreuses années, dans des périodes très difficiles: l’adversité, les guerres, des moments très éprouvants pour ma famille et mes proches. Sa force et sa résilience ont permis à chacun d’entre nous d’être là où nous sommes aujourd’hui. Elles m’ont permis de réaliser mes rêves. C’est quelque chose que j’essaie évidemment aussi de transmettre à mes enfants.
Quel genre de parent êtes-vous ?
J’apprends constamment comment être un meilleur parent! Il n’y a pas de manuel pour cela, on apprend au fur et à mesure. On apprend aussi évidemment de nos propres parents, de leurs parents et des gens qui nous entourent. Mais je pense qu’en fin de compte, c’est l’amour et l’attention que vous portez à vos enfants qui comptent. Ce lien émotionnel est quelque chose de naturel qui devrait toujours être présent, indépendamment de tout ce qui se passe autour de vous.
En dehors des tournois, à quoi ressemble une journée type dans votre vie ?
Quand je n’ai pas de compétition ou d’entraînement, je passe la plupart de mon temps avec mes enfants et ma femme. J’aime aussi consacrer deux heures dans la journée à ma routine de bien-être et de soin. Pendant ces moments pour moi, je fais des exercices physiques ou un travail spirituel comme la prière ou la méditation. Je le fais de préférence en extérieur, que ce soit dans un parc, en marchant dans la nature, au bord de la mer ou à la montagne. Mais il m’arrive de devoir sauter cette routine parce que je suis trop occupé par mes activités et ma famille.
Vos activités d’entrepreneur ?
Oui, j’aime également être très productif dans ma carrière d’entrepreneur. Je travaille sur mes divers projets en cours (il a notamment investi dans l’entreprise autrichienne Waterdrop, cofondé la biotech QuantBioRes et a créé récemment la marque de bien-être Sila, ndlr) et sur d’autres que nous nous préparons à lancer prochainement.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ces futurs projets ?
Je n’aime pas vraiment annoncer des choses tant que je ne suis pas sûr à 100% de leur date de sortie… Ce que je peux dire, c’est que c’est excitant, car il s’agira également de projets touchant au domaine de la performance, mentale ou physique. Toutes mes activités sont en lien avec ma passion pour la performance, que cela relève de l’entraînement, de la nutrition, de l’hydratation, de la récupération ou des technologies médicales, des biotechnologies. Il s’agit essentiellement des domaines liés à des êtres humains plus sains, à une planète plus saine, à une vie plus saine pour chacun d’entre nous. C’est vraiment ce qui m’intéresse le plus et c’est aussi l’héritage que j’aimerais laisser derrière moi.
Où vous voyez-vous dans cinq ans, dix ans ?
Pourquoi pas sur le court? Toujours en train de jouer au tennis? (Rires). Je ne sais pas… Je n’ai pas vraiment mis de limite à ma carrière de tennisman professionnel. Je pense que tant que je me sentirai capable d’être fort et de concourir au plus haut niveau, je continuerai à jouer. Bien sûr, pour cela, j’aurai aussi besoin du soutien des personnes les plus proches dans ma vie. Et d’une volonté et d’une motivation intactes. J’ai le sentiment que le tennis m’offre une plateforme incroyable, non seulement pour entrer dans l’histoire d’un sport qui me tient à cœur, mais aussi pour communiquer sur mes passions et sur des choses importantes d’un point de vue social.
Comme votre travail avec la Fondation Novak Djokovic ?
Oui, mon engagement humanitaire auprès des enfants est très important pour moi. Mais je parlais aussi du tennis et des améliorations qui y sont liées. J’ai cofondé l’Association des joueurs professionnels de tennis (PPTA) qui défend les droits des joueurs, un engagement qui me tient particulièrement à cœur. J’espère qu’en poursuivant ma carrière, je pourrai continuer à avoir un impact positif sur ce sport, à inspirer davantage de personnes à s’y intéresser, à regarder et à pratiquer le tennis. C’est une source de motivation immense pour moi. Tout comme le sont mes autres activités. Sans oublier la chose la plus motivante: voir mes enfants grandir, s’épanouir et devenir des êtres humains heureux, forts et en bonne santé.
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