Un homme étonnant, intéressant. Il affiche un look particulier. Ses cheveux longs tombant sur les épaules lui donnent une allure décontractée, quelque peu seigneuriale. Tout colle au décor.

 

Son appartement, qu’il ouvre pour la première fois et dont Paris Match a la primeur, se situe au premier étage d’un hôtel particulier qui date du XVIIIe siècle, avec sa cour pavée et ses escaliers majestueux au cœur de la vieille ville de Neuchâtel. Son salon, aux plafonds très hauts et aux parquets de châteaux, donne directement sur le lac. Les livres, bien évidemment, font partie intégrante de ce décor au panache très parisien.

L’éditeur et libraire, comme il se plaît à se nommer, a créé une bibliothèque sur mesure pour y ranger ses nombreux ouvrages.

Pascal Vandenberghe vient de sortir un recueil «Cannibale lecteur, chroniques littéraires et perles de culture» aux Editions Favre. Loin de lui l’idée de parler des livres à la mode. Cela ne l’intéresse pas! Il laisse vagabonder sa plume pour disséquer des auteurs qui se contentent de promener «leur âme au milieu des chefs-d’œuvre», comme disait Jaurès. Nous y avons plongé; captivés et interpellés avec une seule grande hâte, y regoûter.

«Non, je ne parlerai pas de ma vie privée.» Nous voilà prévenus mais pas dissuadés. Mais au fait, pourquoi donc? Tout de notre vie a quelque chose de privé. Imagine-t-on mener une entreprise sans que nos émotions, nos ressentis prennent sans contexte le dessus?

Peut-être parce que l’homme a plusieurs vies avec une soif insolente de vivre! Pascal a quatre enfants adultes et un adolescent dont il prend soin de s’occuper souvent. Avec deux mariages à son actif, une vie professionnelle intense, il fêtera cette année en novembre ses 60 ans. Apaisé, aujourd’hui l’homme partage sa vie avec Eléona depuis plus de sept ans sans pour cela partager son appartement. N’est-ce pas le bon équilibre pour cet homme qui aime autant la solitude que le partage à deux?

Sa liberté dont il est fort amoureux, il l’épousera très vite. A 15 ans, il quitte la maison familiale de Baume-les-Dames en France. «Je devais me sauver. C’était vital, je m’asphyxiais.» Rien ne fait peur à ce jeune homme qui s’adapte à tout. Il est loin d’avoir froid aux yeux! Petits boulots, grand voyage au Brésil, trois ans en Allemagne où il passera ses soirées à dévorer des livres, plus de six heures d’affilée. Si la journée il endosse la salopette d’ouvrier, la nuit il nourrit son esprit, loin des marteaux-piqueurs. Il passera comme chat sur braises, d’ajusteur mécanique au métier de libraire, qu’il apprend sur le tas.

C’est une femme, Christine Jamar, responsable de la librairie de la FNAC à Metz qui lui donnera sa chance. Elle voit, bien avant lui, ce qu’il peut devenir. C’était en 1983. Et durant onze ans, il enchaînera les expériences FNAC que ce soit à Rennes, Colmar, Toulon ou Lille.

Puis ce sont dix années à Paris: après un passage de deux ans aux Editions Complexe, il rejoindra France Loisirs puis les Editions La Découverte.

C’est en 2004 que l’aventure Payot démarre. «Je tournais en rond dans ma maison d’édition parisienne. J’appelle Claude, un ami qui n’est autre que le directeur général chez Payot et je lui dis, un brin provocateur, c’est pour un sondage. Si je t’annonce: je suis prêt à reprendre ton job, tu éclates de rire, tu pleures ou tu dis fonce? Inutile de préciser ce qu’il m’a répondu.»

Et il ne lui faudra que dix ans pour négocier l’entreprise Payot au Groupe Lagardère Services. «Je n’ai pas racheté Payot par ambition mais parce que je ne voulais pas qu’il tombe entre les mains d’un grand groupe.»

Au cours de notre interview, il revient sur un credo qui lui est cher: honneur et courage. Deux qualités qui pourraient être démodées et pourtant si essentielles à ses yeux.

Et si maintenant, on parlait d’amour? «Oui, l’amour occupe une place importante dans ma vie. Il m’est arrivé de vivre seul mais le plus souvent en couple et ce, depuis l’âge de 16 ans et demi. La fidélité? Il faut d’abord être fidèle à soi-même, à ses valeurs. Elle s’applique aussi bien à l’amour, qu’à l’amitié, qu’au professionnel. C’est une valeur plus large.»

On s’est posé la question si cet homme profondément en phase avec son esprit aime son physique? «Il y a trop longtemps que je sors avec moi-même. Je me satisfais de ce que je suis. On s’accommode de tout. Evidemment que j’accepte de vieillir, si mon corps ne me lâche pas et que je ne décline pas intellectuellement. Finalement seul l’humour sauvera le monde, rien d’autre!» lâche-t-il, pour en finir, philosophe.

Pascal Vandenberghe adore faire à manger. «J’invite souvent mes amis à dîner à la maison. J’aime les bonnes choses, je collectionne les adresses gourmandes. J’ai un faible pour le carpaccio de Saint-Jacques. Je mange peu de viande.»

Cet homme qui clame à qui veut l’entendre «No sport» comme Churchill, a la chance de rester en forme et mince.  

Dans la vie en général, il se dit déstabilisé par les choses dont il n’a pas la main. Les difficultés, en revanche, il n’en a que faire «Les montagnes, ça se dépasse ou ça se contourne. Tout est surmontable», prône-t-il avec force.

Et l’argent? «L’argent fait des ravages! C’est pour moi un moyen mais en aucun cas un but. L’important est que j’ai de quoi vivre et que je puisse entreprendre quelques voyages. Je ne vais pas au bout du monde. La plupart du temps, je reste en Europe. Je me laisse tenter par quelques œuvres d’art aussi mais ça reste dans le domaine du raisonnable.»

Pourtant raisonnable est le seul qualificatif bien éloigné de l’homme!

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