Crista Dubois est une belle personne, au sens propre et figuré. Durant quelques années, elle a été la petite amie de Patrick Juvet, au début de son succès. Elle se souvient. Un beau roman, une belle histoire…

Crista prône le développement d’un amour profond pour soi et pour le monde. Un choix qu’il faut faire, selon elle. «L’amour ouvre le chakra du cœur qui est le siège de la joie, de la compassion et de l’estime pour soi.» Professeure de yoga à Genève, ancien mannequin, auteure du livre «Aimer pour s’aimer» aux Editions Favre, Crista porte Patrick Juvet dans son cœur à tout jamais. Elle s’exprime sur son homosexualité sous-jacente, sur sa noblesse, sa fragilité. Elle revient avec tendresse sur sa vie à Paris avec lui. Crista se replonge dans cette époque plus douce, plus insouciante… les filles avec des pantalons pattes d’éléphant, des bandeaux dans les cheveux, des faux cils extravagants. Un retour en arrière où la nostalgie joue le premier rôle.

Paris Match Suisse. Crista, vous souvenez-vous de votre première rencontre avec Patrick Juvet?

     Crista Dubois. Oui. J’avais 17 ans et demi. Et lui devait en avoir 23. Notre première rencontre a eu lieu devant la porte d’un joli endroit «Le Casino» à Montreux, une boîte de nuit toute blanche, à la mode. J’attendais à l’extérieur et Patrick m’a fait rentrer. Ce n’était pas encore une vedette, mais il en avait déjà l’allure et la prestance.

Il raconte dans une émission TV, avoir dû lutter pour vous conquérir, il y avait beaucoup de prétendants…

     C.D. Nous sommes restés amis au moins durant plus d’un an. Notre complicité s’est construite pas à pas. Patrick avait cette belle noblesse liée à la gentillesse. Je craque pour les êtres délicats et bons. Les années 70 étaient empreintes de légèreté et d’insouciance. On sortait beaucoup mais pas toute la nuit. On privilégiait les dimanches après-midi et les balades sur le lac. Patrick m’amenait déjeuner chez ses parents. J’adorais ces moments. Des gens d’une telle simplicité, remplis d’amour. Comme mes parents! 

Vous parlez beaucoup de gentillesse, ce n’est pas la caractéristique première du bouillonnant Bernard Nicod dont vous avez ensuite partagé la vie…

     C.D. Détrompez-vous, Bernard, derrière ses grands mots, est aussi un gentil. Il a juste été terriblement abîmé par la vie. Je le défendrai toujours!

Pourquoi n’avoir jamais parlé de cette belle histoire d’amour avec Patrick Juvet?

     C.D. J’ai une certaine pudeur qui m’interdit de parler de ma vie. Et pour tout vous avouer, j’ai toujours aimé la discrétion. Patrick s’exprimait pour moi, il était plus expansif. C’était sa façon d’être.

Qu’est-ce qui vous a séduit en lui?

     C.D. Malgré son infinie délicatesse, Patrick était un être libre!  Il s’habillait comme il voulait, se maquillait à sa guise. Mais cela sans aucune agressivité. On se retrouvait sur ce point, car moi aussi j’étais libre, je customisais comme lui mes vêtements. Nous étions tous les deux attirés par la mode.

Comment a basculé l’amitié en amour?

     C.D. C’était une évidence. Est-ce qu’à l’époque son penchant pour les garçons était déjà déclaré? Je ne le sais pas.  

Qui a fait le premier pas?

     C.D. Lui. J’étais horriblement timide. Il me prenait toujours la main. On ne faisait pas un pas sans que ma main soit dans la sienne. Ce symbole m’a toujours fascinée. C’était si merveilleux. Patrick n’a rien bousculé. Il a attendu pour m’embrasser. J’ai eu tellement de chance de vivre cette belle histoire avec lui!

Parlez-nous d’une anecdote amusante qui vous reviendrait en tête…

     C.D. J’ai vécu avec lui à Paris. L’époque où il commençait à devenir célèbre. Nous étions invités dans un restaurant huppé, à la mode avec des gens du show-business et quelques journalistes. Patrick était à ma droite et à ma gauche, un homme homosexuel. Il s’est exclamé au cours du repas: «Je comprends Patrick! Si vous vous séparez, je me convertirai bien!»

Vous viviez donc avec lui à Paris…

     C.D. Oui et Paris a été une merveilleuse découverte! Paris me fascine. Je suis toujours folle amoureuse de cette ville. Durant notre vie commune, Patrick était extrêmement protecteur. Il ne me laissait jamais seule livrée à moi-même. Nous sortions beaucoup et il me tenait toujours par la main. Je sentais sa douce protection. A cette époque, il a enregistré la chanson: «Cette fille qui venait du froid». Je suis en photo avec lui sur la pochette du disque.

Dans les années 70-80, c’était courageux d’assumer le fait d’être bisexuel…

     C.D. Lorsque je fréquentais Patrick, ce n’était pas d’actualité. Peut-être était-ce sous-jacent. Mais je doute qu’il soit passé à l’acte. Bien sûr, on n’est jamais sûr de rien. Et je ne l’avais pas intégré. En revanche, je peux affirmer que Patrick s’investissait complètement dans l’histoire qu’il vivait. Quoi qu’il en soit, durant ces deux ans où nous avons vécu ensemble, je n’ai rien ressenti, je ne pouvais l’imaginer.

Pensez-vous comme lui que l’on aime un être, une âme, sans différentiation de sexe…

     C.D. Depuis la nuit des temps, la seule et véritable quête de l’humain est l’amour. Alors, tomber amoureux d’une âme? Oui, bien sûr et les artistes sont d’autant plus sensibles à cela. Je m’insurge contre le fait qu’on condamne des homosexuels et qu’on porte aux nues des gens qui font la guerre.

Si vous deviez décrire Patrick, quels seraient les termes que vous choisiriez?

     C.D. Patrick était un très grand artiste, immergé dans sa musique, volontaire, fragile et gentil. Un petit prince arrivé sur terre pour nous offrir son talent. Ces princes savent qu’ils vont souffrir. Je pense à Greta Thunberg, la petite Suédoise. Elle est habitée comme Patrick. Ces êtres me touchent. Patrick était pénétré par ses notes. Dès qu’il voyait un piano, il ne pouvait s’empêcher de jouer. Pour nous.

Votre histoire, comme un beau morceau de musique, a eu un début et une fin, comment s’est passée la rupture?

     C.D. Patrick commençait à avoir beaucoup de succès et de mon côté je devais penser à gagner ma vie. Il était généreux mais je tenais à être indépendante. Dans la vie, on ne sait jamais ce qui peut arriver. La séparation s’est faite en douceur comme notre rencontre. Patrick était pris corps et âme par son talent. Je savais qu’on n’aurait pas pu se marier et avoir des enfants (même si je n’en ai pas eu). Mon père est mort à ce moment, je devais, de toute façon, rentrer en Suisse. Il m’a accompagnée à la gare, j’ai eu des larmes. Je pense que lui aussi.

Avez-vous ressenti de l’amertume, de la tristesse ou juste une grande tendresse…

     C.D. Je suis incapable de ressentir de l’amertume!  En revanche, nous avons mis plusieurs années à reprendre contact. Quelle que soit la fin d’une histoire, il faut digérer la rupture. C’est trop facile de dire: «On va rester copains.»

Quelle relation avez-vous gardée avec lui au cours des années?

     C.D. Durant des années, Patrick a continué à m’appeler. Et il y a une dizaine d’années, Isabelle Giordano, une journaliste de télévision qui recherchait les stars, «Que sont-elles devenues?» m’a fait revenir à Paris pour le tournage de l’émission. J’ai retrouvé sa maman et sa sœur. J’étais assise à côté de Patrick et nos mains se sont emboîtées naturellement l’une dans l’autre. La journaliste s’en est amusée et nous a lancé: «On va éteindre les projecteurs et les laisser seuls.»

Avez-vous senti sa descente aux enfers, ses excès de chirurgie esthétique…

     C.D. J’ai du respect pour les gens qui font le pas de la chirurgie esthétique, ce n’est pas un geste anodin! Cette recherche de transformation est le signal de beaucoup de chagrin. Et ce chagrin, Patrick le portait dans son cœur!

Comment avez-vous vécu sa disparition?

     C.D. Son âme est libre et, par des prières et des méditations, je l’accompagne chaque jour dans son voyage. Je le remercie de m’avoir permis de vivre cette belle histoire. Je lui ai ouvert mon cœur et lui y ai déposé ses notes de musique intemporelles et si belles….

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