Aujourd’hui célèbre, le professeur Didier Pittet, le promoteur du gel hydroalcoolique, honoré et reconnu pour ses nombreux projets de recherche liés à la sécurité des soins à travers le monde, reste ouvert, sympathique et d’une grande simplicité. Il répond à notre sollicitation alors qu’il rentre de quelques jours de vacances. Une pause très courte mais fort dépaysante, en Grèce.

A quoi doit-il cet aspect de sa personnalité si peu «je m’y crois? «J’ai été élevé dans un milieu où on apprend la valeur des choses. Cela vous incite à rester modeste. Et si le succès intervient dans son domaine de prédilection, tant mieux. Quelquefois on peut travailler dans l’ombre des années puis, tout d’un coup, le projecteur se fixe sur soi. Un concours de circonstances?  Nous sommes en plein Covid-19. Pourtant, il y a 25 ans que j’œuvre pour l’observation de l’hygiène des mains. Le gel hydroalcoolique, c’est le résultat d’une recette simple qui peut aussi bien s’adapter aux pays dotés que ceux en voie de développement.»

LE GOÛT DE LA TERRE ET DE LA FAMILLE

Pourtant, l’attrait essentiel de la vie pour ce spécialiste de stratégies novatrices prodiguées aux patients pour favoriser l’hygiène, reste sa famille, ses amis et la nature! «Mon père était électricien mais aussi paysan. Il m’a donné le goût de la terre. Je cultive mon potager tous les matins. C’est une petite parenthèse de bonheur qui vous ancre dans la réalité.»

Cet ancrage, il le doit aussi à sa famille dont il est fier. Père de 6 enfants et de 3 petits-enfants, il s’enthousiasme: «Ma famille me tient à cœur. La chose qui m’émeut le plus. C’est magnifique de voir ses enfants grandir, de les sentir heureux dans la vie. Je suis touché par le fait qu’ils reproduisent certaines valeurs sans qu’elles aient été jamais imposées. Dernièrement, j’ai eu la surprise et le bonheur de constater qu’en matière d’éducation, mon fils et sa femme agissaient à l’identique!»

Ce sportif aime la marche en montagne. «Cela m’aide à stimuler mon énergie. On dit que je suis un malade de travail mais quand le travail devient plaisir, puis mission et passion et qu’on ne fait plus la différence entre les trois, peut-on l’appeler encore travail?»

Le célèbre scientifique (même s’il pense qu’on devrait plutôt poser la question à son épouse) se décrit comme un pragmatique, volontaire, têtu peut-être. «C’est vrai que je ne lâche jamais, surtout si je suis convaincu que c’est pour la bonne cause.» Il avoue être généreux, trop, selon certains. «Je n’hésite pas à donner de mon temps.» Il se reproche, cependant, globalement, de ne pas s’attribuer plus de temps, fondamental et personnel.

SA RENCONTRE AVEC LE PRÉSIDENT MACRON

Didier Pittet nous raconte sa rencontre avec le président Emmanuel Macron. «Je suis allé à Paris recevoir de ses mains ma lettre de mission. Nous étions très peu dans le salon de l’Elysée, autour du président: Olivier Véran, le ministre de la Santé, et trois autres personnes.» 

Ce que j’ai pensé du président: «Formidable! L’ambassadeur de France aux Nations Unies m’avait conseillé de prendre mon pyjama. La réunion avait lieu dans l’après-midi. Si le président a du retard, il est possible que vous ne puissiez prendre votre train de retour, m’a-t-il prévenu. Je suis donc parti dans cet esprit. Le président Emmanuel Macron est arrivé avec seulement quelques minutes de retard. Il s’est montré, d’emblée, extrêmement cordial. Il a l’esprit rapide sans pourtant jouer de précipitation. Son intelligence de fonctionnement est indéniable. Nous avons eu la possibilité de poser des questions, ce que j’ai fait. En résumé, je me suis retrouvé face à un homme simple et cordial, parfaitement à son affaire, qui connaissait parfaitement les objectifs de la mission. Il n’a eu besoin d’aucune note. A dire vrai, il l’avait lui-même élaboré dans ses grandes lignes.» Le professeur Didier Pittet ne pense pas que le président français l’ait choisi parce qu’il était le généreux promoteur du gel hydroalcoolique. Cette seule paternité n’aurait pas suffi. «C’est principalement mes missions multidisciplinaires dans la lutte contre cette pandémie et, à la clé, la comparaison avec d’autres pays. Je suis très habitué à l’international. Et peut-être aussi le fait que je sois Suisse, donc neutre, et francophone. Le président a beaucoup insisté sur l’indépendance de la mission. Il est revenu dessus à plusieurs reprises. Cette mission sur l’évaluation de la gestion de crise du Covid-19 sera la contribution de la France aux efforts demandés à tous les pays du monde par l’Organisation Mondiale de la Santé de s’y prêter aussi le plus honnêtement possible.»

UNE MISSION RISQUÉE ?

Et si le rapport s’avérait lourd de manquements? «C’est un rapport scientifique qui s’attarde uniquement sur les faits. Il a pour but de s’avérer le plus utile possible et permettre de prendre les positions différentes et adaptées en cas d’une deuxième vague, ainsi que d’autres situations similaires potentielles dans le futur. D’une façon honnête et transparente. Emmanuel Macron et son gouvernement se sont déjà positionnés. Il y a eu aussi une question de timing. L’Italie n’a pas eu de chance, le Covid-19 les a pris de vitesse. Les Etats-Unis, quant à eux, ont pris les mauvaises décisions politiques alors qu’ils avaient le temps et les moyens de s’y préparer. Ils s’en sortent fort mal.»

DEUX PERSONNALITÉS À PARIS

A Paris comme Darius Rochebin? «C’est très bien pour Darius. A Paris son terrain est plus vaste. Il connaît les aspects culturels, la littérature française et les personnalités de ce pays. C’est une étape évidente de sa carrière.» Le professeur Pittet, lui aussi, sera souvent à Paris. Au moins deux jours par semaine. «La plupart des réunions concernant les objectifs sur les analyses de chiffres se passent par visioconférences mais les entretiens avec certaines personnes ou des membres du gouvernement ont lieu dans un salon à l’Elysée.» Si toutes nos personnalités filent à Paris, on devra diffuser d’autres «avis de recherche»!

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