Retiré des ambassades et de la politique active, Raymond Loretan exerce désormais ses talents fédérateurs dans des secteurs aussi divers que le médical et l’horlogerie. Homme de projets et de situations complexes, il affectionne réconcilier les points de vue antagonistes.

 

«Pourquoi cherchez-vous à me rencontrer?» En fin diplomate, Raymond Loretan aime savoir où il met les pieds. Il faut dire qu’avec autant de casquettes tout au long de son parcours, les sujets à évoquer ne manquent pas. Juriste et diplomate de formation, entre autres ambassadeur à Singapour et à New York, vice-président du board du groupe AEVIS Victoria, président de la SSR, et depuis l’an dernier à la tête du Grand Prix d’horlogerie de Genève, son éclectisme interroge sur le fil rouge d’une carrière menée sur tous les fronts.

 Défis à dimension politique

 Il réfléchit un moment. «Dans toutes les missions que j’ai acceptées, il y a une dimension de service public.» Et d’évoquer sa responsabilité à la tête de Swiss Medical Network: «C’est le type d’activités qui, même privées, impose de composer avec le politique. Il faut d’ailleurs cesser d’opposer le public au privé dans le médical et transformer un cercle vicieux en cercle vertueux où tous les acteurs tendent vers un même objectif: gérer au mieux le capital santé de chacun tout en maîtrisant les coûts.»

 Cette capacité à fédérer et concilier des intérêts divergents l’a conduit l’an passé, à 63 ans, à la tête du Grand Prix d’horlogerie de Genève, dans un secteur où certains modèles de promotion tel Baselworld sont remis en cause: «Tous les acteurs doivent se fédérer, dans cet esprit nous avons proposé que les deux grands salons suisses décernent un prix en commun.» Avec l’ambition de renforcer la dimension internationale du Grand Prix, il envisage la création d’une académie avec un réseau de 300 à 400 élus dans le monde, en charge chaque année de nominer les montres lauréates.

 Forgé par la diplomatie

 Expérience déterminante de sa carrière, sa «formation diplomatique accélérée» comme secrétaire particulier du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Edouard Brunner en 1983: «J’ai appris sur le vif  à me plonger dans des situations difficiles et à en sortir le meilleur»; comme à la SSR que Raymond Loretan dirige dès 2012. La votation populaire sur le nouveau mode de financement gagnée en 2015, il démissionne, convaincu qu’«une réforme profonde ne peut se faire que sous la pression politique externe.»

 De la diplomatie restera une méthode, toujours appliquée: «Maintenir ouverts les canaux de communication, même occultes, et rester en toutes circonstances un interlocuteur valable. Le réseau se construit intuitivement, sans savoir à l’avance si un contact sera utile un jour. Il faut avant tout s’intéresser aux gens. La vie fait le reste.» Et de paraphraser Saint-Exupéry: «L’avenir, il ne faut pas le prévoir, il faut le permettre.»

 La diplomatie n’exclut pas l’engagement. Raymond Loretan n’hésite pas à réaffirmer sa conviction européenne, à l’encontre du positionnement actuel de son parti le PDC, dont il fut secrétaire général pendant cinq ans: «La démocratie chrétienne est à l’origine du projet européen, il faut le nourrir, surtout en période de flottement. Soutenir un accord institutionnel avec l’Union européenne, c’est dans notre intérêt mais aussi une pierre à l’édifice européen. Et même si cela ne plaît pas à l’aile conservatrice, surtout en période électorale, il faut rester fidèle aux valeurs chrétiennes d’ouverture. C’est dans l’adversité que l’on reconnaît ses vrais amis.»

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