Elle avait initialement entrepris l’écriture d’un livre, mais le destin en décide autrement, offrant par le hasard des rencontres l’opportunité d’écrire une bande dessinée. Elle plonge alors dans cet univers, se documente et découvre une forme plus légère de se raconter. Les émotions transmises à travers les dessins de son illustratrice résonnent en profondeur et donnent un sens à tout ce qu’elle a vécu. Un an plus tard, son incroyable histoire de résilience et d’espoir prend forme. Ainsi, la boucle se referme et laisse place à un nouveau chapitre de sa vie avec un nouvel album et un documentaire en préparation.

Pourriez-vous nous décrire le processus d’écriture de votre bande dessinée interactive «Face au vent»?

J’ai été touchée par de nombreux messages bienveillants et un soutien incroyable de la part de nombreuses personnes, ce qui m’a inspirée à raconter mon histoire. J’ai ressenti le besoin de partager mon parcours non seulement pendant mes traitements, mais aussi après ma reconstruction. Dans la bande dessinée, je raconte toute l’histoire de la création de cet album, où j’ai inclus des QR Codes renvoyant aux morceaux de mon album de musique «The Awakening» et en bonus une initiation de méditation avec ma voix. L’idée était d’envoyer de la force et de partager mon expérience pour aider les personnes pendant qu’elles traversent leurs propres épreuves. Par exemple, avec la chanson «Fearless», on peut voir une vidéo de moi au piano en train de la coécrire avec mon frère. C’est une expérience interactive qui me permet de transmettre des messages positifs et à éclairer le chemin de ceux qui en ont besoin.

En tant que chanteuse et compositrice, j’avais déjà écrit plusieurs albums avant ma maladie. Pendant cette période difficile, j’ai choisi d’en composer un autre, car il était essentiel pour moi de continuer à travailler et de garder des objectifs. L’écriture de musique, le fait de me retrouver en studio, assise au piano, m’offrait une échappatoire précieuse. Cela me permettait de mettre de côté les pensées liées au traitement, de vider mon esprit, cela me faisait un bien fou. D’une part, la musique est ma passion, mais elle représente également une source de nourriture spirituelle. Malgré la fatigue qui découlait souvent d’une journée à l’hôpital suivie d’une séance en studio, je savais que cette démarche était essentielle. Sans elle, j’aurais pu me laisser absorber complètement par la maladie du matin au soir. Écrire sur ma maladie était d’une grande importance, car cet album est une véritable ode à la vie.

Comment vous êtes-vous rendu compte que vous aviez un cancer?

Par un pur hasard. Alors que je buvais une tasse de thé, j’ai malencontreusement renversé une partie sur moi, notamment sur ma poitrine. Et j’ai remarqué une petite bosse. Instinctivement, j’ai pris contact avec mon gynécologue, qui, m’a prescrit une mammographie. Pour obtenir un rendez-vous rapide, j’ai dû insister. Ce geste, que je n’aurais jamais pensé aussi crucial à l’époque, s’est avéré être la décision la plus importante de ma vie. Si j’avais attendu encore deux mois de plus, je ne serais probablement pas là aujourd’hui. Les résultats ont révélé que j’avais un cancer du sein triple négatif.

Comment on réagit vos proches à l’annonce de la maladie?

L’une des choses les plus difficiles que j’ai eue à faire a été d’annoncer ma maladie à mes parents. Ce n’était pas dans l’ordre naturel des choses. J’ai même dû apprendre à me déculpabiliser à ce sujet. Ça a été un choc, une période de grande incertitude. Ils se sont sentis impuissants. Mes proches connaissaient ma sensibilité et ma fragilité, et leur inquiétude à mon égard était compréhensible. À l’époque, personne ne pouvait imaginer que je puiserais une telle force au plus profond de moi-même.

Pouvez-vous nous parler de l’importance du soutien de vos proches dans votre parcours de guérison?

Ils ont été extraordinaires. Malgré leur souffrance, ils m’ont aidé à traverser cet orage et m’ont protégé comme ils le pouvaient, juste en me donnant de l’amour. Je n’ai pas de mots assez forts pour leur dire à tous MERCI. De temps en temps, j’étais même obligé de leur dire «tranquille, tout va bien», car il était aussi important pour moi de préserver mon espace personnel.

Mon frère et ma sœur ont été des piliers pour moi, apportant une dose de légèreté et beaucoup d’humour, une arme indispensable pour garder le moral. Mon amoureux m’a soutenue en continuant à me dire que j’étais belle malgré la chute de mes cils, sourcils, cheveux, et a accepté de mettre notre vie intime en pause pendant un certain temps. Mais pendant et après ce genre d’épreuve, on vit différemment. Il a fallu nous réajuster. Mon énergie n’était plus la même. J’ai dû partir, prendre un autre envol. Il fallait que je m’éloigne, aller plus loin… Puis on a appris à se redécouvrir. Même mon chien Lennon m’a soutenu à sa façon. Quelques semaines avant que ma maladie ne soit déclarée, mon vétérinaire a remarqué qu’il souffrait d’eczéma. Il en a conclu qu’il était très stressé. En réalité, il avait senti mon cancer bien avant que nous ne le sachions. Une fois que la maladie a été détectée, Lennon s’est calmé, comme s’il avait compris que j’étais en de bonnes mains.

Qu’avez-vous appris de tout cela? À quel moment avez-vous senti l’effet de la «renaissance»?

Je l’ai senti tout au long du traitement. L’air pur, mon émerveillement devant la beauté du bord du lac, la puissance des arbres, la connexion si forte de notre planète. Je vibrais, plus vivante que jamais. Cette expérience m’a réellement enseigné une leçon précieuse, car elle m’a permis de découvrir une résilience que je ne soupçonnais pas. Si je n’avais pas traversé cette épreuve, ma vision de la vie serait probablement bien différente. Aujourd’hui, je la perçois avec davantage de sérénité. Je considère chaque jour comme une chance de vivre pleinement, sans me fixer de limites. Avant, je me sentais un peu perdu, en quête de trouver ma place dans ce monde. La maladie m’a secouée, mais d’une certaine manière, elle m’a fait du bien. Le plus compliqué pour moi pendant cette période, était la grande fatigue liée au traitement et surtout le fait de perdre beaucoup de poids, plus de 10 kilos. Je n’avais plus d’appétit. Je me disais: «Je me bats, je vais y arriver.» Je ne pouvais pas contrôler ce mal, mais j’entrais en empathie avec lui.

Mon corps recevait ce poison qui me sauvait, mais il était difficile pour moi de le voir s’affaiblir, se métamorphoser.

Comment avez-vous apprivoisé ce nouveau corps?

J’ai appris à prendre soin de moi d’une manière différente. La méditation, le yoga, les promenades en solitaire avec mon chien dans la nature, le sport, qui était déjà important pour moi, mais l’est encore plus maintenant, sont devenus essentiels pour mon bien-être. J’ai aussi essayé de rester féminine et jolie. Je ne voulais pas porter de perruque. D’une part, parce que cela grattait et de plus, je ne me reconnaissais pas. Ce n’était pas moi. Je me devais d’assumer, aussi bien mon image sans cheveux que mes cicatrices. Une amie me donnait quelques conseils de maquillage pour mes sourcils, un petit trait sur les yeux. Et pour le côté peps, je mettais un foulard et des créoles.

Ce cancer m’a appris tant de choses. Je traversais ma vie sur un nuage sans prendre conscience de sa valeur. Au bord du précipice, j’ai fait ami avec mon ennemi, le cancer, et je lui ai dit de partir. Il m’a appris à VIVRE. Il m’a clairement ouvert les yeux. Après mes traitements, j’ai fait un saut de parachute au-dessus du bassin d’Arcachon. Pour la symbolique. J’étais libre!

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui viennent de découvrir qu’elles ont un cancer?

Je comprends à quel point l’annonce d’un cancer peut être un véritable tsunami émotionnel. Cependant, ce qui compte le plus, c’est l’acceptation. Pour moi, accepter la réalité, c’est un pas vers une transformation positive, vers la lumière. Si nous restons dans la résistance ou le déni, notre corps ne réagit pas de la même manière. Le lâcher-prise, bien que difficile, est essentiel. Visualiser votre propre victoire, penser à des choses positives, ayez confiance en la vie et en vous-mêmes, et soyez convaincus que les choses s’amélioreront.  N’hésitez pas à vous faire aider par des associations ou des psychologues lorsque cela est nécessaire. Enfin, si vous ressentez de la fatigue, notamment en raison des traitements, il est important de vous écouter et de vous accorder le repos dont vous avez besoin.

Je suis marraine de plusieurs associations qui viennent en aide à des pays dépourvus de matériel médical. Nous avons la chance ici, en Suisse d’avoir des médecins et personnels médicaux exceptionnels, et il est crucial de prendre conscience de cette chance. Dans mon cas, j’ai été suivi par le docteur Zaman qui dirige le service d’oncologie au CHUV. Depuis, nous nous sommes liés d’amitié. Je me marre beaucoup avec lui! C’est un homme très sérieux sur le plan professionnel, mais qui réserve plein de surprises sur le plan privé.

Questions à Michel Leeb

Quelle petite fille était Fanny, comment pouvez-vous la décrire?

Elle était très joueuse. Fanny adorait interpréter des rôles et s’y prêtait avec bonne grâce. Elle était toujours prête à partir dans un rêve.

Ce don à partir dans des rêves l’a aidée à surmonter l’épreuve de la maladie?

J’étais stupéfait, consterné (dans le bon sens du terme) de la facilité avec laquelle elle a traversé tout cela. C’était incroyable. J’ai été impressionné par sa capacité à prendre le mal sur elle et à le surmonter. Nous étions dans le bureau du Docteur Zaman, chef oncologue au CHUV et elle a dit: «Maintenant que je sais que ce truc est devant moi, je vais ajuster mon tir pour le dégommer!» Admirable. J’avais le sentiment qu’il y avait un mélange de conscience et d’inconscience. Comme si elle survolait les difficultés. Bien sûr, à certains moments, elle s’écroulait. Mais chaque jour, elle choisissait une phrase de résistance, de philosophie de vie et terminait par: «C’est tout pour aujourd’hui.»

Et vous Michel, comment avez-vous vécu votre douleur de père?

À cette période, je jouais avec Pierre Arditi, la pièce de Philippe Claudel «Compromis», je me souviens que j’avais des absences, j’étais préoccupé, ça me perturbait terriblement. Mon partenaire comprenait à quel point j’étais déstabilisé. Ma fille était en Suisse, je ne pouvais pas me déplacer, j’en souffrais encore plus.

Vous aviez peur?

Avec sa philosophie de vie, son énergie au-delà de la maladie, elle ne pouvait que s’en sortir.

Elle a tout dominé et a su gérer complètement chaque virage durant deux ans. Au début des traitements, elle a demandé à son frère Tom de lui raser la tête pour éviter de voir ses cheveux tomber.

Elle est devenue artiste comme vous, l’influence du papa…

Je ne sais pas, mais elle venait souvent dans mon bureau quand elle avait sept-huit ans. Il y avait beaucoup d’instruments de musique: piano, batterie, accordéon… Je pensais qu’elle serait peut-être musicienne plus tard. Mais non, Fanny chantait!

Venait-elle régulièrement voir vos spectacles?

Surtout à l’Olympia. Elle se glissait dans les coulisses pour assister aux spectacles. Ce petit bout de fillette qui courrait derrière la scène, c’était si émouvant.

Certains traits de son caractère ont-ils été modifiés suite à l’épreuve?

Elle a acquis une forme de richesse et une grande maturité. Fanny a la conscience de la fragilité des choses de la vie. Avant, c’était un petit oiseau qui allait de branche en branche. Aujourd’hui, elle a radicalement changé. Elle connaît la vie avec ses aléas, ses douleurs. Elle a pris son bâton de pèlerin et va vers les autres… Mon admiration pour elle ne cesse de grandir.