Quatre étudiants, une Fiat en bout de course et, sur la carte, des points GPS qu’il faut atteindre de Genève à la Géorgie. Voilà les ingrédients du rallye «Poles of Inconvenience». Récit d’une aventure balkanique et d’ennuis mécaniques.

Par Yves Zumbach

Lucas a la tête dans le capot ouvert. Une odeur âcre s’échappe du moteur. C’est la troisième fois que nous devons nous arrêter, car notre Fiat Panda hoquette. Nous sommes au milieu de nulle part, à mi-chemin entre Prague et Roustavi-Tbilissi. Et il nous reste près de 1000 kilomètres pour arriver en Georgie, but de cette aventure estivale. La voiture a trop de kilomètres au compteur. Il est vrai qu’elle ne nous a coûté que 2200 francs. Nous avions déboursé 1600 francs pour un premier véhicule, mais il s’était révélé bon pour la casse. Nous? C’est Anne, Nathy, Lucas et Yves, quatre jeunes Romands, bachelor ou master en poche. «Poles of Incovenience», le rallye caritatif dans lequel nous nous sommes embarqués impose des véhicules de faible puissance et le passage par des points GPS précis, disposés bien évidemment dans des lieux reculés et difficiles d’accès.

Dommage que nos diplômes ne servent à rien pour diagnostiquer le bruit inquiétant que produit le moteur surchauffé par un soleil de plomb. Mais la difficulté suscite la solidarité. Un mécanicien stambouliote aussi embarrassé que nous appelle son frère à la rescousse. Nouvelles plongées sous le capot et identique perplexité. C’est finalement un conducteur de triporteur passant par-là qui nous rassure. Le moteur va tenir jusqu’à Tbilissi. Le ciel l’entende! On s’entasse à nouveau à quatre dans la Panda, entre le matériel photo et les provisions. Nouvelles nuits à la belle étoile. Pas question de frais d’hôtel. D’ailleurs, l’argent récolté avant le départ auprès d’amis et connaissances va à une ONG qui protège les forêts au Pérou. La Géorgie est en vue, mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Les douaniers géorgiens, zélés, inspectent nos maigres bagages et vérifient toutes nos assurances. Bien des heures plus tard, quand enfin nous roulons dans les vallées verdoyantes de la côte de la mer Noire, la troisième bougie explose hors de son soc. Heureusement, un mécanicien sur le bord de la route nous bricole un ersatz de fortune avec un câble récupéré sur une épave. Ouf, le moteur tourne à nouveau.

Sur l’ancienne route militaire qui rejoint la Russie par le Caucase, la Panda se faufile dans le chaos des camions et d’impressionnants nids-de-poule. On visite le monument à l’amitié russo-géorgienne, érigé sous l’ère communiste. Et s’il est vrai que les relations sont beaucoup plus tendues qu’alors, l’édifice impressionne par ses dimensions. À force de lacets et de coups de klaxon, on finit par atteindre notre destination, l’église de Gergeti au pied du mont Kazbek (5050 m), drapé dans les nuages.

Notre petite auto aura finalement survécu à toutes les épreuves. Le bas de caisse est méchamment raboté et le témoin moteur allumé en permanence, mais nous revenons émerveillés de ces 10 000 kilomètres, aller-retour. Émerveillés et… entiers.

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