L’ancien rédacteur en chef de Schweizer Illustrierte  à Zurich et du Matin à Lausanne ne lâche pas son confrère Rochebin, brutalement déchu en Suisse romande. Les dégâts sont faits, dit-il, mais la montagne accouchera d’une souris. 

La montagne va accoucher d’une souris, mais les dégâts sont faits. Ils portent sur Darius Rochebin, « Federer de l’interview », qui s’est imposé pendant vingt-cinq ans comme la figure la plus populaire de la télévision romande (RTS). Présentateur du téléjournal, intervieweur des grands de ce monde.

Mais depuis qu’il a annoncé son transfert à la chaîne parisienne LCI, plongeant ses fans dans un véritable deuil, il est devenu une cible. « Notre » Darius, qui a eu la chance de « monter » à Paris, a suscité quelques jalousies et réveillé des rancoeurs cachées. Personne ne s’attendait à cette électrocution. Et puis Le Temps déclare tout d’un coup avec gravité que des recherches « d’utilité publique » de trois mois (!) ont permis de vérifier ce qui se murmurait depuis des années : Rochebin avait une face cachée. Le quotidien y consacre sa une et quatre pages entières sous le titre suggestif « Darius et la loi du silence ». Le tout agrémenté de grandes photos de l’intéressé.

La lecture permet très vite de se rendre compte que l’article vise d’abord deux cadres de la RTS. Et sans même que leur nom soit cité! Ils auraient exercé des pressions insoutenables, poussé des collaborateurs jusqu’au burnout. Et puis le texte n’accuse-t-il pas d’abord la direction de ce grand service public ? Elle aurait regardé ailleurs pendant des années. Mais comme il fallait attirer un maximum d’attention, les accusations ont surtout fusé contre Rochebin. La star aurait eu dans le passé (les années 2000 à 2016 !) des « gestes déplacés », des « propos salaces ». Darius aurait utilisé de fausses identités sur les réseaux sociaux pour s’approcher de jeunes personnes.

Ce tir de canon assourdissant avait juste quelques défauts: tout est basé sur des témoignages de personnes qui tiennent à leur anonymat. La présomption d’innocence n’est pas respectée. Le texte suggère que Darius, homme marié, père de deux enfants, avait des penchants homosexuels. On parle dans ce cas d’outing (forcé), un no go absolu dans la presse. Jusqu’à ce jour, aucune preuve tangible n’a été produite. Ni plainte pénale, ni procédure interne à la RTS ayant eu des conséquences. Sauf pour une affaire de fausses identités sur les réseaux sociaux, que la direction a sanctionné par un rappel à l’ordre il y a déjà quatre ans! Les autres reproches sont vagues : une main glissée sous la chemise d’un homme, un baiser (presque) volé à une collègue, la main d’une autre collègue placée sur ses parties génitales (habillées) lors d’une soirée dans laquelle tout le monde s’embrassait. Ou encore des propos salaces dans les couloirs. Rien de justiciable.

Fondé dans la ville de Calvin, ce journal fait normalement preuve d’une certaine retenue toute évangélique… il s’est lâché cette fois, dans le plus pur style boulevardier. Le mal est fait. Darius Rochebin s’est retiré pour quelque temps de l’antenne, portant plainte pour diffamation. On connaît le sort de ce genre de plainte : procédures sans fin, dénonciateurs impunis. Heureusement, la direction et ses collègues de LCI ne sont pas dupes. Ils insistent sur la présomption d’innocence et restent solidaires de leur collègue. Qui devrait bientôt reprendre l’antenne. Enfin, espérons-le !

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