TÉMOIGNAGE

Avec le risque du covid-19, certains propriétaires sont prêts à abandonner leur compagnon. Tout est plus difficile en cette période de confinement. Soigner ou profondément triste, devoir endormir nos animaux. Saskia comme tant d’autres vétérinaires s’impliquent pour que tout soit plus doux.

Comment réagissent les propriétaires face à la maladie de leur animal en ces temps particuliers?

Ils sont plus inquiets que d’habitude. Mais attendent pour savoir comment évolue la maladie de leur animal avant de réagir. Un parallèle actuel avec les humains malades. Souvent confinés, les maîtres observent davantage leur compagnon mais arrivent un peu tard et le problème que nous aurions réglé promptement est plus compliqué à soigner.

Les sentez-vous plus affectés, plus angoissés?

Il est vrai que beaucoup de propriétaires ont peur de sortir et d’être en contact avec le Covid-19. Ils freinent leur sortie. Nous faisons des consultations par téléphone et les gens nous donnent beaucoup de détails sur le comportement de leur compagnon. Je les sens plus stressés que ce soit pour eux et pour leur animal.

Votre cabinet est-il ouvert pour les urgences?

Oui. Nous nous relayons avec ma collègue vétérinaire et il y a une seule collaboratrice à la fois à la réception. Nous assurons les interventions chirurgicales vitales et les urgences médicales, mais aussi la vente de médicaments et de nourriture.

Comment procédez-vous pour éviter tous risques de contamination du Covid-19?

Les propriétaires restent à l’extérieur du cabinet, dans la rue. On reçoit une personne à la fois. De plus un espace est délimité devant la réception. Pour les chats, leur maître dépose simplement leur caisse de transport dans l’espace d’accueil. Et pour les chiens, on nous tend la laisse en respectant la distance de 2 mètres. Nous avons des masques et une désinfection des mains s’impose régulièrement. Contrairement à mes habitudes, je récupère l’animal malade mais je ne laisse pas entrer le propriétaire. Je lui parle à distance et je porte un masque. Si je dois ausculter un chien, je retire mon masque. Quand le chien est timide, c’est très déstabilisant pour lui de me voir masquée. Il a besoin d’observer les expressions de mon visage. Ça le rassure. Sans compter qu’il est seul, sans son maître.

Vous déplacez-vous à domicile?

Oui. J’ai dû me déplacer pour un cheval. Et pour des personnes à risque, je le fais aussi. J’évite ainsi que les propriétaires prennent les transports en commun qui peuvent s’avérer porteurs du virus.

Avez-vous dû endormir un animal?

Oui. Et tout devient plus compliqué, car il faut respecter la distance imposée. Lorsque je fais l’injection, le propriétaire doit reculer. Ne pas être proche de moi. Il ne peut se rapprocher de son animal que lorsque je me suis écartée.

Le Covid-19 rend donc les choses plus compliquées?

Dans ces moments-là, j’ai souvent des gestes d’amitié, de compassion pour les propriétaires. Toucher un bras, une main, les rassurer. Aujourd’hui, je dois freiner ma spontanéité.

L’autre jour, j’ai dû endormir un chien. Pour le couple de propriétaires âgés, le vide est encore plus grand en cette période meurtrie! Ils sont confinés, ils n’ont plus la possibilité de voir leur famille, de sortir manger à l’extérieur. Le manque se fait immense. C’est dur à vivre.

Certains maîtres ont-ils été tentés d’abandonner leur animal à cause du Covid-19?

Mes autres collègues m’en ont parlé mais je n’ai pas, moi-même, été confrontée à cela. Heureusement. Certaines personnes en situation de précarité ou malades projettent d’abandonner leur compagnon. L’abandon est vraiment le dernier recours! Il faut savoir que le refuge de la SPA peut prendre des animaux en charge durant l’hospitalisation de leurs maîtres. Certains propriétaires se proposent aussi d’accueillir des chiens durant ces temps particuliers. Il y a des solutions!

Pouvez-vous nous rassurer quant à la non-transmission du virus par l’animal.

L’animal peut porter le virus sur lui au même titre qu’une poignée de porte… mais avec des règles normales d’hygiène, le risque est faible: nettoyage des mains à l’eau et au savon après avoir caressé un chien potentiellement porteur. Pas de coups de langue sur le visage du maître, pas trop de familiarité avec des animaux de provenance autre que familiale.

Avez-vous une jolie anecdote à nous raconter?

L’autre jour, j’ai prié une dame d’aller faire une petite balade avec son chien en attendant ma consultation. Lorsque je suis venue la chercher, elle était au loin, près du port, je n’ai pas voulu crier son nom mais j’ai appelé son chien. Il a démarré au quart de tour et comme c’est un grand chien, sa propriétaire n’a pas pris le risque d’un vol plané, elle l’a lâché. Il a pris sa laisse dans sa gueule et a foncé vers moi. Touchant.

Est-ce que les choses sont difficiles à gérer émotionnellement parlant en ce moment?

J’essaie de ne pas stresser au vu de la conjoncture actuelle. Je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon!

Et vous personnellement comment vivez-vous cette période?

La meilleure méthode pour moi pour ne pas stresser est de vivre au jour le jour sans faire de projections, à l’instar de nos amis les animaux. Vivons le présent et rien que cela, c’est déjà beaucoup. Je prends un peu plus de temps pour moi, pour une introspection, pour voir fleurir les arbres… Je suis reconnaissante au ciel d’habiter une maison et de voir mes enfants courir joyeusement dans le jardin. Savoir mes enfants à la maison avec mon mari quand je suis au travail m’apporte beaucoup de sérénité et de calme même si cela peut paraître étonnant dans ces moments difficiles.

Que retiendrez-vous de ces temps meurtris quand nous sortirons de notre confinement?

Je donnerai encore plus de valeur aux contacts sociaux. Tout deviendra plus fort, plus intense, plus beau.

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