Après une longue blessure, Stan Wawrinka est revenu, à 35 ans, au plus haut niveau. Dans cette interview exclusive, il nous parle de tout, du virus, de Federer, de la mauvaise image de Djokovic, de son angoisse de la retraite, de ses projets.

Vous avez peur du virus?

     Je fais attention, je reste tranquille, je ne vois pas trop de monde.

Pendant le semi-confinement du printemps, vos apéros très drôles avec Benoit Paire avaient fait un tabac sur le net. Vous aviez aussi dit à quel point vous étiez heureux de vous occuper de votre fille, de faire ses devoirs avec elle. Vous aviez parlé d’une période «magnifique».

     J’ai essayé de sortir le positif de tout ce qui se passait. Etre forcé de rester chez soi a été une contrainte pour la plupart des gens. Moi, je passe ma vie à voyager. Alors être à la maison, avoir plus de temps à passer avec ma fille, oui, cela a été un plaisir.

Maintenant, le tennis a repris ses droits mais vous devez jouer à huis clos. Cela doit être particulièrement frustrant pour vous qui «aimez utiliser l’énergie du public», comme vous l’avez souvent dit?

     Oui, j’aime l’énergie, les émotions que procure le public, les fans. Et c’est vraiment triste de jouer devant des banquettes vides. Mon premier match à huis clos, c’était en septembre à Rome, en «night session», là où normalement l’ambiance est la plus chaude. Pour moi, cela a été un gros choc. Le vide, on le ressent encore plus fort la nuit. Mais on a au moins la chance de pouvoir jouer grâce aux protocoles très stricts mis en place dans les tournois. Et ce qui se passe dans le monde est tellement plus grave, on ne va pas se plaindre.

En dehors du Masters et de Wimbledon, vous avez remporté tous les plus grands rendez-vous du tennis. Quel a été le moment le plus fort?

     C’est impossible d’en sortir un. Mon premier titre à Umag en Croatie en 2006 a été très important. Gagner la Coupe Davis, pour la Suisse après l’avoir joué douze ans a été fabuleux, comme la médaille d’or olympique avec Roger à Pékin, d’autant que c’étaient mes premiers JO. Sans oublier bien sûr, dans un registreplus personnel, mes trois victoires en Grand Chelem.

Si Federer n’était pas là, vous seriez, tous sports confondus, le plus grand champion que la Suisse compte actuellement. N’êtes-vous pas jaloux de lui?

     Comment être jaloux d’un des plus grands sportifs de tous les temps? Quand je suis arrivé sur le circuit, il était déjà tout en haut. J’ai eu la chance de le côtoyer, de gagner des titres avec lui. C’est une énorme chance d’avoir fait partie de la même génération que Roger.

Quelle relation avez-vous avec lui?

Nous avons vécu tellement de choses ensemble, nous sommes de vrais amis, même si nos vies sont très différentes et bien remplies. Tout ce que nous avons partagé nous lie à jamais.

Par rapport à un surdoué comme lui, vous devez plutôt votre réussite à votre persévérance. «Déjà essayé déjà échoué, peu importe» cette phrase de Beckett vous la portez en tatouage comme le symbole de votre état d’esprit. Vous être fier d’avoir réussi grâce au travail?

     Oui, je suis très fier de tout ce que j’ai accompli. Jamais je n’aurais imaginé avoir une telle carrière. Même si cela n’a pas toujours été facile, j’ai toujours essayé de repousser mes limites.

En 2019, vous avez été blessé neuf mois, ce qui ne vous a pas empêché de revenir au top niveau. «J’aime le jeu» avez-vous dit. C’est ce qui vous motive?

     Rien ne me procure autant de plaisir que de jouer un match. J’aime le stress de la compétition, les émotions qu’elle procure. Ce besoin en moi n’a pas varié.

Votre relation avec Roger est très particulière, mais de manière générale, peut-on avoir de vrais amis sur le circuit?

     A cela, je pourrai vous répondre quand j’aurai pris ma retraite. Avec qui je resterai lié, je n’en sais rien. En tennis, on vit dans une bulle. Partout dans le monde, on se retrouve avec les mêmes personnes. Avec certains, je suis pote, avec d’autres pas du tout.

Novak Djokovic, avec son image arrogante, n’est pas aimé par le public. Qu’en pensez-vous?

     Personnellement, je m’entends très bien avec lui, on s’entraîne souvent ensemble. Mais il a son caractère, il fait ses choix.

Et Nadal?

     Idem, je m’entraîne souvent avec lui. Ses 13 victoires à Roland-Garros constituent un des plus grands accomplissements de l’histoire du sport. Avec lui, Roger et Novak, le Big Three, notre époque a la chance de compter en même temps trois champions hors norme.

Même si vous n’aimez pas trop ça, abordons un peu votre vie privée. Vous avez divorcé avec Ilham après dix ans. Récemment, votre relation avec Donna Vekic a pris fin. Est-ce difficile d’avoir une vie sentimentale équilibrée quand on est champion de tennis?

    Ni plus ni plus ni moins que quand on exerce un autre métier.

En décembre dernier, à Montreux, vous avez rejoint le comique Kev Adams sur scène. Lors de Roland-Garros, vous êtes intervenu en direct chez Hanouna. Vous aimez le showbiz?

     Je ne cherche absolument pas ça. Kev Adams est est devenu un ami proche. J’ai produit son dernier film. Comme le cinéma m’a toujours beaucoup intéressé, c’était une opportunité pour moi de mettre un pied dans ce milieu.

Contrairement à tant d’autres champions, vous avez la réputation d’être un bon vivant?

     J’aime faire la cuisine, j’aime manger, tant que cela n’a pas d’incidence négative sur ma carrière.

A 35 ans, la retraite approche forcément. Chez les champions, on parle d’une première mort. «Le trou, je m’y prépare déjà» avez-vous déclaré. Cela vous fait peur?

     J’espère passer ce cap le plus en douceur possible, mais je sais que ce sera difficile. Et puis même si j’arrive vers la fin, je pense avoir encore quelques belles années devant moi et j’ai toujours la même envie de pousser la machine.

Pour la suite, vous avez dit déjà dit que vous ne resteriez pas dans le tennis. Quels sont vos projets?

     Je m’intéresse à plein d’autres choses comme le cinéma, par exemple. Mais mes projets, je préfère les garder pour moi. Pour l’heure, je veux me focaliser à 100% sur le tennis.

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