Le Dr Rochat a été distingué alumnus de l’année 2020 par l’Université de Genève, pour son combat contre les fistules obstétricales. Portrait d’un homme d’exception.

C’est un médecin humaniste. Un homme chez qui la passion du métier s’allie à l’envie de soulager, un tant soit peu, la souffrance du monde. Charles-Henry Rochat pourrait profiter d’une retraite méritée, jouant de son nom et de son prestige. Ce n’est pas son chemin. Cet urologue, spécialiste en chirurgie robotique, opère toujours à la Clinique Générale-Beaulieu. Mais il se rend aussi, depuis plus de 25 ans, dans       les pays du Sud pour réparer les fistules obstétricales. On en parle peu et pourtant         2 millions de femmes souffrent de ce fléau provoqué par des accouchements difficiles.

Le docteur en médecine nous reçoit dans son cabinet de Champel, à Genève et est intarissable lorsqu’il s’agit de parler de son engagement. «J’ai toujours eu la curiosité de l’humain. Des années durant, j’ai opéré, dans les hôpitaux de guerre, pour le CICR, à Peshawar au Pakistan, en Afghanistan, en Thaïlande et en Irak. Je ne me voyais pas faire toute ma carrière dans un hôpital universitaire, je suis un esprit libre, je voulais faire de la médecine de terrain.»

Depuis toujours, Charles-Henry Rochat partage son temps, son cœur, ses passions entre la médecine de pointe et la médecine humanitaire. En Suisse, il est pionnier en chirurgie laparoscopie et son expérience dans la robotique médicale est reconnue loin à la ronde. Il est l’auteur d’innombrables études, d’articles, dans ce domaine.

En Afrique, une rencontre marque sa vie, en 1993. Celle de Frère Florent, chirurgien religieux de l’hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta, au Bénin. C’est là que son chemin croise celui du «missionnaire aux mains d’or», qui opère et enchaîne les consultations, depuis plus de 50 ans. On vient de partout et même des pays voisins: Togo, Burkina Faso, Mali, Niger, pour se faire soigner dans cet hôpital.

«L’Afrique n’était pas mon continent», dit Charles-Henry Rochat, «il l’est devenu par le hasard du destin». Il y découvre, atterré, les fistules obstétricales. «Je ne savais pas que ça existait. Chez nous, elles ont depuis longtemps disparu des manuels de gynécologie.» Mais dans les régions reculées, dans les villages de pistes poussiéreuses, où près de la moitié des femmes enfantent chez elles, les accouchements non assistés ont parfois des conséquences dramatiques. La tête du bébé peut rester bloquée durant des jours. Il faudrait pratiquer une césarienne, mais comment le faire sans assistance médicale. Les tissus de la vessie et du rectum de la mère sont alors comprimés, nécrosés, le bassin est dévasté. Le bébé est mort-né. Ces mères sont d’ailleurs doublement discriminées, incontinentes, sentant les excréments, elles sont tenues à l’écart de la communauté, soupçonnées d’être maudites. Un calvaire et un drame social. «J’ai voulu aider ces femmes dont on soucie peu, développer des techniques pour réparer les dommages et leur permette de vivre à nouveau. J’ai été autodidacte sur cette chirurgie.»

Charles-Henry Rochat a depuis créé Fistula Group ainsi qu’un modèle de prise en charge globale des patientes afin de rendre autonomes les hôpitaux africains confrontés à cette pathologie. Il est professeur associé d’urologie à la Faculté des Sciences de la Santé de Cotonou, au Bénin et professeur associé invité du Albert Einstein College of Medicine of Yeshiva University, à New York.

«Ma plus grande fierté est d’avoir africanisé la thérapie. Je cherche surtout à transmettre techniques et compétences à des spécialistes du pays.» Traiter, former, prévenir et améliorer le système de soins, le modèle est désormais bien rodé.

L’Université de Genève a tenu, lors de son dernier Dies academicus, à distinguer Charles-Henry Rochat, en le désignant alumnus de l’année 2020. Le diplôme est placé aujourd’hui bien en vue sur une bibliothèque de son cabinet. «J’ai été extrêmement touché par cette distinction d’autant que j’ai appris la bonne nouvelle, alors que je sortais de six semaines d’hospitalisation, dont deux dans le coma et sous intubation, terrassé par le Covid. Cela m’a aidé à remonter la pente.»

Courage d’un homme et combat d’une vie, qui risque d’être compromis aujourd’hui par l’arrêt inattendu du soutien de la Ville de Genève à son association, qui l’attriste profondément. «Il y a encore tant à faire… mais ma volonté est intacte!»

 

Photographie : Nicolas Cleuet

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