Femme orchestre. Ainsi peut-on qualifier Anne-Marie Philippe. Car la rédactrice en chef des suppléments suisses de Paris Match et Elle s’est illustrée non seulement dans le journalisme, la communication, l’hôtellerie (en 1990, elle a créé Le Petit Manoir de Morges).

Elle avoue aimer aussi l’immobilier n’hésitant pas à rénover des bâtisses anciennes et leur donner une seconde vie. Elle s’engage aujourd’hui dans une noble cause, ce qu’elle appelle «sa mission de vie» dans le cadre de La Légion du Cœur, tout en s’essayant au rôlet de chroniqueuse sur les ondes de M Le Média et Canal+ Suisse dans l’émission Morax & Co. Sa fondation La Légion du Cœur incite les entreprises à «faire preuve d’humanité en soutenant leurs collaborateurs touchés dans leur santé (…), sachant que lorsque la maladie frappe et impose des traitements lourds, rester connecté et actif (quand c’est possible) peut favoriser le processus de guérison.»   

Anne-Marie Philippe, vous êtes continuellement active. Vous avez monté plusieurs entreprises. Vous ne pouviez baisser les bras devant la maladie qui vous a frappée.

Baisser les bras n’est pas dans ma nature! Mes enfants ont toujours vu en moi une battante face aux coups de la vie, je n’allais pas les décevoir. Il faut savoir que l’annonce de la maladie est difficile aussi pour les proches. Je me devais de rester digne. Bien sûr, continuer à diriger deux rédactions, Paris Match et ELLE Suisse, et pondre des articles est moins épuisant physiquement qu’un travail en usine. Mais j’ai créé La Légion du Cœur pour que les entreprises soutiennent leurs collaborateurs éprouvés par les traitements, quel que soit le métier exercé. Une gestionnaire des stocks de la Coop nous disait, dans une vidéo, à quel point, elle était contente de venir travailler durant ses chimios. Elle se sentait vivante, utile. Son témoignage m’a émue. La Coop a reçu l’année dernière le Trophée de La Légion du Cœur, en tant qu’entreprise méritante, lors de la soirée annuelle qui regroupe déjà une trentaine d’entreprises signataires.

Comme vous, Arthur Sadoun, le président de Publicis, le troisième groupe mondial de communication, a dû lutter contre un cancer. Ce qui l’a amené à prendre différentes mesures en faveur des collaborateurs touchés par la maladie. Mène-t-il le même combat que vous?

Arthur Sadoun et moi avons vécu l’épreuve de la maladie au même moment. Ce grand patron a continué à travailler, poussant l’exercice jusqu’à aménager son bureau pour permettre ses traitements de chimiothérapie. Travailler lui a permis de rester debout. Après son combat, il a décidé de protéger ses collaborateurs. 100 000 dans le monde! Je poursuis le même but: protéger de façon indirecte les personnes touchées par la maladie. Je convaincs les entreprises de signer notre charte éthique. C’est un engagement moral et humain. Plus qu’un combat, c’est ma mission de vie.

Il n’est pas rare que les collaborateurs d’une entreprise cachent le fait qu’ils sont atteints d’une maladie grave. La révélation de cette maladie peut remettre en question les responsabilités qui leur sont confiées…

Heureusement de moins en moins. Et le fait que leur entreprise ait signé la charte de La Légion du Cœur leur prouve l’humanité et la solidarité dont elle va faire preuve. Chacun d’entre nous peut être confronté à une maladie grave. Personne n’est à l’abri! Du PDG à l’ouvrier.

Le groupe Coop et l’Hôtel Royal Savoy à Lausanne ont été les premiers à répondre favorablement à vos démarches. J’imagine que cela a constitué une référence de premier ordre pour la suite.

Alain Kropf, le directeur général du Royal Savoy, m’a tout de suite dit oui, par amitié, certes, mais aussi parce qu’une de ses collaboratrices était concernée. La Coop, c’était différent. Je venais de finir mes traitements et j’ai pris mon bâton de pèlerin pour tenter de convaincre la direction, à Bâle. J’ai été reçue par Jean-Claude Chapuisat et Gregory Blanchard, les deux directeurs en charge des ressources humaines. Ils ont fait preuve de chaleur humaine, d’enthousiasme, d’ouverture d’esprit et m’ont presque dit oui, spontanément. En les quittant, je savais au fond de moi que j’étais sur le bon chemin. Si beaucoup d’associations et de fondation mettent en place des choses magnifiques pour aider directement les personnes malades, la Légion du Cœur mène une action indirecte et unique: convaincre les entreprises de faire preuve d’humanité.

Avez-vous essuyé beaucoup de refus?

Aucun! Mais comme j’oublie toutes les choses négatives… (Rires). Plus sérieusement, certaines signatures sont remises à plus tard pour des raisons de timing ou d’organisation.

Vous êtes issue du monde de l’entreprise, pas du milieu médical. Est-il arrivé que l’on vous reproche un manque de légitimité?

Absolument pas. La légitimité, je la porte en moi: la maladie que j’ai dû traverser! Et côté médical, je suis merveilleusement accompagnée. Le docteur Didier Jallut, oncologue et directeur du réseau du sein, est un appui de la première heure. Il est membre de la fondation. Mais c’est aussi mon médecin miracle. Il m’a soignée mieux que personne, car il a su prendre soin de mon mental. Essentiel à la guérison. Son humour et sa capacité à me faire croire que ce que je traversais était normal, m’ont beaucoup aidée. Lui et sa femme Carole sont devenus des amis précieux.

En octroyant des horaires relativement libres aux membres du personnel atteints par de graves maladies, ne suscite-t-on pas des difficultés relationnelles avec les collègues qui doivent s’adapter à ces alternances de présences et d’absences?

C’est ce qu’on appelle la solidarité! Comme je le disais tout à l’heure, aujourd’hui c’est lui, demain ce peut être moi. Ne jamais l’oublier. Qui est à l’abri des épreuves de santé? Et aider l’autre, faire preuve d’humanité est un cadeau, bon pour l’âme, que l’on peut s’offrir tous les jours.

Sur quoi portent les conférences que vous mettez sur pied?

Tous les mois, nous organisons des petits-déjeuners conférences dans la maison qui abrite la fondation, avenue de l’Élysée à Lausanne. Nous convions 10 patrons ou responsables des ressources humaines. L’idée? Qu’à chaque fois un signataire de la charte explique aux invités pourquoi il a engagé son entreprise. La plupart du temps, il parvient à les convaincre de s’engager à leur tour. J’encourage tous les décisionnaires de sociétés à assister à ces conférences, les croissants sont excellents et le café aussi. (Rires). Mais surtout il règne une belle ambiance, empreinte d’humanité. Nous nous retrouvons dans les mêmes valeurs de vie.

Quel est le rôle de l’Académie de la Légion du cœur que vous venez de lancer?

J’ai décidé de créer l’Académie de La Légion du Cœur, car cela correspondait à un besoin. La plupart des responsables des ressources humaines ne sont pas armés pour affronter l’annonce de la maladie. «Que doit-on dire?», «Comment se comporter?»… Ces questions seront abordées à la faveur de séminaires (le premier, le 10 avril), réunissant des spécialistes reconnus, médecins, psychologues, patrons… Ils fourniront des clés pour faire face à ces situations délicates. Cette Académie a deux parrains d’exception: la professeure Solange Peters, cheffe du service d’oncologie médicale au CHUV, et Christophe Reymond, le directeur général du Centre Patronal.

Vous fonctionnez bénévolement et vous pouvez compter sur quelques autres bénévoles. Mais vous avez un collaborateur à temps partiel et évidemment des charges comme le loyer du bureau. Comment vous financez-vous?

Plus précisément, j’ai un collaborateur à temps partiel sous forme de mandat pour alléger les charges. Depuis le début de l’année, une amie journaliste de longue date, Semaja Fulpius, est la chargée de communication bénévole de la fondation. D’autres bénévoles sont là depuis le début de l’aventure. Je fais en sorte de limiter au maximum les frais. La fondation, à ses débuts, a pu compter sur un don de Nadine de Rothschild,. J’ai moi-même mis mes économies. Et depuis, certaines entreprises font preuve de générosité. La soirée annuelle nous permet aussi de récolter quelques fonds.

Justement, le 21 mars prochain au Royal Savoy aura lieu la soirée des Trophées. Et votre parrain n’est autre que Renaud Capuçon …

Je suis fière et heureuse que Renaud Capuçon me fasse le bonheur et l’honneur d’être notre parrain! Le jour J approche à grands pas. Cette année, seules, les entreprises signataires de la charte peuvent participer à cette soirée magique placée sous le thème «Fleurs et poésie». Renaud Capuçon offre généreusement sa prestation ce soir-là. Deux danseurs du Béjart Ballet Lausanne vont aussi créer la surprise pour un instant suspendu. Nous bénéficierons encore de la participation de Caroline Scheufele,la directrice artistique de Chopard, qui présidera le jury de ce Trophée de La Légion du Cœur. Fanny Leeb, notre ambassadrice, animera la soirée. Je suis aussi très appuyée par nos partenaires, comme le Groupe Schenk, Teoxane, Cartier, Chopard… Comme je l’ai compris le jour où j’ai pu convaincre le Groupe Coop, la vie en m’éprouvant, m’a placée sur le bon chemin.

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