Nous nous retrouvons au Petit Manoir de Morges où Yann Lambiel a ses habitudes. Sa maison se trouve à deux pas. Le talent qui l’a propulsé au Zénith n’y change rien, l’humoriste a gardé une vrai simplicité.
L’humoriste, Yann Lambiel mise sur des valeurs humaines qui lui tiennent à cœur, comme le respect de l’avis des autres et la bienveillance. Il regrette le monde de critiques dans lequel nous vivons et les jugements à l’emporte- pièce, souvent lâchés lâchement sur les réseaux sociaux. Les déceptions, quant à elles, Yann les laisse derrière lui et avance ! Mais comme un valaisan qui se respecte, il peut être rancunier. Aujourd’hui, il dit merci à sa femme, Sonia, à ses parents, à la vie, à la chance !
Vous êtes à Vevey du 1er novembre au 28 décembre, puis à Fribourg, avec une idée inventive et originale dans le cadre de Kubus…
J’ai toujours terriblement envie de surprendre les gens. J’ai trop peur qu’ils s’ennuient. Mon spectacle est un peu rock’n’roll. Une incroyable immersion visuelle à 360 degrés dans Kubus, un grand cube qui accueille 178 spectateurs. Mon socle tourne, les chaises des spectateurs tournent. Tout bouge! Vivant et inédit. Le thème de mon spectacle: connecté. à 50 ans, je me sens à la fois largué et dépendant des réseaux sociaux. J’ai tenté d’analyser le phénomène et j’en ai fait une performance. C’est un sujet qui parle à tout le monde.
À 50 ans, qu’attendez-vous aujourd’hui de l’existence?
J’ai envie de profiter davantage de la vie! Les warnings s’allument. Avec un message: vivre chaque instant. Avant, je ne pensais qu’à une chose: au jour de la première. Sans savourer chaque étape de la création du spectacle.
Quelle serait l’action accomplie dont vous seriez le plus fier?
Je suis fier de mon fils. Il a 16 ans et demi. Et heureux que la vie m’ait permis de rencontrer ma femme, Sonia. J’avais 20 ans quand je l’ai vue passer devant moi. Elle était fille d’honneur et défilait devant une fanfare. Un truc incroyable, bizarre, s’est passé. Dès que j’étais devant elle, je perdais mes moyens, je ne parvenais pas à aligner deux phrases, je devenais rouge comme une pivoine, je tremblais. Et, chaque fois que je l’apercevais, c’était la même chose. Ce petit cinéma a duré un an. Un jour, j’ai enfin pu lui parler normalement. Notre histoire a démarré. Pour elle, c’était une petite parenthèse, un flirt; pour moi, l’amour de ma vie. Elle avait 19 ans, j’en avais 21. Cela fait trente ans que ça dure et sans elle je n’aurais jamais fait cette carrière. Elle est mon moteur. Elle m’encourage, me motive, me remet sur rails, me recadre, si besoin. Quand on est un artiste, il faut pouvoir compter sur une solidité affective à la maison.
Il vaut mieux avoir des remords que des regrets, dit-on… quels seraient les vôtres?
Je n’ai pas de remords, mais je regrette de ne pas être parti en Angleterre perfectionner mon anglais. J’aurais aussi voulu jouer de la guitare et du piano. Mais bon… si j’étais parti à l’étranger, je n’aurais pas connu ma femme et ma vie aurait pris une autre tournure. Donc, tout est bien dans le meilleur des mondes.
Quelles sont les valeurs qui vous ont toujours tenu à cœur?
Le respect de l’avis des autres et la bienveillance. Nous vivons dans un monde de critiques et de jugements souvent lâchés anonymement sur les réseaux sociaux.
Avez-vous vécu de gros chagrins?
J’ai perdu un ami proche, mon ancien manager, Pierre-Alain, en 2008. À 44 ans, il a fait un AVC quelques jours avant le spectacle qu’il produisait dans les arènes de Martigny. Il avait intégré à la représentation un grand nombre d’amateurs. Nous sommes restés avec cet immense spectacle sur les bras. La situation était lunaire. Mais le spectacle a eu lieu.
Parlez-nous de votre philosophie de vie…
Ce qui semble important philosophiquement parlant ce sont les projets. Mon père, 80 ans, en pleine forme, pense à sa pétanque et à son jardin. Des projets simples, mais qui l’animent et le maintiennent. Moi aussi, j’ai embrassé un nouveau projet. À 50 ans, j’ai commencé le sport. Si je voulais continuer à sauter et performer sur scène, il devenait indispensable que je prenne soin de ma santé physique. Je fais du CrossFit. Les exercices sont variés. Je peux allier mon souci d’indépendance et le groupe.
Quelle a été la plus dure épreuve de votre vie?
J’avoue avoir été assez épargné et chanceux, mais on ne sait jamais ce que la vie nous réserve.
Avez-vous le sentiment d’être un artiste ambitieux?
Oui, je suis ambitieux. Je n’ai de cesse de surprendre mon public, avec le désir de toujours faire mieux et de façon différente. En revanche, j’ai conscience de mes limites. Je n’ai pas cherché à faire carrière à l’étranger. Quand j’ai voulu faire une ou deux tentatives, les warnings se sont allumés. Une évidence, c’est dans mon environnement, chez moi, que je peux vivre ma passion. J’ai tous les avantages de la notoriété sans les désavantages. Une star mondiale en petit avec les mêmes expériences, émissions TV, radios, scènes…
Que referiez-vous autrement avec le recul?
J’ai un seul regret, ne pas avoir appelé un ami avant qu’il ne décède.
Pensez-vous que le succès, la chance tiennent à peu de chose… comment l’analysez-vous après coup?
Je suis extrêmement sensible aux signes. Et je suis intuitif. On ne sait pas pourquoi certaines choses se font et d’autres pas, mais je fais confiance à la vie.
Êtes-vous croyant?
Non, je ne crois pas en Dieu. La religion a été inventée par les hommes pour se rassurer et répondre ainsi aux questions existentielles, pour donner un sens aux choses qu’on ne maîtrise pas.
Qu’est-ce qui vous a fait pleurer ou vous fait pleurer dans la vie?
Je peux être très froid, mais aussi extrêmement sensible. Il m’arrive de pleurer dans ma voiture en écoutant une chanson dont le thème me touche profondément. Mais j’essaie de fuir ce qui engendre de la tristesse. Les gens sont assommés aux infos de choses tristes comme la guerre, des fusillades, des meurtres. Et ils n’hésitent pas à se gaver sur Netflix de faux malheurs. Je me demande si finalement l’être humain n’aime pas le sombre, le triste.
Comment pourriez-vous vous qualifier en tant qu’homme?
Bienveillant, rêveur et «peureux». Je dois lutter en permanence. Je suis mal à l’aise seul dans un magasin, un bar, un restaurant, alors que je peux être comme un poisson dans l’eau devant 50 000 personnes en spectacle. La première fois que je suis monté sur scène à Beausobre devant 800 personnes, lorsqu’on est venu me saluer, me féliciter, je me suis caché derrière ma femme. Yann pas connu est peureux, Yann connu enclenche le Lambiel.
Quel dicton adopteriez-vous?
Travaille aussi dur que tu peux, mais n’oublie pas de te reposer avec la même intensité. Anne-Marie Philippe
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