Henri Dès, sa nouvelle vie rock

Paris Match Suisse |

Henri Dès fait un virage improbable, incroyable et unique avec le projet « Ze grands gamins ». Ses chansons pour enfants virent «rock» et déclenchent le délire chez les adultes de 25 a 45 ans. L’artiste a perdu sa femme Marie-Jo en septembre dernier. Même si son chagrin ne lui semble pas surmontable, Henri s’accroche aux petits bonheurs simples de la vie quotidienne. L’homme a le sens du bonheur.

 

Henri Dès, vous venez de perdre votre femme, comment avez-vous surmonté votre chagrin ?
Henri Dès: Ce n’est pas surmontable ! Je me suis inspiré d’une citation qui résonne en moi « que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être ». On ne peut pas revenir sur ce qui s’est passé. J’ai donc décidé de me prendre en main. Etre actif m’aide beaucoup. Je suis aussi très entouré par ma famille et mes amis. Ma femme et moi étions ensemble depuis 55 ans et tellement fusionnels.

Quelles sont les forces dans lesquelles vous puisez ?
C’est surtout la sophrologie qui m’aide. Elle m’insuffle une certaine confiance en moi.

Avouez-nous les moments les plus difficiles de la journée.
Le matin au réveil ! Quand je glisse ma main droite vers elle et que je m’aperçois qu’elle n’est pas là. Une immense tristesse m’envahit. Pour la surmonter, je saute immédiatement dans les occupations du jour.

Vous semblez tout de même serein. Une forme de résilience ?
Aujourd’hui, oui. Mais je suis passé par la stupeur, la colère, la révolte, je ressentais une grande injustice ! Puis est venue l’heure de l’acceptation. Je me reconstruis en faisant des choses différentes. Marie-Jo n’aimait pas partir. A ses côtés, je suis donc devenu plus casanier. Depuis son départ, je fais des voyages, tous ceux qu’on me propose. Prochainement, je pars en concert au Canada.

Votre maison, un lieu de bien-être …
Ma maison, mais surtout la cuisine ! Je viens de me racheter de nouveaux ustensiles de cuisine. J’aime cuisiner pour les miens ou mes amis.

Henri Dès entouré de ses deux musiciens, déchaînés.

Henri Dès entouré de ses deux musiciens, déchaînés. © Sébastien Tacheron / Paris Match Suisse

 

Vous êtes en train de faire un come-back incroyable. Très rock ! Votre fils a-t-il joué un rôle déterminant dans cette nouvelle orientation ?
Oui. On m’avait proposé de faire un concert à Bulle où toutes mes chansons étaient revisitées par d’autres artistes à la façon, pop, electro ou autres. Je devais chanter mes chansons pour enfants avec des arrangements rock. J’ai hésité. Mon fils m’a dit : « Tu n’as rien à perdre, rien à prouver, alors vas-y ! » Je me suis donc lancé avec mon fils Pierrick et Raphael Oris, guitariste-basiste. Le résultat a dépassé toutes mes espérances les plus folles. La salle était en délire. Je vous rassure, je reste modéré, je ne casse pas ma guitare. Avec Pierrick et Raphael, on joue comme au cirque avec le clown blanc et l’auguste. Il fait des pitreries sur scène et le public se déchaîne. Moi, je me contente de jouer et de sourire. C’était dingue dernièrement de voir 6000 personnes au Chant du Gros au Noirmont, entre 20 et 45 ans, chanter mes chansons. C’est rare et unique. Je sais que c’est un cadeau de la vie. A mon âge en plus. Je n’aurais jamais osé l’espérer !

Votre public est devenu adulte et continue à venir à vos concerts, c’est juste incroyable …
Je n’écris plus de chansons, je profite d’une situation existante avec mes 250 chansons. Mes albums ont été vendus à 5 millions d’exemplaires.

100 passages à l’Olympia, c’est un record ! Blasé ou toujours heureux ?
93 fois exactement. C’est magnifique de voir les parents venir avec les enfants. J’adore.

Vous avez un succès fulgurant, pourtant la presse TV ou radio, selon vous, ne vous a pas vraiment soutenu …
Effectivement, je ne suis presque jamais en playlist à la radio, ni en prime time et on m’invite rarement sur les plateaux TV. Les chansons pour enfants ne correspondent pas à leurs formats. Cela intéresse moyennement les journalistes. Ils devraient pourtant être là pour faire le trait d’union entre le public et l’artiste. Mais ce n’est pas grave, je ne leur en veux pas. Cela ne m’a pas empêché, grâce « au bouche-à-oreille » de faire constamment salle comble. Et il y a quelques jours, j’ai été interviewé une heure sur Europe 1. C’est peut-être un début.

Henri Dès n’écrit plus de chansons. Il profite d’une situation existante avec ses 250 chansons. Ses albums ont été vendus à 5 millions d’exemplaires

Henri Dès n’écrit plus de chansons. Il profite d’une situation existante avec ses 250 chansons. Ses albums ont été vendus à 5 millions d’exemplaires © Olivier Evard / Paris Match Suisse

Comment êtes-vous avant un concert ?
Avant un concert, j’opte toujours pour un petit en-cas léger: fromage et un demi-verre de vin rouge. Je ne veux pas avoir le ventre plein, je dois me sentir léger. Puis je m’isole. Je ne vois plus personne durant une heure. Je m’installe sur un lit de camp, je fais des respirations, des mémorisations, je me mets en condition. Puis on s’embrasse et on s’encourage avec les musiciens.

Vous enchaînez les concerts ?
Oui, j’ai de nombreux concerts prévus en Suisse et aussi en prévision en France. Mes chansons sous forme rock plaisent aux adultes. C’est tout de même drôle de voir un vieux bonhomme chanter du rock ! (rires).

Dites-nous ce qui compte le plus dans votre vie.
Ce qui est fondamental, c’est d’être bien avec soi. Je cherche toujours l’harmonie. Il est vrai qu’avant, les grandes décisions, nous les prenions à deux avec Marie-Jo. Ma femme m’amenait souvent des idées intéressantes. Elle ne parlait pas beaucoup mais toujours à bon escient. Elle mettait régulièrement le doigt sur un petit détail qui faisait toute la différence.

Fragola, un lagotto de deux ans, est un cadeau de la vie !

A quelle philosophie de vie vous accrochez-vous ?
Je m’accroche aux petits bonheurs simples de la vie quotidienne. Je ne cherche pas de situation explosive ou forte. Ce qui est fondamental, c’est l’harmonie en toutes choses. Et, par bonheur, j’ai toujours été dans la plénitude et dans l’équilibre. Quand une nouvelle journée s’annonce, je me réjouis en pensant aux belles surprises que la vie pourrait m’amener.

Comment sont ponctuées vos journées ?
Je déjeune sur ma grande table face au jardin puis je fais une heure de guitare. Je vais chercher mon journal puis j’attaque l’aquagym dans la piscine. Viens ensuite l’heure de la vaisselle et la lessive. Vous voyez … pas vraiment sexy ! (rires). Avant c’était ma femme qui s’en chargeait. En revanche, j’ai toujours fait les courses. Je pense que cuisiner pour soi est une façon de se respecter.

Il est très entouré par sa famille, et ses amis, et aime cuisiner pour eux.

Il est très entouré par sa famille, et ses amis, et aime cuisiner pour eux. © Olivier Evard / Paris Match Suisse

Comment voyez-vous votre futur ?
Je pense que j’ai le sens du bonheur. J’aimerais continuer cette belle aventure rock encore quelques années.

Votre chienne Fragola, semble jouer un rôle important dans votre vie aujourd’hui …
Fragola, un lagotto, deux ans, est un cadeau de la vie ! Nous avions croisé ce genre de chien il y a quelques années lors d’une promenade avec ma femme. Cette race nous a plu. Notre chien, un labrador croisé était très vieux. Nous avons découvert un élevage en Suisse. Neuf petits chiots venaient de naître. Nous avons craqué pour Fragola. Durant quelques mois, ce jeune chien a donné du bonheur à notre vieux labrador. Ils dormaient ensemble. La sagesse de l’un, l’exubérance de l’autre, c’était beau à voir ! Fragola ne dort pas avec moi. Le soir, après sa dernière sortie, elle se couche dans son panier, après un « bonne nuit » et une caresse.

Je fais un virage improbable, incroyable et unique

Que retiendrez-vous plus tard de votre passage sur terre ?
Une certaine constance et, cela depuis toujours. J’avance avec sérénité en mettant un pied devant l’autre.

Si vous deviez choisir un moment fort de votre carrière, lequel serait-ce ?
Un moment fort et récent. En septembre dernier. Nous devions être en concert, mon fils et moi, au Festival du Chant du Gros. Marie-Jo était aux soins palliatifs. Malgré cela, j’ai tout de même décidé de faire le concert. Mon fils a refusé. Catégoriquement. Mais moi au fond de mes tripes, je sentais que je devais monter sur scène. Ma femme avait porté ce projet avec moi. J’ai dit à mon guitariste « on assumera à deux ». Quand Pierrick s’est rendu compte que rien ne perturberait ma décision, il m’a rejoint à la dernière minute. Un moment de grâce. Marie-Jo est décédée juste après le concert.

Un rêve encore à réaliser ?
Je souhaite que le projet « Ze Grands Gamins » soit un succès. Je fais un virage improbable, incroyable et unique. Des chansons pour enfants qui virent « rock » et qui séduisent les adultes de 25 à 45 ans. Personne ne peut faire ce que je fais. C’est donc un projet qui me tient particulièrement à cœur !

Retrouvez cet article dans notre édition Paris Match Suisse

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