Joël Dicker, une machine à best-sellers
Paris Match Suisse |
Quand il n’était pas encore célèbre, Joël Dicker parlait volontiers de lui-même, de sa vie privée. C’est à ce moment-là que nous l’avions rencontré une première fois il y a quelques années. Mais la notoriété internationale l’a incontestablement changé. Tout ce qui est du registre du privé est devenu à ses yeux un sujet tabou. Comme s’il se la jouait un peu vedette hollywoodienne, à la Garbo. Il évoque, en revanche, sa vie d’écrivain sans détour. Il répond notamment aux critiques qui le visent, malgré son immense succès, critiques sur son style et son goût jugé parfois excessif de la publicité et de l’autopromotion.
Il y a quelques années, quand nous avons rencontré Joël Dicker pour « Le Matin », le jeune écrivain venait de sortir « La Vérité sur l’affaire Harry Quebert » Mais il était loin de se douter du succès énorme qu’il allait connaître ! A cette époque, le jeune homme avait la modestie des grands. Nous étions sous le charme. Il parlait de tout, de sa grand-mère, de son enfance, de religion, d’amour, d’argent … sans tabou. Les choses ont changé depuis. L’écrivain à succès refuse aujourd’hui d’aborder les moindres pans de sa vie privée. Pourtant, il y a cinq ans, les choses étaient bien différentes. Et tellement mieux. Il se confiait : « L’amour est la seule chose importante de la vie. Quand on va mourir, qu’est-ce qui va nous rester ? L’amour ! L’amour que l’on a donné et celui que l’on a reçu. L’engagement est une étape. Vivre avec Constance (sa femme aujourd’hui) donne du sens à ma vie. Ensemble, on est hors du temps. Tous les deux, on est simplement bien. » Coup de foudre ? « On s’est apprivoisé. Constance est Canadienne. J’ai été séduit par sa personnalité chaleureuse, directe et nature. Oui, je suis amoureux. Il m’arrive de sourire aux anges, comme vous dites. » confiait-il, malicieux. Nous avons aimé cette belle spontanéité.
Chez l’écrivain, tout est sous contrôle
Avec « La disparition de Stéphanie Mailer », le Genevois Joël Dicker continue à surfer sur son immense succès international. On lui reproche d’en faire trop, de jouer la rock star dans la pub mais il assume. Pour ses interviews à Genève, Joël Dicker donne généralement rendez-vous aux « Saveurs d’Italie » un traiteur italien, situé près de Plainpalais, où le jeune écrivain a ses habitudes. Le jour de notre rencontre, il est arrivé à vélo, casque sur la tête. Quand, à la fin, nous lui avons demandé de poser avec sa bécane pour une photo, il a refusé de manière polie mais ferme, car cela ne correspond pas à l’image qu’il veut donner. Finie la fraîcheur des débuts. Désormais, chez Joël Dicker, tout est sous contrôle.
Cinq ans après « La Vérité sur l’affaire Harry Quebert » qui s’était vendu à plus de trois millions d’exemplaires, son dernier roman « La disparition de Stéphanie Mailer » caracole, lui, aussi, en tête des ventes. Le Genevois était attendu au tournant mais le succès, impressionnant, est à nouveau au rendez-vous. « C’est génial, c’est chouette, le public est toujours fidèle, même si chaque livre est une nouvelle aventure » sourit-il. En partance pour un nouveau voyage, il a peu de temps à nous accorder. Rompu désormais au talk-shows les plus médiatiques, il répond de manière aimable, mais sans s’étendre, l’air parfois un peu las, comme si c’était devenu routine.
A 32 ans, il est déjà riche, connu à travers toute la planète avec, en plus, un physique avenant qui plaît aux femmes. Pourtant il ne semblait pas en avoir conscience il y a quelques années : « Bof, je ne me trouve pas spécialement beau ! Je ne supporte pas de me voir en photo. Ce que j’aime le plus ? Mes yeux parce qu’ils changent de couleur. Ils peuvent être bleus, verts ou gris. Et ce que j’aime le moins ? Ma gueule. »
J’apprécie ce qui m’arrive sans trop me poser de questions
N’y a-t-il pas quelque chose de vertigineux d’avoir déjà tout ou presque si jeune ? Il relativise. « J’apprécie ce qui m’arrive sans trop me poser de questions. C’est le succès qui vous choisit et pas l’inverse. C’est quelque chose qu’on ne maîtrise pas, tout peut s’arrêter si vite. » Le reconnaît-on dans la rue ? « A Genève, ça m’arrive et ça me fait plaisir. » Invité aux quatre coins du monde, quelles ont été les étapes les plus exotiques, les plus marquantes ? « Une foire du livre à Carthagène en Colombie, où l’accueil a été très chaleureux, un très beau pays, au Brésil aussi. »
Alors que, selon le cliché, les écrivains ont tendance à fuir les projecteurs, Joël Dicker est l’exemple inverse. Fort de son succès international doublé de son look de jeune premier, il n’a pas hésité à engranger les contrats de pubs. Après Swiss et Peugeot notamment, il est devenu cette année ambassadeur des montres Piaget, pour lesquelles on l’a vu récemment poser avec l’acteur hollywoodien Ryan Reynolds et le mannequin Doutzen Kroes. Hérésie s’écrient les puristes , « hypermédiatisation jusqu’à la nausée » fustige « Le Matin Dimanche ». Joël Dicker assume totalement. « Je n’ai pas la vision d’une littérature triste et poussiéreuse. J’essaie de véhiculer une autre image. On peut écrire tout en étant à la mode et dans le vent. Le principal est de donner envie de lire. » Autre critique récurrente à son sujet : un style qui est loin de faire l’unanimité « Déluge de clichés » « Rédaction digne d’un élève de sixième » ont taclé « L’Obs » et « Le Monde ». Mais le Genevois assure ne pas avoir été touché. « Ils ont le droit de ne pas aimer » élude-t-il.
Maintenant, on voudrait qu’il nous parle de ses trois frères et sœurs, de ses parents, de son épouse Constance, psychologue. Savoir comment ils vivent son succès ? Mais, subitement, Joël Dicker se braque. « Je ne réponds à aucune question sur ma vie privée. » tranche-t-il, sèchement. Et on a beau insister, peine perdue. C’est tout juste s’il accepte d’évoquer celle qui fut une grand-mère adorée et très proche : il a longtemps écrit ses livres dans une pièce de son appartement au cœur de Genève. « J’en garde de merveilleux souvenirs. J’avais mon bureau, loin de l’agitation. J’ai passé 8, 10 ans à y travailler. »
Précisément, comment se passe une de ses journées d’écrivain ? « Je me lève aux aurores, puis j’écris jusqu’au soir en m’accordant quelques pauses ». La course à pied lui sert de bol d’oxygène. « C’est la coupure idéale, ça fait un bien fou. Ou que je sois, j’emporte mes baskets. J’ai découvert je ne sais combien de villes en courant ». Grand consommateur de sport, il avoue un faible pour un certain Ronaldo, avec lequel il se sent des affinités. « Ronaldo n’est pas arrivé là où il en est par hasard. C’est un bosseur qui s’est toujours entraîné plus dur que les autres. Le talent ne représente que 20% dans la réussite, tout le reste c’est du travail. Idem pour Federer. »
Lui qui nous confiait que ses nuits étaient peuplées de rêves et que son subconscient travaillait constamment, aurait-il imaginé qu’un jour son roman inspirerait un réalisateur ? Car en septembre, autre consécration, l’adaptation de « La vérité sur l’affaire Harry Quebert », signée Jean-Jacques Annaud, sortira sur Tf1. Une série de dix épisodes tournés au Canada avec Jack Dempsey dans le rôle principal. Joël Dicker s’est rendu plusieurs fois sur le tournage « J’ai été fasciné par le ballet permanent des quelque 300 personnes. Sans compter que Jean-Jacques Annaud et Jack Dempsey sont des hommes merveilleux. » Dans l’immédiat, le Genevois a une autre priorité : se remettre au travail. « Je n’ai pas cessé de voyager depuis deux ans. Je vais à nouveau m’asseoir avec moi-même et retrouver mon métier d’écrivain. J’en ressens le besoin. »
Critiqué ou adulé comme bon nombre d’auteurs à succès, Joël Dicker occupe désormais une place de choix sur la scène littéraire internationale.
Cet article est issu de l’édition Paris Match Suisse.
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