L’Histoire horlogère suisse en héritage

Paris Match Suisse |

La bijouterie Junod à Lausanne, plus ancienne enseigne familiale de Suisse romande, témoigne de 150 ans d’horlogerie dans le pays. Des artisans pionniers du XIXe siècle à l’ère des marques prestigieuses, cinq générations ont su évoluer avec le métier.

 

Au premier regard, en entrant dans la bijouterie Junod, place Saint-François à Lausanne, rien ne distingue l’établissement des autres enseignes haut de gamme du secteur. Lumière tamisée, ambiance feutrée, vitrines soignées, l’œil est toutefois rapidement attiré par la mécanique originale de la pendule Atmos de JaegerLeCoultre, «souvent offerte comme cadeau diplomatique par la Confédération», souligne une vendeuse. Tranchant avec cette modernité, un épais livre ancien relié retient l’attention. Nicolas Goei, 58 ans discret et soigné, cinquième génération à la tête l’entreprise, se saisit avec minutie du «Traité d’horlogerie moderne», daté de 1869 et largement annoté par son arrière-arrière-grand-père, Ami Junod, premier de la dynastie joaillière. «Ce traité est très complet. Jean-Claude Biver m’a dit un jour que si tout brûlait et qu’il ne devait rester que ce livre, on pourrait intégralement refaire une montre.»

Un gamin de Sainte-Croix à la découverte de l’Amérique

Loin d’une curiosité anecdotique, l’ouvrage traduit la passion de Nicolas Goei pour l’histoire familiale, à laquelle il a décidé de consacrer un étage de la boutique, l’ancien atelier d’horlogerie de l’aïeul fondateur. Les photos Belle Epoque de la famille et de l’atelier côtoient les pages jaunies des premiers livres de comptes. Sur l’établi d’origine, vieux de deux cents ans, une caisse à outils d’époque, celle d’Ami Junod, qui fraîchement diplômé d’horlogerie, part aux Amériques en quête d’expérience et d’aventure, avant d’ouvrir son atelier à Sainte-Croix en 1867: «C’était l’époque des artisans, les marques avaient moins d’importance, relève Nicolas Goei. Les montres étaient assemblées sur mesure. Comme la ligne de chemin de fer était fermée en hiver, mon aïeul descendait à vélo livrer jusqu’à Lausanne et même Nyon avec sa petite sacoche!»

C’est également Ami Junod qui ouvrira la boutique de Saint-François, «on ne sait plus exactement quand, mais vers 1885.» Ses deux fils emboîteront le pas, avec un apprentissage pour Fernand et Robert, suivi d’un voyage aux Etats-Unis. «Dans la famille, on fait ses preuves depuis la base», souligne Nicolas Goei, qui rappelle avoir suivi un stage de vendeur à Bâle après ses études en gemmologie et tenu la caisse et aidé aux paquets de Noël à la boutique familiale, tout jeune, «pour 10 francs de l’heure.» Une implication qui a permis à la famille de traverser deux guerres, la crise des années 30, ainsi que les mutations du secteur comme l’émergence des grandes marques.

 Le tournant des grandes marques

Témoin des révolutions du métier, Pierre Junod, troisième génération garde dans l’imaginaire familial l’image du «patriarche». Premier profil commercial de la lignée, il a connu l’hégémonie d’Omega sur le marché dans les années 60. «Un jour, ils sont venus voir mon grand-père, raconte Nicolas Goei, et lui ont demandé de devenir une boutique Omega, et de ne distribuer que les marques du groupe. Vu qu’ils archi-dominaient le marché, la proposition ne se refusait pas.» Une photo noir et blanc soignée, aux perspectives angulaires très sixties, rappelle l’époque où l’enseigne Omega couvrait la devanture, au côté du nom de la famille. Pour Nicolas Goei, pragmatique, pas de blessure d’orgueil: «On vendait 40 montres par jour à l’époque, c’est à ce moment que le business a réellement décollé.» Des Trente Glorieuses fastes qui permettent à Pierre Junod de racheter au reste de la famille les six étages de l’immeuble de Saint-François.

 «Quand Biver venait à la boutique, je lui disais «vend ton produit»

 L’héritage familial aurait pu disparaître, si l’une des deux filles de Pierre Junod, peu portée sur la succession, n’avait rencontré sur une plage d’Espagne Lionel Goei, Indonésien d’origine chinoise, élevé en Hollande et diplômé d’HEC Paris, qu’elle épousera avant qu’il ne rejoigne la boutique familiale. Aujourd’hui âgé de 85 ans, le doyen, élégant et lucide, monte chaque jour à son bureau, même s’il a transmis dès 1986 le flambeau à son fils Nicolas, seulement 10 ans après avoir pris officiellement la direction de l’entreprise. «J’ai dû faire le dos rond longtemps, avant de taper du poing sur la table et faire valoir mes idées auprès de mon beau-père», se rappelle-t-il. En particulier, celle de faire entrer d’autres marques face à Omega. Il se rappelle des visites régulière d’un «jeune homme fringant» Jean-Claude Biver, qui a eu l’idée au tournant des années 80 de revaloriser le mouvement classique en pleine période de la montre à quartz. «Ses montres se vendaient très bien. Quand il venait relever les compteurs à la boutique le samedi, et que des clients demandaient une Blancpain, je lui disais: «Vends ton produit» évoque-t-il, amusé.

Sans descendance directe, Nicolas Goei travaille depuis 8 ans avec sa sœur Nathalie et garde un regard attentif sur ses neveux et nièces. En particulier sa nièce, créatrice de bijoux, qui envisagerait de monter à l’étage un atelier dédié. Si la succession est loin d’être assurée, le dirigeant laisse la porte ouverte: «C’est le propre de la famille que chaque génération apporte ses idées. Bien sûr, je serais sensible à voir l’œuvre familiale se perpétuer, mais je ne bouscule personne. Ça se fera si ça doit se faire.»

Tissot: top chrono depuis 1853

Il y a du culot et du savoir-faire dans l’histoire de Tissot, l’horloger du Locle devenu maître du temps sur les parquets de la NBA et chronométreur officiel du Tour de France. En 1853, les Tissot père et fils fondent leur entreprise horlogère au cœur des Montagnes...

Trois hôtels, trois dépaysements de charme

Une envie de dépaysement? Ces trois hôtels ont un point commun, un petit bout de rêve à savourer.

Dominique Gauthier: Mémoires gourmandes de confinement

Dominique Gauthier, le chef étoilé de la table gastronomique du Beau Rivage à Genève, Le Chat Botté, garde le lien avec nous tous en postant sur les réseaux sociaux des recettes «simples, amusantes et faciles à réaliser chez soi».

Annabelle Dentan : L’âme chic

Annabelle Dentan : L’âme chic Paris Match Suisse | Publié le 23/08/2018 Alexandre Lanz Trop cool pour s’en préoccuper, elle est pourtant une figure lausannoise. Forte de son goût pour le beau design, Annabelle Dentan a su créer une adresse unique en Suisse romande...

Didier Membrez, Entrepreneur dans l’âme

CEO de cerjo Switzerland SA, il a pris les rênes de l’entreprise en 1996. Rencontre avec un homme qui allie goût du risque et aptitudes pédagogiques.

Ils affrontent la maladie avec dignité

Ils affrontent la maladie avec dignité Paris Match Suisse | Publié le 15/11/2018  Bertrand Monnard  Jean-Claude Biver, Léonard Gianadda et Pierre Naftule, trois célébrités romandes, sont gravement atteintes dans leur santé.Ce sont trois des personnalités les plus en...

LA  RUMBA  DU  CHAT

La sortie d’un album du Chat a valeur d’événement. Même lorsqu’il s’agit du vingt-deuxième !

À l’Ouest, plein de nouveau

L’installation à Genève du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire du Ballet du Grand Théâtre. Les temps changent. Naguère le Grand Théâtre de Genève faisait exclusivement appel à des chorégraphes invités. Désormais la troupe...

Pierre-Marcel Favre le découvreur

L’éditeur lausannois est guidé par une insatiable curiosité qui explique les 1800 livres publiés et les 108 pays visités!

Le Flacon

Au Flacon, le chef Yoann Caloué, à contre-courant des tendances post-confinement, profite de la baisse de couverts imposée pour élever sa cuisine bistronomique au rang de cuisine gastronomique pour le plus grand bonheur des papilles de ses convives!

Pin It on Pinterest

Share This