Agnès Jaoui – Rencontres du 7ème art à Lausanne

Paris Match Suisse |

 

Femme la plus césarisée du cinéma français avec six trophées, Agnès Jaoui a participé en mars à Lausanne aux Rencontres 7ème Art, le festival de cinéma initié par son ami de longue date Vincent Perez. L’actrice et réalisatrice de «Place publique» s’y est longuement confiée sur son travail avec Jean-Pierre Bacri.

Quand elle parle de lui, il y a dans ses yeux une tendresse qui irradie. Lui, c’est Jean-Pierre Bacri, son ex-compagnon et éternel complice. Séparés en 2012, après 25 ans de vie commune, les deux acteurs n’ont jamais cessé de coécrire des films, enchaînant les succès. Venue sans lui aux Rencontres 7e Art à Lausanne pour la projection du «Goût des autres» et deux conversations avec le public, Agnès Jaoui ne manque jamais de préciser: notre scénario, notre travail, notre style. Bacri est de toutes ses phrases, de tous ses sourires.

Après la projection, nous avons retrouvé la Française de 54 ans en tête-à-tête. Elle confie qu’avec Jean-Pierre Bacri, 67 ans, ils écrivent un dixième film dont le sujet est encore secret: «On se voit tous les jours de 15 à 19 heures pour travailler.» Comment un couple peut-il à ce point réussir sa séparation? Agnès sourit: «Cela devrait toujours être comme çaJe pense qu’on se porte le même amour qu’au début. Le souci, c’est qu’on devrait pouvoir aimer son conjoint comme on aime nos amis, avec joie, sans possessivité, sans désir d’exclusivité. On devrait l’aimer, dans le sens de «ti voglio bene» en italien, vouloir son bien, son épanouissement. Or il y a des fois où l’on n’arrive plus à s’épanouir côte à côte, mais où l’on s’aime quand même.»

On s’attendait à rencontrer une personnalité attachante. Nous ne sommes pas déçus. Sans chichis, sans fard, la femme la plus primée aux Césars reste d’une sincérité désarmante. Oui, elle déteste se voir à l’écran, surtout sous son profil droit: «Et ça empire avec les années. J’essaie de ne plus y penser car les fois où je me trouve immonde, un autre me dira: «Tu es tellement toi-même dans ce film!» Ça vous force à une humilité certaine!» Oui, elle s’est mise à écrire dans sa jeunesse parce qu’on ne lui offrait aucun rôle: «Ce qui m’a poussée à devenir scénariste? Le chômage!» Oui, elle a de la peine à revoir ses films: «C’est trop d’émotion. Et il y a un aspect critique insupportable pour la perfectionniste que je suis.» Oui, elle a souffert, jeune actrice, de l’image de la femme dans le 7e art: «J’ai dû me battre contre le désir des hommes parfois et contre moi-même. C’est extrêmement contradictoire d’avoir une pensée féministe et en même temps l’envie de plaire. Comme réalisatrice par contre, comme je choisis mes équipes, être une femme n’est pas un problème.» Mais oui, elle déplore l’absence de reconnaissance: «Je n’ai jamais eu le César de la meilleure réalisatrice. C’est peut-être normal. Mais mes consœurs non plus (ndlr: en 44 éditions, seule une femme, Tonie Marshall, l’a reçu). Il y a aussi des femmes qui votent, donc ce n’est pas que de la faute des hommes. Le mépris pour la création des femmes est insidieux parce qu’on ne le voit pas. On a l’impression qu’elles peuvent s’exprimer. Sauf qu’après, on les ignore.»

Derrière ou devant la caméra, à la plume ou au micro, Agnès Jaoui excelle. On se souvient que son premier album «Canta» en 2006 lui avait valu une Victoire de la musique. Elle ne saurait dire quel art la comble davantage: «J’aime passer de l’un à l’autre. Tout est lié. J’ai commencé par être actrice. Jouer, c’est ce que j’aime. Cela porte bien son nom car on s’amuse. Réaliser me stresse, mais j’adore le montage. J’aime l’écriture aussi, c’est un lieu de liberté extrême même si c’est laborieux. La musique, c’est un immense bonheur. Là, je vais mettre en scène l’opéra Tosca, cet été. En fait, la musique est partout: il y en a dans nos mots, dans nos films.» Dans les textes Jaoui-Bacri, aussi omniprésent que la musicalité, il y a leur humour qui fait toujours mouche: «Jean-Pierre et moi, on survit grâce à l’humour. C’est dur sinon de se prendre les choses en pleine figure. Je ne suis pas désenchantée, mais je remarque qu’à tout stade de la vie, l’humour aide à prendre du recul.»

Avec deux décennies de thérapie derrière elle, la passionnée de littérature, de peinture et de gastronomie, fille d’une psychothérapeute, souhaite reprendre ce travail sur soi. Car derrière les rires, l’inquiétude, elle, est bien là: «La volatilité de nos existences m’angoisse depuis toujours, confie-t-elle. Avec l’âge, j’essaie de vivre intensément, sans panique par rapport au fait que voilà, c’est déjà passé! Mais c’est un combat que je n’ai pas gagné encore.» Pour atténuer ses tourments, Agnès Jaoui couche aussi ses émotions dans un journal depuis qu’elle a 11 ans. Comme une trace de vie: «Il y a, dans cette pratique, une façon de lutter contre ma disparition et un aspect thérapeutique évident. Ecrire calme mon angoisse profonde.» La maternité, qu’elle a découverte en 2008 en adoptant son fils et sa fille, ne l’a pas apaisée: «Au contraire. Parce que tout va encore plus vite et que vos enfants vous signifient aussi très vite que vous êtes une vieille merde!» Elle éclate de rire. Son adolescent, qui l’a accompagnée à Lausanne et attend, derrière la porte, la fin de notre interview, rêve-t-il de suivre ses traces au cinéma? «Il dit que non. Par contre ma fille, je pense que oui.»

La thérapie a également imprégné le travail d’Agnès Jaoui. «C’est la meilleure école scénaristique», assure-t-elle aux étudiants en cinéma lors de sa conférence à l’ECAL. «Les moments où les certitudes vacillent, où l’on apprend encore quelque chose, sont ceux où je me sens incroyablement vivante. C’est ce qui se produit chez un psy: on arrive avec ses préjugés sur sa mère, sa famille et au fur et à mesure, on retire nos œillères et notre point de vue évolue. J’aime profondément ça. Dans un scénario, il faut faire ce travail sur les personnages, il faut qu’ils évoluent. Ce qui nous amène à être bons ou mauvais, les malentendus qui font qu’on a tant de peine à s’aimer: ce sont ces mécanismes qui m’intéressent.» Et sa source d’inspiration est loin d’être tarie: «On vieillit, on change, on vit d’autres expériences qu’on veut partager. Cela nous permet de continuer à écrire avec Jean-Pierre. Et j’espère que ce sera jusqu’à mon dernier souffle.»

 

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