Baselworld ouvre en pleine incertitude

Paris Match Suisse |

Marquée par la défection d’Hermès et Dior, la Mecque de l’horlogerie affichera 600 exposants de moins cette année et sera raccourcie de deux jours. La fin d’une époque pour certains professionnels.

Ils font partie de ces centaines de petits exposants qui, moins médiatisés que les départs fracassants des marques françaises Dior et Hermès, n’en quittent pas moins le Salon de l’horlogerie de Bâle cette année, après parfois plusieurs décennies de présence continue. La société chaux-de-fonnière Bergeon, fondée en 1791 et fabricant d’outillage pour l’industrie horlogère, regrette la situation, comme l’exprime Johnny Veillard son directeur adjoint: «De 100 au début des années 2010, le nombre d’exposants dans notre catégorie dite des «branches annexes» a décliné de manière continue pour atteindre 26 l’an passé. Nous n’occupions plus qu’un coin de halle, il était de plus en plus difficile de nous trouver. Nous avons tiré la sonnette d’alarme. Bergeon, notamment notre CEO Vladimir Zennaro, a négocié au nom d’une vingtaine d’exposants pour trouver un terrain d’entente, exposer à des coûts raisonnables, et retrouver une taille critique. Mais Baselworld a décidé unilatéralement de changer de stratégie, et nous a signifié que les branches annexes n’étaient plus les bienvenues.»

Stratégie de repositionnement encore floue

Annoncé par Sylvie Ritter, directrice de Baselworld à l’issue de l’édition 2017, le virage stratégique s’axe essentiellement autour de deux décisions: le passage de 1300 exposants à un nombre compris entre 600 et 700, et la réduction de 8 à 6 jours de foire. Au-delà du redimensionnement, le flou persiste. Dans une newsletter parue fin 2017, l’organisation se contente d’affirmer que «Baselworld 2018 est la première étape d’un salon orienté vers l’avenir», et ajoute simplement que de «nouvelles approches conceptuelles», à l’étude, pourraient voir le jour dans les éditions suivantes.

Si le repositionnement demande à être clarifié, il s’inscrit en réponse à un contexte d’érosion marquée de l’événement. Déjà l’an passé, 200 exposants avaient disparu et la fréquentation accusé une baisse – pour la deuxième année consécutive – de 4%, à 106 000 visiteurs. Une forme d’arrogance des organisateurs envers les petits exposants est évoquée par Johnny Veillard de Bergeon pour expliquer ces désaffections en série: «Rien que la qualification de «branches annexes» traduisait déjà une certaine forme de considération. Nous étions déplacés de halle en halle au gré des années. Certains exposants ont aussi pu être découragés par l’augmentation régulière des prix. L’âme de Baselworld se perd.»

Le constat ne fait toutefois pas l’unanimité. Jean-Claude Biver, CEO de Tag Heuer – présent cette année encore Halle 1 aux côtés des autres grandes marques horlogères – estime que le salon conserve son prestige et son aura: «Même si la moitié des enseignes partent, ce sont avant tout des enseignes de taille relativement modeste, plus modeste en tout cas que les grandes marques, qui dans leur très large majorité restent et représentent l’essentiel du chiffre d’affaires. L’événement est simplement incontournable pour de grands groupes, comme Rolex ou Swatch Group. Pour moi, ça n’enlève rien à ce qu’est Bâle.»

Une guerre des salons délétère pour l’industrie

Les petits sous-traitants ne sont pas seuls à déserter. Après les horlogers Ulysse Nardin et Girard-Perregaux l’an passé, Dior et Hermès ont fait partie des six marques à rejoindre en 2018 le Salon International de la Haute Horlogerie de Genève (SIHH), qui connaît une dynamique remarquée. Créée en 1991, et longtemps vitrine du groupe Richemont, le SIHH a accueilli en janvier 35 marques, et 20 000 visiteurs, soit 20% de plus que l’édition précédente. Pour Jean-Claude Biver toutefois, les deux salons se positionnent sur deux créneaux distincts: «Le SIHH, c’est de la haute horlogerie, des marques de montres. Bâle accueille l’exposition d’un métier, le rendez-vous de toute une profession. Bijouterie, pierres précieuses, écrins, emballages, outils, des maisons qui vendent des établis: si vous êtes détaillant vous pouvez tout acheter. Bâle c’est aussi un endroit où l’on revoit les gens, ou l’on prend le pouls de la branche. Ça permet de faire des contacts, de voir le monde entier.»

S’il admet la cohabitation des deux salons, Jean-Claude Biver s’inquiète en revanche d’une concurrence qui s’installe au détriment du client: «Ce qui n’est pas acceptable, c’est que deux salons comme le SIHH et Bâle se tiennent à quelques semaines d’intervalle. Ça dénote une incohérence et une arrogance remarquable. Il faut quand même oser faire venir les gens deux fois en Suisse de façon si rapprochée! Je pense par exemple à la clientèle asiatique. Aujourd’hui, Il est impératif de s’entendre. Si la guéguerre devait passer avant l’intérêt du client, ce serait dramatique.»

Au-delà du SIHH, c’est toute une partie de l’écosystème auparavant concentré à Bâle qui tend à se désagréger dans l’espace et dans le temps. De nombreux sous-traitants horlogers ont déjà quitté Baselworld pour l’EPHJ, salon spécialisé dans la sous-traitance, qui a accueilli 800 exposants et 20 000 visiteurs juin passé. En réponse à leur exclusion de Bâle, la société Bergeon et son concurrent Horotec initient dès cette année, simultanément à Baselworld, un nouveau salon de la sous-traitance à La Chaux-de-Fonds, le Technical Watchmaker Show. Les 13 exposants recevront les clients au sein de leurs locaux. Un service de navettes sera proposé pour assurer la liaison, ainsi que pour acheminer depuis la gare les visiteurs en provenance de Baselworld.

Pour Jean-Claude Biver, toutefois, cette tendance à la dispersion ne suffit pas à remettre en cause le rôle central de Baselworld dans l’industrie horlogère: «Tant que les grandes marques d’horlogerie seront présentes à Bâle, le salon se maintiendra. Hermès ou Dior sont de très grandes enseignes du luxe, mais leur cœur de métier n’est pas l’horlogerie. Cela dit, les foires doivent se renouveler et s’adapter au siècle. Le raccourcissement de deux jours de Baselworld est une première étape indispensable. Tout va plus vite, les professionnels ont moins le temps, les coûts sont plus contrôlés. Il faut aller plus loin et tout repenser, y compris l’exposition en elle-même, peut-être en proposant des expositions thématiques. Et il faut s’y prendre maintenant. Il est plus facile de ranger quand le toit ne s’est pas encore effondré.»

 

Trois questions à Patrick Pruniaux CEO d’Ulysse Nardin

Ulysse Nardin a quitté Bâle en 2017 pour rejoindre son concurrent genevois, le SIHH. Qu’est ce qui fait la différence entre les deux organisations?

J’ai vécu les deux salons, 10 ans à Baselworld avec Tag Heuer, puis le SIHH en rejoignant Ulysse Nardin. Le SIHH propose un niveau de service élevé, avec notamment une harmonisation des stands. L’événement est plus structuré que Baselworld, et l’organisation générale est mieux rodée, en particulier dans la prise de rendez-vous. Il y a une coordination entre les différentes maisons présentes et les press tours sont bien organisés.

Pourtant Bâle accueille toujours 5 fois plus de visiteurs que le SIHH…

Baselworld est ouvert à tous en continu, quand le SIHH ouvre une seule journée au public le vendredi, à un prix assez élevé, autour de 70 francs. C’est bien de faire profiter les particuliers passionnés de beaux produits, mais avoir l’essentiel dédié aux professionnels permet de discuter plus sereinement, en particulier avec les détaillants.

Est-ce à dire que l’avenir de Bâle est compromis?

Bâle reste intéressant pour les grands groupes, à fort volume et forte visibilité. Peut-être qu’en revanche, pour certains petits exposants, l’investissement devient plus difficilement soutenable. La dimension et l’emplacement des stands sont déterminants dans la visibilité et les affaires, et sont le fruit de discussions historiques. Au SIHH, centré sur la haute horlogerie, les marques sont davantage placées sur un pied égalité. Il y a peut-être la place pour les deux salons, mais dans le cas d’une marque manufacturière comme la nôtre, Genève prend plus de sens.

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