Le trublion du barreau genevois
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A 66 ans, l’avocat Douglas Hornung, «sauveur» des employés de banque, livre le dernier combat de sa carrière. Toujours animé du feu sacré.
A deux pas de ses bureaux à Plainpalais, la rue Hornung – du nom d’un célèbre peintre local – rappelle le passé prestigieux d’une famille, genevoise depuis 1680, qui a donné entre autres une femme de lettres ou encore un maire à la ville. D’emblée pourtant, Douglas Hornung tient à casser tout présupposé d’héritier fortuné: «Je suis un Hornung par les soubrettes», souligne malicieusement ce fils d’un fleuriste et d’une secrétaire rappelant au passage que sa branche a été «oubliée» par le manuscrit généalogique de la famille.
Cette image iconoclaste, Douglas Hornung aime à la cultiver. Notamment en lançant en 2007, à 55 ans, la plateforme numérique divorce.ch, qui simplifie les procédures de séparation, précurseur des applications digitales du domaine juridique qui fleurissent actuellement. Le site traite désormais autour de 500 cas par an. «Je gère ça pratiquement tout seul, ça me prend une heure par jour, tout est automatisé. Avec une employée, on prend la peine de répondre aux questions par mail ou téléphone.»
Il faut dire qu’entre-temps, Douglas Hornung a eu de difficiles et très médiatisées procédures à mener. En particulier en lien avec les Etats-Unis, pays avec lequel il entretient une relation suivie depuis la rencontre avec sa femme, Américaine, venue étudier en Suisse dans les années 70 depuis Chicago, puis par l’adoption de sa fille et son fils, Américains également. Dès 2012, en revanche, trêve de sentimentalisme. Les banques suisses, après avoir payé des amendes records à l’Etat américain, s’engageaient à donner toutes les données utiles à l’inculpation de leurs propres salariés pour «conspiration contre les intérêts des Etats-Unis». Près de 100 000 personnes étaient potentiellement concernées. Procédures à rallonge, parfois jusqu’au Tribunal fédéral, Il défend seul les employés, avec face à lui nombre de ses collègues aux côtés des banques. «C’était incroyable de voir que même la Confédération laissait faire et abandonnait certains de ses concitoyens», se souvient celui qui, finalement, a obtenu gain de cause. «J’ai un peu pourri la présidence d’Eveline Widmer-Schlumpf», jubile-t-il aujourd’hui.
Toujours pas lassé de se battre, l’entrepreneur qui dit «détester la routine», s’est mis en tête de conserver ses bureaux de la rue Général-Dufour et de les mettre à disposition de jeunes avocats indépendants sur un modèle d’espace de coworking, avec boîte aux lettres et locaux pour recevoir, et créer ainsi sa nouvelle start-up Lawffice. Un modèle existant ailleurs, mais refusé à Genève par la Commission du barreau: «Je pense qu’ils cherchent à emmerder les petits et défendre les grands avocats bien installés», estime celui qui va défendre prochainement sa cause au Tribunal fédéral. Un dernier combat pour ce trublion du barreau qui envisage désormais, à 66 ans, de prendre du temps pour sa passion du voyage et profiter de ses propriétés, notamment en Indonésie. «Si je perdais, ce serait dommage de liquider les bureaux et le vécu qu’il y a dedans. Mais dans tous les cas, je ne compte pas finir en scène.»
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