Quand l’empire immobilier naît de la crise

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Antoine Hubert et Walter Chételat incarnent ces entrepreneurs qui ont su tirer leur épingle du jeu dans la débâcle immobilière des années 90. Retour sur cette décennie décisive qui a vu des magnats se construire quand d’autres s’effondraient.

Il a 30 ans en cette année 1996, et déjà plus rien à perdre. Antoine Hubert sort alors d’un mois de détention préventive très médiatisée, son entreprise Univers du cuir est déclarée en faillite laissant derrière de lourdes dettes et un homme marqué mais toujours combatif. Un coup de fil va alors lancer une carrière et une aventure entrepreneuriale et humaine. Walter Chételat se souvient: «Nous étions déjà amis à l’époque, sans pour autant faire d’affaires ensemble. J’avais bien sûr suivi ses déboires. Quand je l’ai eu en ligne, je lui ai dit «viens me rejoindre», et c’est ainsi que notre collaboration a commencé.»

Propriétaires étranglés par la hausse des taux

En retrait suite à un accident de la circulation, le Jurassien laisse alors sur un marché sinistré le jeune Valaisan à la tête du Café des Alpes à Prangins et de sa structure «Immobilier étude et gestion» fondée en 1988 et dédiée à la promotion, avec plusieurs immeubles sous gestion. Antoine Hubert analyse: «Suite au krach boursier de 1987, il y a eu un déplacement vers les actifs immobiliers, et les banques ont largement ouvert les vannes. A partir de 1992, la hausse soutenue des taux d’intérêt a mis beaucoup de propriétaires dans des situations intenables. Les saisies étaient prononcées et les banques exécutaient.»

Walter Chételat n’échappe pas à la tourmente: «Il a fallu faire face à quatre hausses de taux en moins d’un an. Je me revois dans les bureaux de la SBS, avec des banquiers qui me disaient que j’avais jusqu’au soir pour accepter un taux de 8,5%, sinon ils risquaient de s’aligner sur l’Europe. Or en France, les taux atteignaient 12%! On ne dormait pas beaucoup à l’époque.» Un immeuble doit alors être vendu pour faire redescendre à la pression: «J’avais des partenariats avec des architectes et des entreprises de construction qui se déclaraient les uns après les autres en faillite, les banques m’obligeant à tout reprendre à mon compte pour éviter la banqueroute des projets.» Le promoteur encaisse même une perte «de plusieurs centaines de milliers de francs» sur un projet à Crans-près-Céligny abandonné en cours de route.

Saisir les opportunités

C’était sans compter sur le goût du risque et l’intuition d’Antoine Hubert. Après avoir racheté à Walter Chételat 50% de la société, les deux hommes se lancent dans une vague de promotion immobilière. A titre individuel, Antoine Hubert commence à reprendre aux banques les biens saisis: «Le marché immobilier, c’était l’encéphalogramme plat. On était une petite dizaine, avec des personnalités comme Stéphane Bonvin dont le père Georges était pour moi un mentor, à prendre les opportunités. Quand les banques saisissaient, elles mettaient aux enchères mais personne n’achetait. J’ai pu acquérir des biens à des prix défiant toute concurrence. Un des derniers immeubles que j’ai conservé, acquis à Genève pour 2,4 millions, doit valoir aujourd’hui autour de 30.» Le Valaisan va détenir alors jusqu’à 30 immeubles, dont beaucoup ont été revendus depuis. «Un peu trop tôt concède-t-il, mais j’avais besoin de fonds pour le développement des cliniques. Et puis, il était difficile d’imaginer des taux si bas, si longtemps.»

De fait, la redescente des taux a permis par la suite des plus-values importantes. Le taux de capitalisation, qui calcule la valeur de l’immeuble par rapport au rendement locatif à baissé de 10% à 4%, pendant que les loyers continuaient à augmenter. Antoine Hubert met toutefois en avant un travail de valorisation qui a permis d’atteindre ces résultats: «La qualité des rénovations, la surélévation d’immeubles et l’aménagement des combles sont autant de marques de professionnalisme qui forgent la réussite. Des Bernard Nicod ou des Christian Constantin, on les aime ou pas, mais ils ont su traverser les crises grâce à ce professionnalisme.»

Risques payants

Le succès était en effet loin d’être écrit. Le tournant des années 2000 est marqué par des faillites retentissantes comme celle de Jean-Pierre Magnin, ou encore par la reprise du Noga Hilton en 2001 par la BNP et UBS, à qui le magnat Nassim Gaon devait encore plus de 72 millions de francs. Walter Chételat adoptait alors une position relativement prudente: «Chat échaudé craignant l’eau froide, je n’ai pris à partir de 1998 que des engagements limités. Il faut reconnaître à Antoine une dimension entrepreneuriale et un goût du risque plus prononcé, ce qui fait notre complémentarité. Quand il a voulu se lancer dans les cliniques en rachetant Genolier en 2002, j’ai consulté autour de moi et tout le monde me disait que c’était très dangereux, la plupart des cliniques étaient des débiteurs douteux.»

Antoine Hubert assume à 100% le risque pris, qui lui permet aujourd’hui d’être à la tête d’Aevis incluant Swiss Medical Network un groupe composé notamment de 17 cliniques et 4 hôtels de standing, pour lequel son ami Walter Chételat assume la direction immobilière: «On dit souvent trivialement que «quand mon coiffeur se met à faire de l’immobilier, c’est l’heure de vendre» ce qui signifie qu’en pratique, on ne fait jamais mieux que le marché en suivant le mainstream. Les meilleures affaires sont réalisées sur des biens dont plus personne ne veut.»

La réussite n’empêche pas les deux associés de garder un œil critique sur l’évolution actuelle de l’immobilier, comme le détaille Walter Chételat: «On voit toujours autant de grues en Valais, alors qu’il faut aujourd’hui faire les yeux doux aux locataires pour placer un logement, avec parfois même trois à six mois de loyer offerts. On est retombé dans une phase où l’on construit trop, il faut y être vigilant.»

 

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